Le Festival interceltique de Lorient, qui baisse le rideau ce soir, a reparcouru cette année le chemin des diasporas celtes. Il a poussé la curiosité jusqu’en Asie, rappelant que deux Lorientais ont été… mandarins en Cochinchine.
Depuis toujours, le Festival interceltique de Lorient se nourrit de rencontres improbables, de mariages des contraires. Dans son sillage, les Celtes ont parcouru tous les océans, exploré tous les continents. Oui, tous. Jusqu’à l’Asie: le Grand théâtre ouvrait, hier soir, les Portes de l’Annam, dans lesquelles se sont engouffrés l’accordéoniste Alain Pennec, le narrateur Mikaël Gwilhom et trois musiciennes vietnamiennes. Une création qui déverrouille des souvenirs depuis longtemps fermés. Mikaël Gwilhomdévoile la clé : «À la source, on trouve le livre de François Xavier Landrin, un médecin de Guérande(44). C’est de là que tout part», explique le président de l’association des Bretons du Vietnam. Entres les pages des «Portes de l’Annam», le Breton expatrié s’est embarqué sur les traces de marins bretons, du Pouldu et de Lorient, qui partirent au début du XIXesiècle en Indochine pour apporter leur soutien au jeune prince Nguyen-Anh, dans la reconquête de son royaume. Grâce à l’aide de ces aventuriers de l’ouest lointain, le monarque allait ainsi reconquérir le trône de ses aïeux et réunifier des terres qui deviendraient leVietnam.
D’Hô Chi Minh-Ville au Fil
Mikaël Gwilhom est sous le charme. Le récit séduit, enflamme l’imagination. Un musicien breton, Alain Pennec, monte à bord et affrète un fier équipage dans lequel se croisent des loups de mer bretons et trois musiciennes traditionnelles du Vietnam: Ngoc Mai Le Nhu et son dan bau (instrument monocorde traditionnel du Vietnam), Vu Thi Kim Yen et Hoang Thi Van Anh, deux chanteuses aux voix célestes. Tout prend forme. Sur scène, la cornemuse répond au dan bau comme le chant en breton se fait l’écho de la complainte vietnamienne. «Sur place, je disais aux musiciennes: un jour, on ira à Lorient, vous verrez… Et on l’a fait, on a été programmé au Festival interceltique», raconte Mikaël Gwilhom, des trémolos dans la voix, encore bouleversé de revenir aux sources du voyage, à Lorient.
Deux mandarins enterrés à Lorient
Une émotion partagée par les Lorientais. Car le spectacle a permis de renouer avec le fil invisible qui lie Lorient et l’extrême Orient. Si la mémoire s’est un peu diluée dans les brumes du passé, tous les Lorientais ont entendu parler de Jean-Baptiste Chaigneau… ne serait-ce que parce qu’ils empruntent parfois la rue qui porte son nom. Cet officier de marine natif de Lorient passa près de trente ans au service du roi de Cochinchine, devenu l’Empereur d’Annam. Il fut nommé général et, plus tard, grand mandarin. Philippe Vannier a également laissé son nom sur les plaques d’une rue de Lorient. Né à Locmariaquer, il participa lui aussi à la reconquête du trône du prince Nguyen Anh. Et fut, lui aussi, récompensé par la charge de mandarin. Décédé à Lorient en 1842, rue du Port, il est enterré au cimetière de Carnel, près de Jean-Baptiste Chaigneau.
Le Télégramme 14 aout 2011
