Aller au contenu

Répondre à : Legendes vietnamiennes

#14300

L’histoire de la chique de bétel

Il était une fois deux frères qui se ressemblaient à tel point que, bien qu’ils ne fussent point jumeaux, même les membres de leur famille se trompaient parfois. Le seul point sur lequel ils différaient était la gaîté, l’un était gai, l’autre sérieux. Les deux frères étaient élevés lorsque leur père mourut très peu de temps après leur mère. Fortement liés l’un à l’autre Tân, l’aîné, et Lang, le cadet, ne se séparaient jamais. Un jour, Tan épousa la fille d’un moine. Les relations entre les deux frères ne furent plus comme avant. L’aîné s’occupait toujours de son frère, mais plus de la même façon, et ils trouvaient moins de temps à passer ensemble. Lang comprenait que Tân soit amoureux de sa jeune épouse mais il en ressentait quand même de la tristesse. Un soir, alors que les deux frères avaient travaillé aux champs toute une longue journée, Lang rentra à la maison plus tôt que son frère ainé. A peine avait-il franchi le seuil de la maison que l’épouse de Tan se précipita vers lui et l’enlaça. Le cadet poussa un cri de stupeur qui fit comprendre à la jeune femme sa méprise. Plus tard, Tân rentra des champs et les trouva tout honteux. Les relations entre les frères ne s’améliorèrent pas et le cadet se rendit compte que Tân était jaloux de lui. Dès lors, il fut de plus en plus maussade jusqu’au jour où, plein de dépit, Lang décida de quitter la maison de son frère. Il marcha longtemps. Après plusieurs jours il atteignit les rives d’un grand fleuve dont les flots, rapides, le dissuadèrent de tenter de traverser. Il longea alors la rive puis s’assit au bord de l’eau. La tête entre les mains il se mit à pleurer. Au lever du jour, son âme l’avait quitté et son corps n’était plus qu’une grosse pierre au bord du fleuve. Pris de remords en comprenant que Lang était parti à cause de son comportement envers lui, Tân partit à la recherche de son frère. Il marcha plusieurs jours avant d’arriver auprès d’un grand fleuve qu’il ne pouvait franchir. Il s’arrêta et s’assit sur une grosse pierre. A l’aube, lorsque parut le soleil, il s’aperçut que la pierre était son frère pétrifié. Les regrets et remords l’envahirent et il se releva en pleurs. Au matin, à côté de la pierre, se dressait un arbre, droit vers le ciel. La femme de Tân se mit en chemin. Elle suivait un sentier qui la mena après plusieurs jours sur les bords d’un grand fleuve. Elle arriva au pied d’un arbre près d’une pierre. Elle s’appuya contre le tronc et se mit à pleurer. Au matin, à la place de la jeune femme une plante grimpante enlaçait le tronc de l’arbre. Un jour le roi Hùng vint à passer dans la région. Impressionné par cette histoire de trois jeunes, le roi décida alors, que le fruit de l’arbre et les feuilles de la plante grimpante seraient mâchés ensemble, avec un peu de la pierre. De ce doux mélange, émanait une agréable sensation d’ivresse et de chaleur; les lèvres devenaient rouge- la couleur du bonheur- et le visage rosissait. Sûr de lui, le roi affirma : « Ce sont eux. Voyez le miracle ! N’y eut-il jamais un amour aussi intense ? un amour aussi plein de rouge ! ». La culture de ces plantes fut répandue sur ordre royal ; un décret du roi Hùng obligea les jeunes garçons à fournir pour leur mariage, des feuilles de bétel (la plante grimpante), des noix d’arec (fruit de l’arbre extraordinaire) et de la chaux (comme la grosse pierre), qui devaient être mâchés ensemble en souvenir de ce bel amour entre Tân et la fille du moine Luu, d’une part et d’autre part, de cette entente entre Lang et son aîné. C’est depuis ce jour que les Vietnamiens et Vietnamiennes, ont pris la coutume de chiquer le bétel; si cette habitude est en voie de disparition, il est encore très important, ne serait-ce que symboliquement, que le fiancé apporte ces trois éléments le jour des noces.