› Discussions générales sur le Vietnam › La Culture au Vietnam › L’ombre et l’absent
- Ce sujet est vide.
-
AuteurMessages
-
-
11 juillet 2008 à 21h29 #4024
L’ombre et l’absent.
Il était une fois une femme dont le mari avait été envoyé comme soldat dans un poste frontière, au fond du « pays où l’on va en remontant les fleuves ».
En ce temps-là les communications étaient très difficiles et depuis plus de trois ans qu’il était loin, elle ne recevait que de rares nouvelles.Un soir, elle cousait à la lampe, près de son enfant qui dormait, quand un orage éclata. Un coup de vent éteignit la lampe, le tonnerre se mit à gronder, et l’enfant s’éveilla. Il prit peur. La mère alluma la petite mèche qui trempait dans l’huile et, montrant sa propre ombre sur le mur elle dit:
– ne crains rien, mon petit, père est là qui veille sur toi.
L’enfant regarda et cessa de pleurer
Le lendemain, au moment d’aller au lit, il réclama son père. La mère sourit heureuse, et se plaça de façon que sa silhouettefût bien visible aux yeux de son fils.
Elle lui apprit à joindre les mains avant de s’incliner devant l’ombre pour dire: »Bonsoir mon père »
L’habitude en fut vite priseet tous les soirs le rite s’accomplissait. Puis l’enfant couché, elle veillait tard dans la nuit, seule avec son ombre.
Son mari revint. Elle le vit, elle n’osa le regarder, elle n’eut ni geste ni parole pour manifester sa joie, mais quand il fut près d’elle il vit une larme couler sur son calme visage.
Furtivement elle l’essuya, puis il entendit la voix chère: »nous devons offrir un sacrifice aux ancêtres. Je vais aux provisions et vous confie notre enfant »
Pendant son absence, l’homme apprivoisa vite son fils. Mais quandil voulut se faire appeler père, l’enfant refusa en disant:
– non, vous n’êtes pas mon père. Je dis toujours bonsoir à mon père en allant au lit.
Le malentendu était fatal et l’homme souffrit dans ses sentiments les plus profonds. Trop délicat et trop fier pour interroger sa femme, il n’en fut que plus torturé.
Dès son retour du marché, elle sentit que le malheur était entré sous son toit, inéluctable. Les mots les plus discrets, comme le moindre de ses gestes, ne faisaient qu’exaspérer son mari. Il lui en voulait du silence même qu’il gardait obstinément, malgré la tentation de parler et l’espoir d’être détrompé.
Il ne manqua pas de se prosterner devant les mânes des ancêtres, il se détournait sans répondre, mais il plia immédiatement la natte pour défendre à la femme d’acomplir les rites à sa suite. Elle retint les larmes d’humiliation qui montaient à ses yeux.
Quand elle descendit le repas de l’autel et lui servit du riz fumant, il ne toucha pas aux baguettes. Le riz se refroidissait lentement dans le bol, elle attendait en silence, et sa douleur ne connut plus de bornes.
Brusquement l’homme se leva et quitta la maison, sans un mot.Pendant quelques temps, elle conserva un vague espoir. Puis sa souffrance devint telle que la pauvre femme se jeta dans la rivière.
Quand le mari apprit sa mort, le doute ébranla ses injustes soupçons. Il revint
Le soir, il alluma la lampe qui projeta son ombre sur le mur.
A sa grande surprise, il vit son fils joindre les mains pour s’incliner devant l’ombre.
Trop tard il comprit sa funeste erreur. Il fit dresser un autel au bord du fleuve et pendant trois jours et trois nuits des prières furent dites pour le repos de l’âme innocente. Il ne put ensuite que se résigner à l’irréparable, en demeurant, jusquà son dernier jour, fidèle au souvenir de la disparue.:jap:
-
-
AuteurMessages
- Vous devez être connecté pour répondre à ce sujet.