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Prevert et le Vietnam

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    • #4451

      Que je vous raconte:

      – le mardi soir et le mercredi pappy et mammy font souvent garderie..
      Et cematin notre petite fille Léa nous récite impeccablement
      « Chanson de la Seine  » de Jacques Prévert .. superbe

      – pour la remercier, je lui dis :
      « Pappy va te montrer les oeuvres complètes de Prévert illustrées par Follon  » .. (superbe).. » je te les offrirai quand tu aras 18 ans, si la poésie t’intéresse toujours « 

      (ma hantise et mon cauchemar étant de voir ma bibliothèque bazardée dans un vide grenier de bas étage !!)

      Et en feuilletant je tombe sur ce poème…

      j’en suis encore tout retourné… Vous le connaissiez ?

      Entendez-vous gens du Vietnam

      Entendez-vous
      Entendez-vous gens du Vietnam
      entendez-vous dans vos campagnes
      dans vos rizières dans vos montagnes…
      Oui nous les entendons
      Ces êtres inférieurs
      architectes danseurs pêcheurs et mineurs
      jardiniers et sculpteurs tisserands ou chasseurs paysans et pasteurs artisans et dockers
      coolies navigateurs

      Ces êtres inférieurs
      ne savaient haïr que la haine
      ne méprisaient que le mépris
      Ces êtres inférieurs
      ne craignaient gère la mort
      tant ils aimaient l’amour
      tant ils vivaient la vie
      et leur vie quelquefois était belle comme le jour
      et le sang de la lune courait sur les rizières
      et le jour lui aussi était beau comme la nuit

      Il y avait aussi la faim et la misère
      les très mauvaise fièvres et le trop dur labeur

      Mais le jour était beau comme la nuit
      le soleil fou dansait dans les yeux des jeunes filles
      et la nuit était belle comme le jour
      la lune folle dansait seule sur la mer
      la misère se faisait une beauté pour l’amour

      Et les enfants en fête malgré le Mauvais Temps
      jouaient avec les bêtes en pourchassant le vent

      Mais
      il y avait aussi et venant de très loin
      les Monopolitains
      ceux de la Métropole et de l’appât du gain
      Négociants trafiquants notables résidents avec les
      légionnaires les expéditionnaires et les concessionnaires
      et les hauts commissaires
      Et puis les missionnaires et les confessionnaires
      venus là pour soigner leurs frères inférieurs
      venus pour les guérir de l’amour de la vie
      cette vieille et folle honteuse maladie

      Et cela depuis fort longtemps
      bien avant la mortd e Louis XVI
      bein avnt l’exploitation et l’exportation
      de la Marseillaise
      Et la misère était cotée en Bourse
      sous le couvert
      et dans les plis et replis du pavillon tricolore

      ( désolé : la suite du poème est largement incomplète par rapport au poème que j’ai .. je le ferai au fur et à mesure de mes disponbilités .. par réedition successive.
      A moins que quelqu’un ne connaisse la version complète sur Internet svp : moi, je n’ai pas encore trouvé)


      … Soudain
      sont emportés dans les rapides de l’Histoire
      leurs bateaux de papier monnaie
      et comme dans les livres d’histoire importés de la métropole
      on proclame au Viêt Nam
      les Droits de l’homme
      … Et les Grands Planteurs d’Hévéas les Seigneurs de la
      Banque d’Indochine et les Grands Charbonniers du
      Tonkin
      en appellent sans plus tarder à la Quatrième République
      empirique apostolique et néo-démocratique
      Alors
      la fille aînée de l’Église
      son sang ne fait qu’un tour

      Un pauvre capucin et grand amiral des Galères
      arrive à fond de train par la mer
      et après avoir fait les sommations d’usage
      Ceci est mon corps expéditionnaire
      Ceci est votre sang
      à coup de droit canon il sermonne Haiphong
      des anges exterminateurs accomplissent leur mission
      et déciment la population
      Simple petit carnage
      présages dans le ciel
      sévère mais salutaire leçon
      Et vogue la galère
      après avoir bien joué son beau rôle dans l’Histoire
      l’Amiral se retire dans sa capucinière
      en dédaignant la gloire

      Et le temps fait semblant seulement de passer
      le temps du halte-là reste là l’arme au pied
      les temps des cerisiers en fleurs arrachés à la terre et volatilisés
      Et malgré d’inquiétantes menaces de paix
      les gens du trafic des piastres
      fêtent toutes les fêtes et sans en oublier

      Cependant que très loin on allume des lampions
      des lampions au napalm sur de pauvres paillotes
      et des femmes et des hommes des enfants du Viêt Nam
      dorment les yeux grands ouverts sur la terre brûlée
      et c’est comme Oradour
      c’est comme Madagascar et comme Guernica
      et c’est en plus modeste tout comme Hiroshima
    • #78554

      bonjour robin des bois

      le poème se trouve sur le lien :  » 8 aout 1951 : Henri Martin, ancien résistant FTP, condamné à 5 ans… »
      A bientôt pour discuter plus longuement de ces gens admirables ainsi que des dokers marseillais etc.
      Un grand Merci à toi.:bye:

    • #78556
      BRIMAZ;68133 wrote:
      bonjour robin des bois

      le poème se trouve sur le lien :  » 8 aout 1951 : Henri Martin, ancien résistant FTP, condamné à 5 ans… »
      A bientôt pour discuter plus longuement de ces gens admirables ainsi que des dokers marseillais etc.
      Un grand Merci à toi.:bye:

      Vous voulez parler je suppose de ce site

      8 août 1951: Henri Martin, ancien résistant FTP, condamné à 5 ans de prison pour « tentative de démoralisation de l’armée. » (Vietnam)

      Oui mais justement la partie que j’ai pu piquer en copier/coller vient de ce site , notamment la partie du poème qui figure après ma remarque sur « l’intégralité du poème.. »

      L’oeuvre complète est beaucoup beaucoup plus longue ; d’ailleurs vous pouvez déjà comparer le texte du début figurant sur ce site internet avec celui sur mon post .. que j’ai complété avec le bouquin de Prévert

    • #78564
      thuong19
      Participant
        BRIMAZ;68133 wrote:
        bonjour robin des bois

        le poème se trouve sur le lien :  » 8 aout 1951 : Henri Martin, ancien résistant FTP, condamné à 5 ans… »
        A bientôt pour discuter plus longuement de ces gens admirables ainsi que des dokers marseillais etc.
        Un grand Merci à toi.:bye:

        Salut Brimaz, salut Robin des Bois,
        Alors là, je suis étonné de la rapidité de ta réactivité Brimaz. Connaissais-tu ce poème de Prévert par coeur et surtout les origines de son inspiration?
        pour l’histoire je poste ci-dessous le résumé assez complet d’ailleurs sur  » l’affaire Henri Martin  » dont tu as indiqué le lien:

        Quote:
        8 août 1951: Henri Martin, ancien résistant FTP, condamné à 5 ans de prison pour « tentative de démoralisation de l’armée. » (Vietnam)

        Henri Martin ex F.T.P. s’est engagé dans la Marine pour combattre les Japonais à la fin 1945. Il constate qu’il est mobilisé non contre les fascistes mais contre les Indochinois qui revendiquent leur liberté, et se retrouve sur un bateau, en compagnie de vichystes qui ont fait le coup de feu contre les gaullistes à Dakar et de GMR, milices de Pétain qui pourchassaient les résistants. Les cadavres qu’il voit flotter sur l’eau, en Indochine, ne sont pas des gens assassinés par des pillards mais de malheureux paysans tués par la Légion étrangère (composée de 40 % d’allemands, évitant ainsi les camps de prisonniers) qui massacrait et brûlait des villages. Le 14 avril 1946, il voit les habitants de Haiphong mourir de faim. Redescendu dans le Sud, son bateau participe avec l’aviation au blocus du Nord en coulant les jonques qui transportent du riz depuis le Sud. « Je me souviens quant on a tué le petit môme […] C’était des civils avec un bébé […] Je conduisais le canot […] C’est moi qui ai amené la mort avec deux fusils-mitrailleurs. C’est une complicité d’assassinat. » Il participe au bombardement de Haiphong du 23 novembre 1946.
        Revenu en France en décembre 1946, il distribue des tracts à Toulon invitant les marins à réclamer la cessation des hostilités en Indochine. Il est arrêté et condamné à 5 ans de prison et à la dégradation militaire.
        Le PCF prend sa défense ainsi qu’un collectif d’intellectuels dont Jean-Paul Sartre qui publie, fin 1953, le livre L’affaire Henri Martin où Prévert écrit ceci:

        …Et le « ceci  » sera le poème de Prévert cité par Robin des Bois.
        Je complèterai la liste du collectif d’intellectuels avec Vercors, Hervé Bazin et JM Domenach.
        C’est rappeler une certaine époque incertaine de la lutte du peuple viêtnamien pour sa liberté et son indépendance.:jap:

      • #78580
        robin des bois;68124 wrote:
        Que je vous raconte:

        Et en feuilletant je tombe sur ce poème…

        j’en suis encore tout retourné… Vous le connaissiez ?

        Entendez-vous gens du Vietnam

        Entendez-vous
        Entendez-vous gens du Vietnam
        entendez-vous dans vos campagnes
        dans vos rizières dans vos montagnes…
        Oui nous les entendons
        Ces êtres inférieurs
        architectes danseurs pêcheurs et mineurs
        jardiniers et sculpteurs tisserands ou chasseurs paysans et pasteurs artisans et dockers
        coolies navigateurs

        Ces êtres inférieurs
        ne savaient haïr que la haine
        ne méprisaient que le mépris
        Ces êtres inférieurs
        ne craignaient gère la mort
        tant ils aimaient l’amour
        tant ils vivaient la vie
        et leur vie quelquefois était belle comme le jour
        et le sang de la lune courait sur les rizières
        et le jour lui aussi était beau comme la nuit

        Il y avait aussi la faim et la misère
        les très mauvaise fièvres et le trop dur labeur

        Mais le jour était beau comme la nuit
        le soleil fou dansait dans les yeux des jeunes filles
        et la nuit était belle comme le jour
        la lune folle dansait seule sur la mer
        la misère se faisait une beauté pour l’amour

        Et les enfants en fête malgré le Mauvais Temps
        jouaient avec les bêtes en pourchassant le vent

        Mais
        il y avait aussi et venant de très loin
        les Monopolitains
        ceux de la Métropole et de l’appât du gain
        Négociants trafiquants notables résidents avec les
        légionnaires les expéditionnaires et les concessionnaires
        et les hauts commissaires
        Et puis les missionnaires et les confessionnaires
        venus là pour soigner leurs frères inférieurs
        venus pour les guérir de l’amour de la vie
        cette vieille et folle honteuse maladie
        Et cela depuis fort longtemps
        bien avant la mortd e Louis XVI
        bein avnt l’exploitation et l’exportation
        de la Marseillaise
        Et la misère était cotée en Bourse
        sous le couvert
        et dans les plis et replis du pavillon tricolore

        Et puis une dernière fois ce fut encore la Grande Guerre
        ses nouvelles financières et ses hauts faits divers
        comme elle était Mondiale
        des français déclassés grands caïds du Viet Nam
        avec les chefs du gang de l’empire du Milieu
        se partageaient déjà comme barons en foire
        les morceaux du gâteau
        des lambeaux de pays
        avec l’assentiment de S.M. Bao-Daî

        … Soudain
        sont emportés dans les rapides de l’Histoire
        leurs bateaux de papier monnaie
        et comme dans les livres d’histoire importés de la métropole
        on proclame au Viêt Nam
        les Droits de l’homme
        … Et les Grands Planteurs d’Hévéas les Seigneurs de la
        Banque d’Indochine et les Grands Charbonniers du
        Tonkin
        en appellent sans plus tarder à la Quatrième République
        empirique apostolique et néo-démocratique
        Alors
        la fille aînée de l’Église
        son sang ne fait qu’un tour

        Un pauvre capucin et grand amiral des Galères
        arrive à fond de train par la mer
        et après avoir fait les sommations d’usage
        Ceci est mon corps expéditionnaire
        Ceci est votre sang
        à coup de droit canon il sermonne Haiphong
        des anges exterminateurs accomplissent leur mission
        et déciment la population
        Simple petit carnage
        présages dans le ciel
        sévère mais salutaire leçon
        Et vogue la galère
        après avoir bien joué son beau rôle dans l’Histoire
        l’Amiral se retire dans sa capucinière
        en dédaignant la gloire

        Et le temps fait semblant seulement de passer
        le temps du halte-là reste là l’arme au pied
        les temps des cerisiers en fleurs arrachés à la terre et volatilisés
        Et malgré d’inquiétantes menaces de paix
        les gens du trafic des piastres
        fêtent toutes les fêtes et sans en oublier

        Cependant que très loin on allume des lampions
        des lampions au napalm sur de pauvres paillotes
        et des femmes et des hommes des enfants du Viêt Nam
        dorment les yeux grands ouverts sur la terre brûlée
        et c’est comme Oradour
        c’est comme Madagascar et comme Guernica
        et c’est en plus modeste tout comme Hiroshima

        Et le temps reste là sur le qui- vive
        le temps du Halte -là
        le temps du désespoir
        et de la connerie noire
        Et la grande main-d’oeuvre jaune
        caresse tristement ses rizières ses forêts
        ses outils et ses champs son bétail affamé

        Des voix chantent
        Nous n’aimions pas notre misère
        mais avec elle nous pouvions lutter
        et quand parfois elle touchait terre
        sur cette pauvre terre nous pouvions respirer
        Vous
        qu’en avez vous fait
        Elle était lourde notre misère
        vous le saviez
        vous en avez déjà tiré plus que son pesant d’or
        Fous que vous êtes
        que voulez vous encore

        Aux voix de la main d’oeuvre jaune
        répondait une voix d’or
        une voix menaçante et radiodiffusée
        et la main-d’oeuvre se serrait
        la mort avançait

        Sourdes mais claires
        des voix chantaient
        Si la petite main d’oeuvre jaune
        et la très grande main d’or blanc
        coudes sur table et poing serrés
        se rencontraient
        elle ne tiendrait pas longtemps en l’air
        la blême menotte d’acier
        tâchée de sang caillé

        Longtemps en l’air
        c’est une façon de parler

        Et la voix d’or hurlait
        sur un ton aphonique délicat cultivé
        Feu à volonté
        Et les hommes de main d’or
        recrutés et parqués et fraîchement débarqués
        venant rétablir l’Ordre
        mitraillaient
        incendiaient

        Mais
        La main d’oeuvre jaune elle aussi
        se mé-ca-ni-sait
        Triste et graves
        mais résignées des voix chantaient

        Que voulez-vous
        on nous attaque à la machine
        se défendre à la main
        ne serait pas civilisé
        on nous traitreait encore de sauvages
        et d’arriérés
        on nous blâmerait

        Et l’empereur Bao-Daî
        partait « en permission »
        sur la Côte d’Azur
        c’est comme cela que les journaux annonçaient ses
        visites fébriles et affairées

        Là-bas
        sur le théâtre des Opérations bancaires
        le corps expéditionnaire
        n’avait plus les mêmes succès
        et dans de merveilleux décors
        tombaient les pauvres figurants de la mort
        Seuls les gens du trafic des piastres
        criaient bis et applaudissait
        Ici on criait Encore
        ailleurs on criait Assez
        plus loin on criait la Paix
        et des messieurs du meilleur monde fort discrètement
        s’éclipsaient

        Tout cela n’était pas une petite affaire
        les grandes compagnies internationales des Monopolitains
        alertaient leurs meilleurs experts
        leurs plus subtils tacticiens
        L’un d’eux
        un trépidant infatigable petit mégalomane d’une étourdissante
        et opiniâtre médiocrité
        et qui s’était couvert de gloire fiduciaire pendant la seconde
        guerre mondiale sur la route coupée du fer dans la plaie
        atterrit en coup de vent au Viet-Nam:jap:

        « Entendez-vous gens du Viet Nam » Jacques Prévert « La Pluie et le beau temps » (coll. Folio 1978)

      • #78588

        Je redécouvre Prévert, un poète que j’aimais beaucoup, mais que j’ai un peu oublié !

        Je n’avais jamais remarqué ce poème, pourtant, je me souviens avoir acheté le petit bouquin dont parle ChantalNgoc car le titre me plaisait beaucoup !

        Je ne le retrouve pas dans ma bibliothèque, il fut certainement donné à un de mes enfants… à qui j’ai inoculé le virus de la lecture et l’amour des beaux textes…

        Je n’avais pas, à l’époque, remarqué ce poème sur les Vietnamiens, parce que mon esprit occultait encore tout mon passé vietnamien, cause de souffrance…

        Maintenant, je suis en paix et désireuse d’en connaître plus sur mon pays natal et ce Forum m’aide beaucoup : merci donc à vous tous qui m’aidez, par vos posts, à « la recherche du temps passé »…

      • #78596
        Nem Chua
        Participant

          Superbe.

          Superbe aussi la réactivité de Brimaz et de ChantalNgoc, preuve s’il en faut de la vivacité des sentiments que nous avons pour le Vietnam, et du talent de Prévert pour les faire s’exprimer.

          Merci Robin.

        • #78608
          Nem Chua;68178 wrote:
          Superbe.

          Superbe aussi la réactivité de Brimaz et de ChantalNgoc, preuve s’il en faut de la vivacité des sentiments que nous avons pour le Vietnam, et du talent de Prévert pour les faire s’exprimer.

          Merci Robin.

          Merci pour la version de ChantalNgoc qui couvre presque tout , mais je pense que d’après ce que j’ai, il en manque un peu.. disons 5%.. dont tout un texte à la fin sur Henri Martin, plus un passage de poésie vers le mileu du poème..

          Le passage manquant à la partie poésie :

          Soudain
          sont emportés dans les rapides de l’Histoire
          leurs bateaux de papier monnaie
          et comme dans les livres d’histoire importés de la Métropole
          on proclame au Viêt Nam
          les Droits de l’homme
          Quoi
          ces gens qui crient famine sous prétexte qu’ils n’ont pas grand-chose à manger
          et qui s’ils étaient mieux nourris crieraient encore que c’est mauvais
          nous savons trop bien qui les mène
          et où on veut les emmener

          Et les Grands Planteurs d’Hévéas les Seigneurs de la Banque d’Indochine et les Grands Charbonniers du Tonkin
          en appellent sans plus tarder à la Quatrième République empirique apostolique et néo-démocratique
          Alors
          la fille aînée de l’Église
          son sang ne fait qu’un tour

          réedition: je m’aperçois qu’il manque aussi un morceau là

          Et malgré d’inquiétantes menaces de paix
          les gens du trafic des piastres
          fêtent toutes les fêtes et sans en oublier

          et l’on réveillonne à Noël comme au bon vieux pays
          à Saïgon à Hanoï
          et l’on fête l’Armistice et la Libération
          comme le Quatorze Juillet la prise de la Bastille
          sans façon

          Cependant que très loin on allume des lampions
          des lampions au napalm sur de pauvres paillotes

          (ps : le texte final me parait très curieux et je ne le comprends pas bien d’ailleurs : faudra que je vous le tape un jour , car quelqu’un de F-V trouvera sans doute une explication)

        • #78609
          thuong19
          Participant

            Merci Robin, Brimaz et Chantalngoc , pour nous rappeler ce poème bien méconnu de Jacques Prévert .
            Et n’étant pas un littéraire, je ne connaissais de Prévert que le recueil « Paroles ». Pour moi, c’est une bien belle découverte.
            Je ne savais pas que l’histoire d’Henri Martin, lui avait inspiré ce poème.:bye:

          • #78611

            merci chantalngoc,

            J’ai donné le lien « Henri Martin » pour que Robin ait le contexte historique mais je n’ai pas eu le temps de comparer le poème avec celui de  » la pluie et le beau temps » en effet plus complet.
            Oui thuong, je connaissais ce poème de Prévert, mais sûrement pas par coeur! merci à tous de penser à la poésie.
            A bientôt:bye:

          • #78619
            robin des bois;68192 wrote:
            Merci pour la version de ChantalNgoc qui couvre presque tout , mais je pense que d’après ce que j’ai, il en manque un peu.. disons 5%.. dont tout un texte à la fin sur Henri Martin, plus un passage de poésie vers le mileu du poème..

            Le passage manquant à la partie poésie :

            Soudain
            sont emportés dans les rapides de l’Histoire
            leurs bateaux de papier monnaie
            et comme dans les livres d’histoire importés de la Métropole
            on proclame au Viêt Nam
            les Droits de l’homme
            Quoi
            ces gens qui crient famine sous prétexte qu’ils n’ont pas grand-chose à manger
            et qui s’ils étaient mieux nourris crieraient encore que c’est mauvais
            nous savons trop bien qui les mène
            et où on veut les emmener

            Et les Grands Planteurs d’Hévéas les Seigneurs de la Banque d’Indochine et les Grands Charbonniers du Tonkin
            en appellent sans plus tarder à la Quatrième République empirique apostolique et néo-démocratique
            Alors
            la fille aînée de l’Église
            son sang ne fait qu’un tour

            réedition: je m’aperçois qu’il manque aussi un morceau là

            Et malgré d’inquiétantes menaces de paix
            les gens du trafic des piastres
            fêtent toutes les fêtes et sans en oublier
            et l’on réveillonne à Noël comme au bon vieux pays
            à Saïgon à Hanoï
            et l’on fête l’Armistice et la Libération
            comme le Quatorze Juillet la prise de la Bastille
            sans façon

            Cependant que très loin on allume des lampions
            des lampions au napalm sur de pauvres paillotes

            (ps : le texte final me parait très curieux et je ne le comprends pas bien d’ailleurs : faudra que je vous le tape un jour , car quelqu’un de F-V trouvera sans doute une explication)

            oui,Robin des Bois après vérification , je viens de me rendre compte que j’ai OUBLIE de recopier les deux parties que vous avez citées
            Milles excuses:jap:

          • #78621
            chantalngoc;68203 wrote:
            oui,Robin des Bois après vérification , je viens de me rendre compte que j’ai OUBLIE de recopier les deux parties que vous avez citées
            Milles excuses:jap:

            Mais non mais non

            Et svp, vous n’auriez pas par hasard la fin du texte de Prévert sur Internet? (qui est plutôt de la prose )

            Cà m’éviterait de le retaper .. merci d’avance de bien vouloir regarder

          • #78622
            robin des bois;68124 wrote:

            Entendez-vous gens du Vietnam

            Entendez-vous
            Entendez-vous gens du Vietnam
            entendez-vous dans vos campagnes
            dans vos rizières dans vos montagnes…
            Oui nous les entendons
            Ces êtres inférieurs
            architectes danseurs pêcheurs et mineurs
            jardiniers et sculpteurs tisserands ou chasseurs paysans et pasteurs artisans et dockers
            coolies navigateurs

            Ces êtres inférieurs
            ne savaient haïr que la haine
            ne méprisaient que le mépris
            Ces êtres inférieurs
            ne craignaient gère la mort
            tant ils aimaient l’amour
            tant ils vivaient la vie
            et leur vie quelquefois était belle comme le jour
            et le sang de la lune courait sur les rizières
            et le jour lui aussi était beau comme la nuit

            Il y avait aussi la faim et la misère
            les très mauvaise fièvres et le trop dur labeur

            Mais le jour était beau comme la nuit
            le soleil fou dansait dans les yeux des jeunes filles
            et la nuit était belle comme le jour
            la lune folle dansait seule sur la mer
            la misère se faisait une beauté pour l’amour

            Et les enfants en fête malgré le Mauvais Temps
            jouaient avec les bêtes en pourchassant le vent

            Mais
            il y avait aussi et venant de très loin
            les Monopolitains
            ceux de la Métropole et de l’appât du gain
            Négociants trafiquants notables résidents avec les
            légionnaires les expéditionnaires et les concessionnaires
            et les hauts commissaires
            Et puis les missionnaires et les confessionnaires
            venus là pour soigner leurs frères inférieurs
            venus pour les guérir de l’amour de la vie
            cette vieille et folle honteuse maladie
            Et cela depuis fort longtemps
            bien avant la mortd e Louis XVI
            bein avnt l’exploitation et l’exportation
            de la Marseillaise
            Et la misère était cotée en Bourse
            sous le couvert
            et dans les plis et replis du pavillon tricolore

            Et puis une dernière fois ce fut encore la Grande Guerre
            ses nouvelles financières et ses hauts faits divers
            Comme elle était mondiale
            Des français déclassés grands caids du VietNam
            avec les chefs du gang de l’empire du Milieu
            se partageaient déjà comme barons en foire
            les morceaux du gâteau
            des lambeaux de pays
            avec l’assentiment de S.M. Bao-Dai

            … Soudain
            sont emportés dans les rapides de l’Histoire
            leurs bateaux de papier monnaie
            et comme dans les livres d’histoire importés de la métropole
            on proclame au Viêt Nam
            les Droits de l’homme
            … Et les Grands Planteurs d’Hévéas les Seigneurs de la
            Banque d’Indochine et les Grands Charbonniers du
            Tonkin
            en appellent sans plus tarder à la Quatrième République
            empirique apostolique et néo-démocratique
            Alors
            la fille aînée de l’Église
            son sang ne fait qu’un tour

            Un pauvre capucin et grand amiral des Galères
            arrive à fond de train par la mer
            et après avoir fait les sommations d’usage
            Ceci est mon corps expéditionnaire
            Ceci est votre sang
            à coup de droit canon il sermonne Haiphong
            des anges exterminateurs accomplissent leur mission
            et déciment la population
            Simple petit carnage
            présages dans le ciel
            sévère mais salutaire leçon
            Et vogue la galère
            après avoir bien joué son beau rôle dans l’Histoire
            l’Amiral se retire dans sa capucinière
            en dédaignant la gloire

            Et le temps fait semblant seulement de passer
            le temps du halte-là reste là l’arme au pied
            les temps des cerisiers en fleurs arrachés à la terre et volatilisés
            Et malgré d’inquiétantes menaces de paix
            les gens du trafic des piastres
            fêtent toutes les fêtes et sans en oublier

            Cependant que très loin on allume des lampions
            des lampions au napalm sur de pauvres paillotes
            et des femmes et des hommes des enfants du Viêt Nam
            dorment les yeux grands ouverts sur la terre brûlée
            et c’est comme Oradour
            c’est comme Madagascar et comme Guernica
            et c’est en plus modeste tout comme Hiroshima

            Et le temps reste là sur le qui vive
            le temps du Halte- là
            le temps du désespoir

          • #78625
            chantalngoc;68206 wrote:
            Et le temps reste là sur le qui vive
            le temps du Halte- là
            le temps du désespoir

            Non là vous êtes « égarée » .. passage déjà cité et loin de la fin

            Moi j’en suis vraiment à la fin avec ce passage sur lequel vous avez terminé :

            L’un d’eux
            un trépidant infatigable petit mégalomane d’une étourdissante et opiniâtre médiocrité
            et qui s’était couvert de gloire fiduciaire pendant la seconde
            guerre mondiale sur la route coupée du fer dans la plaie
            atterrit en coup de vent au Viet-Nam

            Et en moins de temps qu’il ne mit un peu plus tard à l’écrire
            trouva la solution de cet interminable conflit

            Pour arrêter ou améliorer la regrettable et nécesaire guerre du Vietnam, il suffit, c’est tellement simple, de mettre le Vietnam dans la guerre

            Et résumant cette solution en un slogan d’une indéniable efficacité
            Virilité rapidité

            il reprend l’avion
            non sans avoir donné de très judicieuses précisions

            Des Français et des Vietnamiens se faisaient tuer pour protéger la vie et la fortune des gens qui entassaient d’immenses richesses, pour ne parler que de Chinois de Saïgon ou de Vietnamiens d’Hanoï, et tout cela aux frais du contribuable français.
            Dès lors, une seule solution: créer une armée proprement vietnamienne assez puissante pour rétablir l’ordre, puisque c’est au Vietnam (Tonkin, Annam, Cochinchine), pays de vingt-cinq millions d’habitants, que se fait la guerre.C’est par la création de cette armée nationale que le peuple vietnamien prendra pleinement conscience de son indépendance. Il faut que cette guerre, opù se jouent l’indépendance du vietnam, les libertés et la fortune de ses citoyens, soient considérée par lui comme sa guerre. Il faut que ses élites cessent d’être « attentistes », soucieuses de ne pas se compromettre dans l’hypothèse d’une victoire des communistes.
            Il faut que ce soit une guerre faite par le Vietnam avec l’aide de la France, et non une guerre faite par la France avec l’aide du Vietnam.

            C’est d’abord un état d’esprit à créer, celui que ce vieux lion qu’est le président Syngman RHEE a su créer en Corée.
            Et ce sont des réformes profondes à faire.

            Pourquoi gardez-vous en prison
            et depuis déjà plusieurs années
            un marin qui s’appelle Henri Martin ?
            1952

          • #78627
            robin des bois;68124 wrote:
            :

            … Soudain
            sont emportés dans les rapides de l’Histoire
            leurs bateaux de papier monnaie
            et comme dans les livres d’histoire importés de la métropole
            on proclame au Viêt Nam
            les Droits de l’homme

            Quoi
            ces gens qui crient famine sous prétexte qu’ils n’ont pas
            grand chose à manger
            et qui s’ils étaient mieux nourris crieraient encore que
            c’est mauvais
            nous savons très bien qui les mène
            et où on veut les emmener

            … Et les Grands Planteurs d’Hévéas les Seigneurs de la
            Banque d’Indochine et les Grands Charbonniers du
            Tonkin
            en appellent sans plus tarder à la Quatrième République
            empirique apostolique et néo-démocratique
            Alors
            la fille aînée de l’Église
            son sang ne fait qu’un tour

            Un pauvre capucin et grand amiral des Galères
            arrive à fond de train par la mer
            et après avoir fait les sommations d’usage
            Ceci est mon corps expéditionnaire
            Ceci est votre sang
            à coup de droit canon il sermonne Haiphong
            des anges exterminateurs accomplissent leur mission
            et déciment la population
            Simple petit carnage
            présages dans le ciel
            sévère mais salutaire leçon
            Et vogue la galère
            après avoir bien joué son beau rôle dans l’Histoire
            l’Amiral se retire dans sa capucinière
            en dédaignant la gloire

            Et le temps fait semblant seulement de passer
            le temps du halte-là reste là l’arme au pied
            les temps des cerisiers en fleurs arrachés à la terre et volatilisés
            Et malgré d’inquiétantes menaces de paix
            les gens du trafic des piastres
            fêtent toutes les fêtes et sans en oublier

            et l’on réveillonne à Noël comme au bon vieux pays
            à Saigon à Hanoï
            et l’on fête l’armistice et la libération
            comme le 14 juillet la prise de la Bastille
            sans façon


            Cependant que très loin on allume des lampions
            des lampions au napalm sur de pauvres paillotes
            et des femmes et des hommes des enfants du Viêt Nam
            dorment les yeux grands ouverts sur la terre brûlée
            et c’est comme Oradour
            c’est comme Madagascar et comme Guernica
            et c’est en plus modeste tout comme Hiroshima

            Et en moins de temps qu’il ne mit un peu plus tard à l’écrire
            trouva la solution de cet interminable conflit

            Pour arrêter ou améliorer la regrettable et nécessaire guerre du Vietnam, il suffit, c’est tellement simple, de mettre le Viet-Nam dans la guerre.

            Et résumant cette solution en un slogan d’une indéniable efficacité

            Virilité rapidité

            Il reprend l’avion
            non sans avoir donné de très judicieuses précisions

            des français et des vietnamiens se faisaient tuer pour protéger la vie et la fortune des gens qui entassaient d’immenses richesses, pour ne parler que de chinois de Saigon et de vietnamiens d’Hanoi, et de tout cela aux frais du contribuable français.
            Dès lors , une seule solution: créer une armée proprement vietnamienne assez puissante pour rétablir l’ordre, puisque c’est au Viet-Nam (Tonkin, Annam, Cochinchine), pays de vingt-cinq millions d’habitants, qui se fait la guerre. C’est par la création de cette armée nationale que le peuple vietnamien prendra pleinement conscience de son indépendance. Il faut que cette guerre, où se jouent l’indépendance du Viet-Nam, les libertés et la fortune de ses citoyens, soit considérée par lui comme sa guerre. Il faut que ses élites cessent d’être « attentistes », soucieuses de ne pas se compromettre dans l’hypothèse d’une victoire des communistes.
            Il faut que ce soit une guerre faite par le Viet-Nam avec l’aide de la France et non une guerre faite par la France avec l’aide du Viet-Nam
            C’est d’abord un état d’esprit à créer, celui que ce vieux lion qu’est le président Syngman Rhee a su créer en Corée
            Et ce sont des réformes profondes à faire.

            Pourquoi gardez vous en prison
            et depuis plusieurs années
            un marin qui s’appelle Henri Martin?
            1952

            (Voilà RDB, j’espère n’avoir oublié aucun passage)

          • #78629

            Robin des bois
            comme je ne sais toujours pas multiciter des passages, j’ai du reprendre  » vos » posts pour y insérer les paragraphes manquants.

          • #78630
            yen

              Robin, Chantalgnoc,

              Merci, pour ce poéme qui prend aux tripes. Je ne le connaissais pas. yen

            • #78647
              yen;68215 wrote:
              Robin, Chantalgnoc,

              Merci, pour ce poéme qui prend aux tripes. Je ne le connaissais pas. yen

              Au plan de la poésie pure .. sans prendre en compte donc la valeur Historique du document dans son contexte de 1952,

              je trouve ce passage là superbe :

              Ces êtres inférieurs
              ne savaient haïr que la haine
              ne méprisaient que le mépris
              Ces êtres inférieurs
              ne craignaient guère la mort
              tant ils aimaient l’amour
              tant ils vivaient la vie
              et leur vie quelquefois était belle comme le jour
              et le sang de la lune courait sur les rizières
              et le jour lui aussi était beau comme la nuit

              Il y avait aussi la faim et la misère
              les très mauvaise fièvres et le trop dur labeur

              Mais le jour était beau comme la nuit
              le soleil fou dansait dans les yeux des jeunes filles
              et la nuit était belle comme le jour
              la lune folle dansait seule sur la mer
              la misère se faisait une beauté pour l’amour

              Et les enfants en fête malgré le Mauvais Temps
              jouaient avec les bêtes en pourchassant le vent

              dont ces 4 vers que je trouve superbes :

              –  » et le sang de la lune courait sur les rizières »

              –  » la misère se faisait une beauté pour l’amour « 

              -« et les enfants en fête malgré le Mauvais Temps
              jouaient avec les bêtes en pourchassant le vent »

              Mais svp quelqu’un a-t-il des précisions sur la signification et le contexte historique de la partie finale du texte de Prévert?
              (en dehors de l’interrogation sur Henri Martin le marin emprisonné)

            • #78681
              yen

                Robin, bonjour
                Je n’avais jamais lu à ce jour, un poéme d’une telle intensité d’une telle beauté.
                Si j’en avais la possibilité, je donnerai en lecture, cet écrit à tous les adolescents lycéens , étudiants, et à « TOUS LES HOMMES DE BONNE VOLONTE » Je paraphraserai…. « et quelle co…, la guerre ».
                bonne journée yen

              • #78686

                Merci Robin,
                Je ne connaissais pas « Entendez-vous gens du Vietnam »
                C’est un poeme d’un qui a choisi son camp ; celui des tirailles.
                En fait, je ne savais pas qu’il avait proteste aussi directement contre la « re-occupation de l’Indochine ».
                Ca decoiffe, et pourtant, ca ne ressemble pas a la 317 eme section de Shoendorffer.
                Ca rappelle « Lettres de Iles Baladar » du meme Jacques PREVERT en plus direct.

                Il a pondu ca apres: ce n’est pas trop mal non plus, mais c’est moins Vietnamien.

                Etrange Etrangers
                Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
                Homme des pays loin
                Cobayes des colonies
                Doux petits musiciens
                Soleils adolescents de la porte d’Italie
                Boumians de la porte Saint-Ouen
                Apatrides d’Aubervilliers
                Brûleur de grandes ordures de la ville de Paris
                ébouillanteurs des bêtes trouvés mortes sur pied
                Au beau milieu des rues
                Tunisien de Grenelle
                Embeauchés débauchés
                Manœuvres désoeuvrés
                Polacks du Marais du Temple des RosiersCordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
                Pêcheurs des Baléares ou du cap Finisterre
                Rescapé Franco
                Et déportés de France Navarre
                Pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
                La liberté des autres
                Esclaves noirs de Fréjus
                Tiraillés et parqués
                Au bord d’une petite mer
                Où peu vous vous baignezEsclave noirs de Fréjus
                Qui évoquez chaque soir
                Dans les locaux disciplinaires
                Avec une vielle boîte à cigares
                Et quelques bouts de fil de fer
                Tous les échos de vos villages
                Tous les oiseaux de vos forets
                Et ne venez dans la capitale
                Que pour fêter au pas cadencé
                La prise de la Bastille le quatorze juillet

                Enfants du Sénégal
                Dépatriés expatriés et naturalisé
                Enfants indochinois
                Jongleurs aux innocents couteaux
                Qui viendrez autrefois aux terrasses des cafés
                Des jolis dragons d’or faits de papier pliéEnfant trop tôt grandi et si vite en allé
                Qui dormez aujourd’hui de retour au pays
                Le visage dans la terre
                Et des bombes incendiaires labourant vos rizières
                On vous a renvoyé
                La monnaie de vos papiers dorés
                On vous a retourné
                Vos petits couteaux dons le dos
                Etranges étrangers
                Vous êtes de la ville
                Vous êtes de sa vie
                Même si mal en vivez
                Même si vous en mourez.

                Indochine, Algérie : « du bon usage colonial » du napalm – l’Humanite
                (…)
                Prévert, peut-être le premier, avait lancé un cri d’alarme, dès 1953 :
                « Cependant que très loin on allume des lampions des lampions au napalm sur de pauvres paillotes et des femmes et des hommes des enfants du Vietnam dorment les yeux grands ouverts sur la terre brûlée…

              • #78694

                bonjour à tous, avons-nous enfin le poème complet? Sinon je suggère que nous allions voir dans les « Oeuvres Complètes » de Prévert. La Pléiade. Gallimard 1992.
                A bientôt pour l’analyse des quatre derniers vers tous ensemble? Bonne journée

              • #78706

                Bonjour

                A la page 2 de ce topic j’ai replacé les paragraphes que j’avais oubliés de recopier
                et à la page 1 de ce même topic il y a l’autre partie du poème
                le poème est complet

                il faudrait que je recolle tous les passages, mais je ne sais pas comment faire

              • #78740

                Entendez-vous gens du Vietnam
                Entendez-vous
                Entendez-vous gens du Vietnam
                entendez-vous dans vos campagnes
                dans vos rizières dans vos montagnes…

                Oui nous les entendons
                Ces êtres inférieurs
                architectes danseurs pêcheurs et mineurs
                jardiniers et sculpteurs tisserands ou chasseurs paysans et pasteurs artisans et dockers
                coolies navigateurs

                Ces êtres inférieurs
                ne savaient haïr que la haine
                ne méprisaient que le mépris

                Ces êtres inférieurs
                ne craignaient gère la mort
                tant ils aimaient l’amour
                tant ils vivaient la vie
                et leur vie quelquefois était belle comme le jour
                et le sang de la lune courait sur les rizières
                et le jour lui aussi était beau comme la nuit

                Il y avait aussi la faim et la misère
                les très mauvaise fièvres et le trop dur labeur

                Mais le jour était beau comme la nuit
                le soleil fou dansait dans les yeux des jeunes filles
                et la nuit était belle comme le jour
                la lune folle dansait seule sur la mer
                la misère se faisait une beauté pour l’amour

                Et les enfants en fête malgré le Mauvais Temps
                jouaient avec les bêtes en pourchassant le vent


                Mais
                il y avait aussi et venant de très loin
                les Monopolitains
                ceux de la Métropole et de l’appât du gain
                Négociants trafiquants notables résidents avec les
                légionnaires les expéditionnaires et les concessionnaires
                et les hauts commissaires
                Et puis les missionnaires et les confessionnaires
                venus là pour soigner leurs frères inférieurs
                venus pour les guérir de l’amour de la vie
                cette vieille et folle honteuse maladie
                Et cela depuis fort longtemps
                bien avant la mortd e Louis XVI
                bein avnt l’exploitation et l’exportation
                de la Marseillaise
                Et la misère était cotée en Bourse
                sous le couvert
                et dans les plis et replis du pavillon tricolore

                Et puis une dernière fois ce fut encore la Grande Guerre
                ses nouvelles financières et ses hauts faits divers
                Comme elle était mondiale
                Des français déclassés grands caids du VietNam
                avec les chefs du gang de l’empire du Milieu
                se partageaient déjà comme barons en foire
                les morceaux du gâteau
                des lambeaux de pays
                avec l’assentiment de S.M. Bao-Dai

                Soudain
                sont emportés dans les rapides de l’Histoire
                leurs bateaux de papier monnaie
                et comme dans les livres d’histoire importés de la métropole
                on proclame au Viêt Nam
                les Droits de l’homme

                Quoi
                ces gens qui crient famine sous prétexte qu’ils n’ont pas
                grand chose à manger
                et qui s’ils étaient mieux nourris crieraient encore que
                c’est mauvais
                nous savons très bien qui les mène
                et où on veut les emmener

                … Et les Grands Planteurs d’Hévéas les Seigneurs de la
                Banque d’Indochine et les Grands Charbonniers du
                Tonkin
                en appellent sans plus tarder à la Quatrième République
                empirique apostolique et néo-démocratique
                Alors
                la fille aînée de l’Église
                son sang ne fait qu’un tour

                Un pauvre capucin et grand amiral des Galères
                arrive à fond de train par la mer
                et après avoir fait les sommations d’usage
                Ceci est mon corps expéditionnaire
                Ceci est votre sang
                à coup de droit canon il sermonne Haiphong
                des anges exterminateurs accomplissent leur mission
                et déciment la population
                Simple petit carnage
                présages dans le ciel
                sévère mais salutaire leçon

                Et vogue la galère
                après avoir bien joué son beau rôle dans l’Histoire
                l’Amiral se retire dans sa capucinière
                en dédaignant la gloire

                Et le temps fait semblant seulement de passer
                le temps du halte-là reste là l’arme au pied
                les temps des cerisiers en fleurs arrachés à la terre et volatilisés

                Et malgré d’inquiétantes menaces de paix
                les gens du trafic des piastres
                fêtent toutes les fêtes et sans en oublier

                et l’on réveillonne à Noël comme au bon vieux pays
                à Saigon à Hanoï
                et l’on fête l’armistice et la libération
                comme le 14 juillet la prise de la Bastille
                sans façon


                Cependant que très loin on allume des lampions
                des lampions au napalm sur de pauvres paillotes
                et des femmes et des hommes des enfants du Viêt Nam
                dorment les yeux grands ouverts sur la terre brûlée
                et c’est comme Oradour
                c’est comme Madagascar et comme Guernica
                et c’est en plus modeste tout comme Hiroshima

                Et le temps reste là sur le qui- vive
                le temps du Halte -là
                le temps du désespoir
                et de la connerie noire
                Et la grande main-d’oeuvre jaune
                caresse tristement ses rizières ses forêts
                ses outils et ses champs son bétail affamé

                Des voix chantent
                Nous n’aimions pas notre misère
                mais avec elle nous pouvions lutter
                et quand parfois elle touchait terre
                sur cette pauvre terre nous pouvions respirer
                Vous
                qu’en avez vous fait
                Elle était lourde notre misère
                vous le saviez
                vous en avez déjà tiré plus que son pesant d’or
                Fous que vous êtes
                que voulez vous encore

                Aux voix de la main d’oeuvre jaune
                répondait une voix d’or
                une voix menaçante et radiodiffusée
                et la main-d’oeuvre se serrait
                la mort avançait

                Sourdes mais claires
                des voix chantaient
                Si la petite main d’oeuvre jaune
                et la très grande main d’or blanc
                coudes sur table et poing serrés
                se rencontraient
                elle ne tiendrait pas longtemps en l’air
                la blême menotte d’acier
                tâchée de sang caillé

                Longtemps en l’air
                c’est une façon de parler

                Et la voix d’or hurlait
                sur un ton aphonique délicat cultivé
                Feu à volonté
                Et les hommes de main d’or
                recrutés et parqués et fraîchement débarqués
                venant rétablir l’Ordre
                mitraillaient
                incendiaient

                Mais
                La main d’oeuvre jaune elle aussi
                se mé-ca-ni-sait
                Triste et graves
                mais résignées des voix chantaient

                Que voulez-vous
                on nous attaque à la machine
                se défendre à la main
                ne serait pas civilisé
                on nous traitreait encore de sauvages
                et d’arriérés
                on nous blâmerait

                Et l’empereur Bao-Daî
                partait « en permission »
                sur la Côte d’Azur
                c’est comme cela que les journaux annonçaient ses
                visites fébriles et affairées

                Là-bas
                sur le théâtre des Opérations bancaires
                le corps expéditionnaire
                n’avait plus les mêmes succès
                et dans de merveilleux décors
                tombaient les pauvres figurants de la mort
                Seuls les gens du trafic des piastres
                criaient bis et applaudissait
                Ici on criait Encore
                ailleurs on criait Assez
                plus loin on criait la Paix
                et des messieurs du meilleur monde fort discrètement
                s’éclipsaient

                Tout cela n’était pas une petite affaire
                les grandes compagnies internationales des Monopolitains
                alertaient leurs meilleurs experts
                leurs plus subtils tacticiens
                L’un d’eux
                un trépidant infatigable petit mégalomane d’une étourdissante
                et opiniâtre médiocrité
                et qui s’était couvert de gloire fiduciaire pendant la seconde
                guerre mondiale sur la route coupée du fer dans la plaie
                atterrit en coup de vent au Viet-Nam
                Et en moins de temps qu’il ne mit un peu plus tard à l’écrire
                trouva la solution de cet interminable conflit

                Pour arrêter ou améliorer la regrettable et nécessaire guerre du Vietnam, il suffit, c’est tellement simple, de mettre le Viet-Nam dans la guerre.

                Et résumant cette solution en un slogan d’une indéniable efficacité

                Virilité rapidité

                Il reprend l’avion
                non sans avoir donné de très judicieuses précisions

                des français et des vietnamiens se faisaient tuer pour protéger la vie et la fortune des gens qui entassaient d’immenses richesses, pour ne parler que de chinois de Saigon et de vietnamiens d’Hanoi, et de tout cela aux frais du contribuable français.
                Dès lors , une seule solution: créer une armée proprement vietnamienne assez puissante pour rétablir l’ordre, puisque c’est au Viet-Nam (Tonkin, Annam, Cochinchine), pays de vingt-cinq millions d’habitants, qui se fait la guerre. C’est par la création de cette armée nationale que le peuple vietnamien prendra pleinement conscience de son indépendance. Il faut que cette guerre, où se jouent l’indépendance du Viet-Nam, les libertés et la fortune de ses citoyens, soit considérée par lui comme sa guerre. Il faut que ses élites cessent d’être « attentistes », soucieuses de ne pas se compromettre dans l’hypothèse d’une victoire des communistes.
                Il faut que ce soit une guerre faite par le Viet-Nam avec l’aide de la France et non une guerre faite par la France avec l’aide du Viet-Nam
                C’est d’abord un état d’esprit à créer, celui que ce vieux lion qu’est le président Syngman Rhee a su créer en Corée
                Et ce sont des réformes profondes à faire.

                Pourquoi gardez vous en prison
                et depuis plusieurs années
                un marin qui s’appelle Henri Martin?
                1952

              • #78744
                thuong19
                Participant

                  Merci Chantalngoc pour ce travail de recollement.:friends:

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