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15 octobre 2008 à 9h13 #4451
Que je vous raconte:
– le mardi soir et le mercredi pappy et mammy font souvent garderie..
Et cematin notre petite fille Léa nous récite impeccablement
« Chanson de la Seine » de Jacques Prévert .. superbe– pour la remercier, je lui dis :
« Pappy va te montrer les oeuvres complètes de Prévert illustrées par Follon » .. (superbe).. » je te les offrirai quand tu aras 18 ans, si la poésie t’intéresse toujours «(ma hantise et mon cauchemar étant de voir ma bibliothèque bazardée dans un vide grenier de bas étage !!)
Et en feuilletant je tombe sur ce poème…
j’en suis encore tout retourné… Vous le connaissiez ?
Entendez-vous gens du Vietnam
Entendez-vous
Entendez-vous gens du Vietnam
entendez-vous dans vos campagnes
dans vos rizières dans vos montagnes…Oui nous les entendons
Ces êtres inférieurs
architectes danseurs pêcheurs et mineurs
jardiniers et sculpteurs tisserands ou chasseurs paysans et pasteurs artisans et dockers
coolies navigateursCes êtres inférieurs
ne savaient haïr que la haine
ne méprisaient que le méprisCes êtres inférieurs
ne craignaient gère la mort
tant ils aimaient l’amour
tant ils vivaient la vie
et leur vie quelquefois était belle comme le jour
et le sang de la lune courait sur les rizières
et le jour lui aussi était beau comme la nuitIl y avait aussi la faim et la misère
les très mauvaise fièvres et le trop dur labeurMais le jour était beau comme la nuit
le soleil fou dansait dans les yeux des jeunes filles
et la nuit était belle comme le jour
la lune folle dansait seule sur la mer
la misère se faisait une beauté pour l’amourEt les enfants en fête malgré le Mauvais Temps
jouaient avec les bêtes en pourchassant le ventMais
il y avait aussi et venant de très loin
les Monopolitains
ceux de la Métropole et de l’appât du gain
Négociants trafiquants notables résidents avec les
légionnaires les expéditionnaires et les concessionnaires
et les hauts commissaires
Et puis les missionnaires et les confessionnaires
venus là pour soigner leurs frères inférieurs
venus pour les guérir de l’amour de la vie
cette vieille et folle honteuse maladie
Et cela depuis fort longtemps
bien avant la mortd e Louis XVI
bein avnt l’exploitation et l’exportation
de la Marseillaise
Et la misère était cotée en Bourse
sous le couvert
et dans les plis et replis du pavillon tricolore( désolé : la suite du poème est largement incomplète par rapport au poème que j’ai .. je le ferai au fur et à mesure de mes disponbilités .. par réedition successive.
A moins que quelqu’un ne connaisse la version complète sur Internet svp : moi, je n’ai pas encore trouvé)
… Soudain
sont emportés dans les rapides de l’Histoire
leurs bateaux de papier monnaie
et comme dans les livres d’histoire importés de la métropole
on proclame au Viêt Nam
les Droits de l’homme
… Et les Grands Planteurs d’Hévéas les Seigneurs de la
Banque d’Indochine et les Grands Charbonniers du
Tonkin
en appellent sans plus tarder à la Quatrième République
empirique apostolique et néo-démocratique
Alors
la fille aînée de l’Église
son sang ne fait qu’un tourUn pauvre capucin et grand amiral des Galères
arrive à fond de train par la mer
et après avoir fait les sommations d’usage
Ceci est mon corps expéditionnaire
Ceci est votre sang
à coup de droit canon il sermonne Haiphong
des anges exterminateurs accomplissent leur mission
et déciment la population
Simple petit carnage
présages dans le ciel
sévère mais salutaire leçon
Et vogue la galère
après avoir bien joué son beau rôle dans l’Histoire
l’Amiral se retire dans sa capucinière
en dédaignant la gloire
…
Et le temps fait semblant seulement de passer
le temps du halte-là reste là l’arme au pied
les temps des cerisiers en fleurs arrachés à la terre et volatilisés
Et malgré d’inquiétantes menaces de paix
les gens du trafic des piastres
fêtent toutes les fêtes et sans en oublier
…
Cependant que très loin on allume des lampions
des lampions au napalm sur de pauvres paillotes
et des femmes et des hommes des enfants du Viêt Nam
dorment les yeux grands ouverts sur la terre brûlée
et c’est comme Oradour
c’est comme Madagascar et comme Guernica
et c’est en plus modeste tout comme Hiroshima -
15 octobre 2008 à 9h54 #78554
bonjour robin des bois
le poème se trouve sur le lien : » 8 aout 1951 : Henri Martin, ancien résistant FTP, condamné à 5 ans… »
A bientôt pour discuter plus longuement de ces gens admirables ainsi que des dokers marseillais etc.
Un grand Merci à toi.:bye: -
15 octobre 2008 à 10h08 #78556BRIMAZ;68133 wrote:bonjour robin des bois
le poème se trouve sur le lien : » 8 aout 1951 : Henri Martin, ancien résistant FTP, condamné à 5 ans… »
A bientôt pour discuter plus longuement de ces gens admirables ainsi que des dokers marseillais etc.
Un grand Merci à toi.:bye:Vous voulez parler je suppose de ce site
Oui mais justement la partie que j’ai pu piquer en copier/coller vient de ce site , notamment la partie du poème qui figure après ma remarque sur « l’intégralité du poème.. »
L’oeuvre complète est beaucoup beaucoup plus longue ; d’ailleurs vous pouvez déjà comparer le texte du début figurant sur ce site internet avec celui sur mon post .. que j’ai complété avec le bouquin de Prévert
-
15 octobre 2008 à 10h37 #78564BRIMAZ;68133 wrote:bonjour robin des bois
le poème se trouve sur le lien : » 8 aout 1951 : Henri Martin, ancien résistant FTP, condamné à 5 ans… »
A bientôt pour discuter plus longuement de ces gens admirables ainsi que des dokers marseillais etc.
Un grand Merci à toi.:bye:Salut Brimaz, salut Robin des Bois,
Alors là, je suis étonné de la rapidité de ta réactivité Brimaz. Connaissais-tu ce poème de Prévert par coeur et surtout les origines de son inspiration?
pour l’histoire je poste ci-dessous le résumé assez complet d’ailleurs sur » l’affaire Henri Martin » dont tu as indiqué le lien:Quote:8 août 1951: Henri Martin, ancien résistant FTP, condamné à 5 ans de prison pour « tentative de démoralisation de l’armée. » (Vietnam)Henri Martin ex F.T.P. s’est engagé dans la Marine pour combattre les Japonais à la fin 1945. Il constate qu’il est mobilisé non contre les fascistes mais contre les Indochinois qui revendiquent leur liberté, et se retrouve sur un bateau, en compagnie de vichystes qui ont fait le coup de feu contre les gaullistes à Dakar et de GMR, milices de Pétain qui pourchassaient les résistants. Les cadavres qu’il voit flotter sur l’eau, en Indochine, ne sont pas des gens assassinés par des pillards mais de malheureux paysans tués par la Légion étrangère (composée de 40 % d’allemands, évitant ainsi les camps de prisonniers) qui massacrait et brûlait des villages. Le 14 avril 1946, il voit les habitants de Haiphong mourir de faim. Redescendu dans le Sud, son bateau participe avec l’aviation au blocus du Nord en coulant les jonques qui transportent du riz depuis le Sud. « Je me souviens quant on a tué le petit môme […] C’était des civils avec un bébé […] Je conduisais le canot […] C’est moi qui ai amené la mort avec deux fusils-mitrailleurs. C’est une complicité d’assassinat. » Il participe au bombardement de Haiphong du 23 novembre 1946.
Revenu en France en décembre 1946, il distribue des tracts à Toulon invitant les marins à réclamer la cessation des hostilités en Indochine. Il est arrêté et condamné à 5 ans de prison et à la dégradation militaire.
Le PCF prend sa défense ainsi qu’un collectif d’intellectuels dont Jean-Paul Sartre qui publie, fin 1953, le livre L’affaire Henri Martin où Prévert écrit ceci:…Et le « ceci » sera le poème de Prévert cité par Robin des Bois.
Je complèterai la liste du collectif d’intellectuels avec Vercors, Hervé Bazin et JM Domenach.
C’est rappeler une certaine époque incertaine de la lutte du peuple viêtnamien pour sa liberté et son indépendance.:jap: -
15 octobre 2008 à 12h52 #78580robin des bois;68124 wrote:Que je vous raconte:
Et en feuilletant je tombe sur ce poème…
j’en suis encore tout retourné… Vous le connaissiez ?
Entendez-vous gens du Vietnam
Entendez-vous
Entendez-vous gens du Vietnam
entendez-vous dans vos campagnes
dans vos rizières dans vos montagnes…Oui nous les entendons
Ces êtres inférieurs
architectes danseurs pêcheurs et mineurs
jardiniers et sculpteurs tisserands ou chasseurs paysans et pasteurs artisans et dockers
coolies navigateursCes êtres inférieurs
ne savaient haïr que la haine
ne méprisaient que le méprisCes êtres inférieurs
ne craignaient gère la mort
tant ils aimaient l’amour
tant ils vivaient la vie
et leur vie quelquefois était belle comme le jour
et le sang de la lune courait sur les rizières
et le jour lui aussi était beau comme la nuitIl y avait aussi la faim et la misère
les très mauvaise fièvres et le trop dur labeurMais le jour était beau comme la nuit
le soleil fou dansait dans les yeux des jeunes filles
et la nuit était belle comme le jour
la lune folle dansait seule sur la mer
la misère se faisait une beauté pour l’amourEt les enfants en fête malgré le Mauvais Temps
jouaient avec les bêtes en pourchassant le ventMais
il y avait aussi et venant de très loin
les Monopolitains
ceux de la Métropole et de l’appât du gain
Négociants trafiquants notables résidents avec les
légionnaires les expéditionnaires et les concessionnaires
et les hauts commissaires
Et puis les missionnaires et les confessionnaires
venus là pour soigner leurs frères inférieurs
venus pour les guérir de l’amour de la vie
cette vieille et folle honteuse maladie
Et cela depuis fort longtemps
bien avant la mortd e Louis XVI
bein avnt l’exploitation et l’exportation
de la Marseillaise
Et la misère était cotée en Bourse
sous le couvert
et dans les plis et replis du pavillon tricoloreEt puis une dernière fois ce fut encore la Grande Guerre
ses nouvelles financières et ses hauts faits divers
comme elle était Mondiale
des français déclassés grands caïds du Viet Nam
avec les chefs du gang de l’empire du Milieu
se partageaient déjà comme barons en foire
les morceaux du gâteau
des lambeaux de pays
avec l’assentiment de S.M. Bao-Daî… Soudain
sont emportés dans les rapides de l’Histoire
leurs bateaux de papier monnaie
et comme dans les livres d’histoire importés de la métropole
on proclame au Viêt Nam
les Droits de l’homme
… Et les Grands Planteurs d’Hévéas les Seigneurs de la
Banque d’Indochine et les Grands Charbonniers du
Tonkin
en appellent sans plus tarder à la Quatrième République
empirique apostolique et néo-démocratique
Alors
la fille aînée de l’Église
son sang ne fait qu’un tourUn pauvre capucin et grand amiral des Galères
arrive à fond de train par la mer
et après avoir fait les sommations d’usage
Ceci est mon corps expéditionnaire
Ceci est votre sang
à coup de droit canon il sermonne Haiphong
des anges exterminateurs accomplissent leur mission
et déciment la population
Simple petit carnage
présages dans le ciel
sévère mais salutaire leçonEt vogue la galère
après avoir bien joué son beau rôle dans l’Histoire
l’Amiral se retire dans sa capucinière
en dédaignant la gloire
…
Et le temps fait semblant seulement de passer
le temps du halte-là reste là l’arme au pied
les temps des cerisiers en fleurs arrachés à la terre et volatilisésEt malgré d’inquiétantes menaces de paix
les gens du trafic des piastres
fêtent toutes les fêtes et sans en oublier
…
Cependant que très loin on allume des lampions
des lampions au napalm sur de pauvres paillotes
et des femmes et des hommes des enfants du Viêt Nam
dorment les yeux grands ouverts sur la terre brûlée
et c’est comme Oradour
c’est comme Madagascar et comme Guernica
et c’est en plus modeste tout comme HiroshimaEt le temps reste là sur le qui- vive
le temps du Halte -là
le temps du désespoir
et de la connerie noire
Et la grande main-d’oeuvre jaune
caresse tristement ses rizières ses forêts
ses outils et ses champs son bétail affaméDes voix chantent
Nous n’aimions pas notre misère
mais avec elle nous pouvions lutter
et quand parfois elle touchait terre
sur cette pauvre terre nous pouvions respirer
Vous
qu’en avez vous fait
Elle était lourde notre misère
vous le saviez
vous en avez déjà tiré plus que son pesant d’or
Fous que vous êtes
que voulez vous encoreAux voix de la main d’oeuvre jaune
répondait une voix d’or
une voix menaçante et radiodiffusée
et la main-d’oeuvre se serrait
la mort avançaitSourdes mais claires
des voix chantaient
Si la petite main d’oeuvre jaune
et la très grande main d’or blanc
coudes sur table et poing serrés
se rencontraient
elle ne tiendrait pas longtemps en l’air
la blême menotte d’acier
tâchée de sang cailléLongtemps en l’air
c’est une façon de parlerEt la voix d’or hurlait
sur un ton aphonique délicat cultivé
Feu à volonté
Et les hommes de main d’or
recrutés et parqués et fraîchement débarqués
venant rétablir l’Ordre
mitraillaient
incendiaientMais
La main d’oeuvre jaune elle aussi
se mé-ca-ni-sait
Triste et graves
mais résignées des voix chantaientQue voulez-vous
on nous attaque à la machine
se défendre à la main
ne serait pas civilisé
on nous traitreait encore de sauvages
et d’arriérés
on nous blâmeraitEt l’empereur Bao-Daî
partait « en permission »
sur la Côte d’Azur
c’est comme cela que les journaux annonçaient ses
visites fébriles et affairéesLà-bas
sur le théâtre des Opérations bancaires
le corps expéditionnaire
n’avait plus les mêmes succès
et dans de merveilleux décors
tombaient les pauvres figurants de la mort
Seuls les gens du trafic des piastres
criaient bis et applaudissait
Ici on criait Encore
ailleurs on criait Assez
plus loin on criait la Paix
et des messieurs du meilleur monde fort discrètement
s’éclipsaientTout cela n’était pas une petite affaire
les grandes compagnies internationales des Monopolitains
alertaient leurs meilleurs experts
leurs plus subtils tacticiens
L’un d’eux
un trépidant infatigable petit mégalomane d’une étourdissante
et opiniâtre médiocrité
et qui s’était couvert de gloire fiduciaire pendant la seconde
guerre mondiale sur la route coupée du fer dans la plaie
atterrit en coup de vent au Viet-Nam:jap:« Entendez-vous gens du Viet Nam » Jacques Prévert « La Pluie et le beau temps » (coll. Folio 1978)
-
15 octobre 2008 à 14h09 #78588
Je redécouvre Prévert, un poète que j’aimais beaucoup, mais que j’ai un peu oublié !
Je n’avais jamais remarqué ce poème, pourtant, je me souviens avoir acheté le petit bouquin dont parle ChantalNgoc car le titre me plaisait beaucoup !
Je ne le retrouve pas dans ma bibliothèque, il fut certainement donné à un de mes enfants… à qui j’ai inoculé le virus de la lecture et l’amour des beaux textes…
Je n’avais pas, à l’époque, remarqué ce poème sur les Vietnamiens, parce que mon esprit occultait encore tout mon passé vietnamien, cause de souffrance…
Maintenant, je suis en paix et désireuse d’en connaître plus sur mon pays natal et ce Forum m’aide beaucoup : merci donc à vous tous qui m’aidez, par vos posts, à « la recherche du temps passé »…
-
15 octobre 2008 à 15h57 #78596
Superbe.
Superbe aussi la réactivité de Brimaz et de ChantalNgoc, preuve s’il en faut de la vivacité des sentiments que nous avons pour le Vietnam, et du talent de Prévert pour les faire s’exprimer.
Merci Robin.
-
15 octobre 2008 à 18h28 #78608Nem Chua;68178 wrote:Superbe.
Superbe aussi la réactivité de Brimaz et de ChantalNgoc, preuve s’il en faut de la vivacité des sentiments que nous avons pour le Vietnam, et du talent de Prévert pour les faire s’exprimer.
Merci Robin.
Merci pour la version de ChantalNgoc qui couvre presque tout , mais je pense que d’après ce que j’ai, il en manque un peu.. disons 5%.. dont tout un texte à la fin sur Henri Martin, plus un passage de poésie vers le mileu du poème..
Le passage manquant à la partie poésie :
Soudain
sont emportés dans les rapides de l’Histoire
leurs bateaux de papier monnaie
et comme dans les livres d’histoire importés de la Métropole
on proclame au Viêt Nam
les Droits de l’homme
Quoi
ces gens qui crient famine sous prétexte qu’ils n’ont pas grand-chose à manger
et qui s’ils étaient mieux nourris crieraient encore que c’est mauvais
nous savons trop bien qui les mène
et où on veut les emmenerEt les Grands Planteurs d’Hévéas les Seigneurs de la Banque d’Indochine et les Grands Charbonniers du Tonkin
en appellent sans plus tarder à la Quatrième République empirique apostolique et néo-démocratique
Alors
la fille aînée de l’Église
son sang ne fait qu’un tourréedition: je m’aperçois qu’il manque aussi un morceau là
Et malgré d’inquiétantes menaces de paix
les gens du trafic des piastres
fêtent toutes les fêtes et sans en oublier
et l’on réveillonne à Noël comme au bon vieux pays
à Saïgon à Hanoï
et l’on fête l’Armistice et la Libération
comme le Quatorze Juillet la prise de la Bastille
sans façon
…
Cependant que très loin on allume des lampions
des lampions au napalm sur de pauvres paillotes(ps : le texte final me parait très curieux et je ne le comprends pas bien d’ailleurs : faudra que je vous le tape un jour , car quelqu’un de F-V trouvera sans doute une explication)
-
15 octobre 2008 à 18h38 #78609
Merci Robin, Brimaz et Chantalngoc , pour nous rappeler ce poème bien méconnu de Jacques Prévert .
Et n’étant pas un littéraire, je ne connaissais de Prévert que le recueil « Paroles ». Pour moi, c’est une bien belle découverte.
Je ne savais pas que l’histoire d’Henri Martin, lui avait inspiré ce poème.:bye: -
15 octobre 2008 à 18h51 #78611
merci chantalngoc,
J’ai donné le lien « Henri Martin » pour que Robin ait le contexte historique mais je n’ai pas eu le temps de comparer le poème avec celui de » la pluie et le beau temps » en effet plus complet.
Oui thuong, je connaissais ce poème de Prévert, mais sûrement pas par coeur! merci à tous de penser à la poésie.
A bientôt:bye: -
15 octobre 2008 à 19h22 #78619robin des bois;68192 wrote:Merci pour la version de ChantalNgoc qui couvre presque tout , mais je pense que d’après ce que j’ai, il en manque un peu.. disons 5%.. dont tout un texte à la fin sur Henri Martin, plus un passage de poésie vers le mileu du poème..
Le passage manquant à la partie poésie :
Soudain
sont emportés dans les rapides de l’Histoire
leurs bateaux de papier monnaie
et comme dans les livres d’histoire importés de la Métropole
on proclame au Viêt Nam
les Droits de l’homme
Quoi
ces gens qui crient famine sous prétexte qu’ils n’ont pas grand-chose à manger
et qui s’ils étaient mieux nourris crieraient encore que c’est mauvais
nous savons trop bien qui les mène
et où on veut les emmenerEt les Grands Planteurs d’Hévéas les Seigneurs de la Banque d’Indochine et les Grands Charbonniers du Tonkin
en appellent sans plus tarder à la Quatrième République empirique apostolique et néo-démocratique
Alors
la fille aînée de l’Église
son sang ne fait qu’un tourréedition: je m’aperçois qu’il manque aussi un morceau là
Et malgré d’inquiétantes menaces de paix
les gens du trafic des piastres
fêtent toutes les fêtes et sans en oublier
et l’on réveillonne à Noël comme au bon vieux pays
à Saïgon à Hanoï
et l’on fête l’Armistice et la Libération
comme le Quatorze Juillet la prise de la Bastille
sans façon
…
Cependant que très loin on allume des lampions
des lampions au napalm sur de pauvres paillotes(ps : le texte final me parait très curieux et je ne le comprends pas bien d’ailleurs : faudra que je vous le tape un jour , car quelqu’un de F-V trouvera sans doute une explication)
oui,Robin des Bois après vérification , je viens de me rendre compte que j’ai OUBLIE de recopier les deux parties que vous avez citées
Milles excuses:jap: -
15 octobre 2008 à 19h34 #78621chantalngoc;68203 wrote:oui,Robin des Bois après vérification , je viens de me rendre compte que j’ai OUBLIE de recopier les deux parties que vous avez citées
Milles excuses:jap:Mais non mais non
Et svp, vous n’auriez pas par hasard la fin du texte de Prévert sur Internet? (qui est plutôt de la prose )
Cà m’éviterait de le retaper .. merci d’avance de bien vouloir regarder
-
15 octobre 2008 à 19h38 #78622robin des bois;68124 wrote:
Entendez-vous gens du Vietnam
Entendez-vous
Entendez-vous gens du Vietnam
entendez-vous dans vos campagnes
dans vos rizières dans vos montagnes…Oui nous les entendons
Ces êtres inférieurs
architectes danseurs pêcheurs et mineurs
jardiniers et sculpteurs tisserands ou chasseurs paysans et pasteurs artisans et dockers
coolies navigateursCes êtres inférieurs
ne savaient haïr que la haine
ne méprisaient que le méprisCes êtres inférieurs
ne craignaient gère la mort
tant ils aimaient l’amour
tant ils vivaient la vie
et leur vie quelquefois était belle comme le jour
et le sang de la lune courait sur les rizières
et le jour lui aussi était beau comme la nuitIl y avait aussi la faim et la misère
les très mauvaise fièvres et le trop dur labeurMais le jour était beau comme la nuit
le soleil fou dansait dans les yeux des jeunes filles
et la nuit était belle comme le jour
la lune folle dansait seule sur la mer
la misère se faisait une beauté pour l’amourEt les enfants en fête malgré le Mauvais Temps
jouaient avec les bêtes en pourchassant le ventMais
il y avait aussi et venant de très loin
les Monopolitains
ceux de la Métropole et de l’appât du gain
Négociants trafiquants notables résidents avec les
légionnaires les expéditionnaires et les concessionnaires
et les hauts commissaires
Et puis les missionnaires et les confessionnaires
venus là pour soigner leurs frères inférieurs
venus pour les guérir de l’amour de la vie
cette vieille et folle honteuse maladie
Et cela depuis fort longtemps
bien avant la mortd e Louis XVI
bein avnt l’exploitation et l’exportation
de la Marseillaise
Et la misère était cotée en Bourse
sous le couvert
et dans les plis et replis du pavillon tricoloreEt puis une dernière fois ce fut encore la Grande Guerre
ses nouvelles financières et ses hauts faits divers
Comme elle était mondiale
Des français déclassés grands caids du VietNam
avec les chefs du gang de l’empire du Milieu
se partageaient déjà comme barons en foire
les morceaux du gâteau
des lambeaux de pays
avec l’assentiment de S.M. Bao-Dai… Soudain
sont emportés dans les rapides de l’Histoire
leurs bateaux de papier monnaie
et comme dans les livres d’histoire importés de la métropole
on proclame au Viêt Nam
les Droits de l’homme
… Et les Grands Planteurs d’Hévéas les Seigneurs de la
Banque d’Indochine et les Grands Charbonniers du
Tonkin
en appellent sans plus tarder à la Quatrième République
empirique apostolique et néo-démocratique
Alors
la fille aînée de l’Église
son sang ne fait qu’un tourUn pauvre capucin et grand amiral des Galères
arrive à fond de train par la mer
et après avoir fait les sommations d’usage
Ceci est mon corps expéditionnaire
Ceci est votre sang
à coup de droit canon il sermonne Haiphong
des anges exterminateurs accomplissent leur mission
et déciment la population
Simple petit carnage
présages dans le ciel
sévère mais salutaire leçonEt vogue la galère
après avoir bien joué son beau rôle dans l’Histoire
l’Amiral se retire dans sa capucinière
en dédaignant la gloire
…
Et le temps fait semblant seulement de passer
le temps du halte-là reste là l’arme au pied
les temps des cerisiers en fleurs arrachés à la terre et volatilisésEt malgré d’inquiétantes menaces de paix
les gens du trafic des piastres
fêtent toutes les fêtes et sans en oublier
…
Cependant que très loin on allume des lampions
des lampions au napalm sur de pauvres paillotes
et des femmes et des hommes des enfants du Viêt Nam
dorment les yeux grands ouverts sur la terre brûlée
et c’est comme Oradour
c’est comme Madagascar et comme Guernica
et c’est en plus modeste tout comme HiroshimaEt le temps reste là sur le qui vive
le temps du Halte- là
le temps du désespoir -
15 octobre 2008 à 20h11 #78625chantalngoc;68206 wrote:Et le temps reste là sur le qui vive
le temps du Halte- là
le temps du désespoirNon là vous êtes « égarée » .. passage déjà cité et loin de la fin
Moi j’en suis vraiment à la fin avec ce passage sur lequel vous avez terminé :
L’un d’eux
un trépidant infatigable petit mégalomane d’une étourdissante et opiniâtre médiocrité
et qui s’était couvert de gloire fiduciaire pendant la seconde
guerre mondiale sur la route coupée du fer dans la plaie
atterrit en coup de vent au Viet-NamEt en moins de temps qu’il ne mit un peu plus tard à l’écrire
trouva la solution de cet interminable conflitPour arrêter ou améliorer la regrettable et nécesaire guerre du Vietnam, il suffit, c’est tellement simple, de mettre le Vietnam dans la guerre
Et résumant cette solution en un slogan d’une indéniable efficacité
Virilité rapiditéil reprend l’avion
non sans avoir donné de très judicieuses précisionsDes Français et des Vietnamiens se faisaient tuer pour protéger la vie et la fortune des gens qui entassaient d’immenses richesses, pour ne parler que de Chinois de Saïgon ou de Vietnamiens d’Hanoï, et tout cela aux frais du contribuable français.
Dès lors, une seule solution: créer une armée proprement vietnamienne assez puissante pour rétablir l’ordre, puisque c’est au Vietnam (Tonkin, Annam, Cochinchine), pays de vingt-cinq millions d’habitants, que se fait la guerre.C’est par la création de cette armée nationale que le peuple vietnamien prendra pleinement conscience de son indépendance. Il faut que cette guerre, opù se jouent l’indépendance du vietnam, les libertés et la fortune de ses citoyens, soient considérée par lui comme sa guerre. Il faut que ses élites cessent d’être « attentistes », soucieuses de ne pas se compromettre dans l’hypothèse d’une victoire des communistes.
Il faut que ce soit une guerre faite par le Vietnam avec l’aide de la France, et non une guerre faite par la France avec l’aide du Vietnam.C’est d’abord un état d’esprit à créer, celui que ce vieux lion qu’est le président Syngman RHEE a su créer en Corée.
Et ce sont des réformes profondes à faire.Pourquoi gardez-vous en prison
et depuis déjà plusieurs années
un marin qui s’appelle Henri Martin ?
1952 -
15 octobre 2008 à 20h34 #78627robin des bois;68124 wrote::
…
… Soudain
sont emportés dans les rapides de l’Histoire
leurs bateaux de papier monnaie
et comme dans les livres d’histoire importés de la métropole
on proclame au Viêt Nam
les Droits de l’hommeQuoi
ces gens qui crient famine sous prétexte qu’ils n’ont pas
grand chose à manger
et qui s’ils étaient mieux nourris crieraient encore que
c’est mauvais
nous savons très bien qui les mène
et où on veut les emmener… Et les Grands Planteurs d’Hévéas les Seigneurs de la
Banque d’Indochine et les Grands Charbonniers du
Tonkin
en appellent sans plus tarder à la Quatrième République
empirique apostolique et néo-démocratique
Alors
la fille aînée de l’Église
son sang ne fait qu’un tourUn pauvre capucin et grand amiral des Galères
arrive à fond de train par la mer
et après avoir fait les sommations d’usage
Ceci est mon corps expéditionnaire
Ceci est votre sang
à coup de droit canon il sermonne Haiphong
des anges exterminateurs accomplissent leur mission
et déciment la population
Simple petit carnage
présages dans le ciel
sévère mais salutaire leçonEt vogue la galère
après avoir bien joué son beau rôle dans l’Histoire
l’Amiral se retire dans sa capucinière
en dédaignant la gloire
…
Et le temps fait semblant seulement de passer
le temps du halte-là reste là l’arme au pied
les temps des cerisiers en fleurs arrachés à la terre et volatilisésEt malgré d’inquiétantes menaces de paix
les gens du trafic des piastres
fêtent toutes les fêtes et sans en oublieret l’on réveillonne à Noël comme au bon vieux pays
à Saigon à Hanoï
et l’on fête l’armistice et la libération
comme le 14 juillet la prise de la Bastille
sans façon…
Cependant que très loin on allume des lampions
des lampions au napalm sur de pauvres paillotes
et des femmes et des hommes des enfants du Viêt Nam
dorment les yeux grands ouverts sur la terre brûlée
et c’est comme Oradour
c’est comme Madagascar et comme Guernica
et c’est en plus modeste tout comme HiroshimaEt en moins de temps qu’il ne mit un peu plus tard à l’écrire
trouva la solution de cet interminable conflitPour arrêter ou améliorer la regrettable et nécessaire guerre du Vietnam, il suffit, c’est tellement simple, de mettre le Viet-Nam dans la guerre.
Et résumant cette solution en un slogan d’une indéniable efficacité
Virilité rapidité
Il reprend l’avion
non sans avoir donné de très judicieuses précisionsdes français et des vietnamiens se faisaient tuer pour protéger la vie et la fortune des gens qui entassaient d’immenses richesses, pour ne parler que de chinois de Saigon et de vietnamiens d’Hanoi, et de tout cela aux frais du contribuable français.
Dès lors , une seule solution: créer une armée proprement vietnamienne assez puissante pour rétablir l’ordre, puisque c’est au Viet-Nam (Tonkin, Annam, Cochinchine), pays de vingt-cinq millions d’habitants, qui se fait la guerre. C’est par la création de cette armée nationale que le peuple vietnamien prendra pleinement conscience de son indépendance. Il faut que cette guerre, où se jouent l’indépendance du Viet-Nam, les libertés et la fortune de ses citoyens, soit considérée par lui comme sa guerre. Il faut que ses élites cessent d’être « attentistes », soucieuses de ne pas se compromettre dans l’hypothèse d’une victoire des communistes.
Il faut que ce soit une guerre faite par le Viet-Nam avec l’aide de la France et non une guerre faite par la France avec l’aide du Viet-Nam
C’est d’abord un état d’esprit à créer, celui que ce vieux lion qu’est le président Syngman Rhee a su créer en Corée
Et ce sont des réformes profondes à faire.Pourquoi gardez vous en prison
et depuis plusieurs années
un marin qui s’appelle Henri Martin?
1952(Voilà RDB, j’espère n’avoir oublié aucun passage)
-
15 octobre 2008 à 20h40 #78629
Robin des bois
comme je ne sais toujours pas multiciter des passages, j’ai du reprendre » vos » posts pour y insérer les paragraphes manquants. -
15 octobre 2008 à 20h40 #78630
Robin, Chantalgnoc,
Merci, pour ce poéme qui prend aux tripes. Je ne le connaissais pas. yen
-
16 octobre 2008 à 5h07 #78647yen;68215 wrote:Robin, Chantalgnoc,
Merci, pour ce poéme qui prend aux tripes. Je ne le connaissais pas. yen
Au plan de la poésie pure .. sans prendre en compte donc la valeur Historique du document dans son contexte de 1952,
je trouve ce passage là superbe :
Ces êtres inférieurs
ne savaient haïr que la haine
ne méprisaient que le méprisCes êtres inférieurs
ne craignaient guère la mort
tant ils aimaient l’amour
tant ils vivaient la vie
et leur vie quelquefois était belle comme le jour
et le sang de la lune courait sur les rizières
et le jour lui aussi était beau comme la nuitIl y avait aussi la faim et la misère
les très mauvaise fièvres et le trop dur labeurMais le jour était beau comme la nuit
le soleil fou dansait dans les yeux des jeunes filles
et la nuit était belle comme le jour
la lune folle dansait seule sur la mer
la misère se faisait une beauté pour l’amourEt les enfants en fête malgré le Mauvais Temps
jouaient avec les bêtes en pourchassant le ventdont ces 4 vers que je trouve superbes :– » et le sang de la lune courait sur les rizières »
– » la misère se faisait une beauté pour l’amour «
-« et les enfants en fête malgré le Mauvais Temps
jouaient avec les bêtes en pourchassant le vent »Mais svp quelqu’un a-t-il des précisions sur la signification et le contexte historique de la partie finale du texte de Prévert?
(en dehors de l’interrogation sur Henri Martin le marin emprisonné) -
16 octobre 2008 à 9h25 #78681
Robin, bonjour
Je n’avais jamais lu à ce jour, un poéme d’une telle intensité d’une telle beauté.
Si j’en avais la possibilité, je donnerai en lecture, cet écrit à tous les adolescents lycéens , étudiants, et à « TOUS LES HOMMES DE BONNE VOLONTE » Je paraphraserai…. « et quelle co…, la guerre ».
bonne journée yen -
16 octobre 2008 à 10h37 #78686
Merci Robin,
Je ne connaissais pas « Entendez-vous gens du Vietnam »
C’est un poeme d’un qui a choisi son camp ; celui des tirailles.
En fait, je ne savais pas qu’il avait proteste aussi directement contre la « re-occupation de l’Indochine ».
Ca decoiffe, et pourtant, ca ne ressemble pas a la 317 eme section de Shoendorffer.
Ca rappelle « Lettres de Iles Baladar » du meme Jacques PREVERT en plus direct.Il a pondu ca apres: ce n’est pas trop mal non plus, mais c’est moins Vietnamien.
Etrange Etrangers
Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
Homme des pays loin
Cobayes des colonies
Doux petits musiciens
Soleils adolescents de la porte d’Italie
Boumians de la porte Saint-Ouen
Apatrides d’Aubervilliers
Brûleur de grandes ordures de la ville de Paris
ébouillanteurs des bêtes trouvés mortes sur pied
Au beau milieu des rues
Tunisien de Grenelle
Embeauchés débauchés
Manœuvres désoeuvrés
Polacks du Marais du Temple des RosiersCordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
Pêcheurs des Baléares ou du cap Finisterre
Rescapé Franco
Et déportés de France Navarre
Pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
La liberté des autres
Esclaves noirs de Fréjus
Tiraillés et parqués
Au bord d’une petite mer
Où peu vous vous baignezEsclave noirs de Fréjus
Qui évoquez chaque soir
Dans les locaux disciplinaires
Avec une vielle boîte à cigares
Et quelques bouts de fil de fer
Tous les échos de vos villages
Tous les oiseaux de vos forets
Et ne venez dans la capitale
Que pour fêter au pas cadencé
La prise de la Bastille le quatorze juilletEnfants du Sénégal
Dépatriés expatriés et naturalisé
Enfants indochinois
Jongleurs aux innocents couteaux
Qui viendrez autrefois aux terrasses des cafés
Des jolis dragons d’or faits de papier pliéEnfant trop tôt grandi et si vite en allé
Qui dormez aujourd’hui de retour au pays
Le visage dans la terre
Et des bombes incendiaires labourant vos rizières
On vous a renvoyé
La monnaie de vos papiers dorés
On vous a retourné
Vos petits couteaux dons le dos
Etranges étrangers
Vous êtes de la ville
Vous êtes de sa vie
Même si mal en vivez
Même si vous en mourez.Indochine, Algérie : « du bon usage colonial » du napalm – l’Humanite
(…)
Prévert, peut-être le premier, avait lancé un cri d’alarme, dès 1953 :
« Cependant que très loin on allume des lampions des lampions au napalm sur de pauvres paillotes et des femmes et des hommes des enfants du Vietnam dorment les yeux grands ouverts sur la terre brûlée… -
16 octobre 2008 à 11h59 #78694
bonjour à tous, avons-nous enfin le poème complet? Sinon je suggère que nous allions voir dans les « Oeuvres Complètes » de Prévert. La Pléiade. Gallimard 1992.
A bientôt pour l’analyse des quatre derniers vers tous ensemble? Bonne journée -
16 octobre 2008 à 15h51 #78706
Bonjour
A la page 2 de ce topic j’ai replacé les paragraphes que j’avais oubliés de recopier
et à la page 1 de ce même topic il y a l’autre partie du poème
le poème est completil faudrait que je recolle tous les passages, mais je ne sais pas comment faire
-
16 octobre 2008 à 19h47 #78740
Entendez-vous gens du Vietnam
Entendez-vous
Entendez-vous gens du Vietnam
entendez-vous dans vos campagnes
dans vos rizières dans vos montagnes…
Oui nous les entendons
Ces êtres inférieurs
architectes danseurs pêcheurs et mineurs
jardiniers et sculpteurs tisserands ou chasseurs paysans et pasteurs artisans et dockers
coolies navigateurs
Ces êtres inférieurs
ne savaient haïr que la haine
ne méprisaient que le mépris
Ces êtres inférieurs
ne craignaient gère la mort
tant ils aimaient l’amour
tant ils vivaient la vie
et leur vie quelquefois était belle comme le jour
et le sang de la lune courait sur les rizières
et le jour lui aussi était beau comme la nuitIl y avait aussi la faim et la misère
les très mauvaise fièvres et le trop dur labeurMais le jour était beau comme la nuit
le soleil fou dansait dans les yeux des jeunes filles
et la nuit était belle comme le jour
la lune folle dansait seule sur la mer
la misère se faisait une beauté pour l’amourEt les enfants en fête malgré le Mauvais Temps
jouaient avec les bêtes en pourchassant le vent
Mais
il y avait aussi et venant de très loin
les Monopolitains
ceux de la Métropole et de l’appât du gain
Négociants trafiquants notables résidents avec les
légionnaires les expéditionnaires et les concessionnaires
et les hauts commissaires
Et puis les missionnaires et les confessionnaires
venus là pour soigner leurs frères inférieurs
venus pour les guérir de l’amour de la vie
cette vieille et folle honteuse maladie
Et cela depuis fort longtemps
bien avant la mortd e Louis XVI
bein avnt l’exploitation et l’exportation
de la Marseillaise
Et la misère était cotée en Bourse
sous le couvert
et dans les plis et replis du pavillon tricoloreEt puis une dernière fois ce fut encore la Grande Guerre
ses nouvelles financières et ses hauts faits divers
Comme elle était mondiale
Des français déclassés grands caids du VietNam
avec les chefs du gang de l’empire du Milieu
se partageaient déjà comme barons en foire
les morceaux du gâteau
des lambeaux de pays
avec l’assentiment de S.M. Bao-Dai
Soudain
sont emportés dans les rapides de l’Histoire
leurs bateaux de papier monnaie
et comme dans les livres d’histoire importés de la métropole
on proclame au Viêt Nam
les Droits de l’hommeQuoi
ces gens qui crient famine sous prétexte qu’ils n’ont pas
grand chose à manger
et qui s’ils étaient mieux nourris crieraient encore que
c’est mauvais
nous savons très bien qui les mène
et où on veut les emmener… Et les Grands Planteurs d’Hévéas les Seigneurs de la
Banque d’Indochine et les Grands Charbonniers du
Tonkin
en appellent sans plus tarder à la Quatrième République
empirique apostolique et néo-démocratique
Alors
la fille aînée de l’Église
son sang ne fait qu’un tour
Un pauvre capucin et grand amiral des Galères
arrive à fond de train par la mer
et après avoir fait les sommations d’usage
Ceci est mon corps expéditionnaire
Ceci est votre sang
à coup de droit canon il sermonne Haiphong
des anges exterminateurs accomplissent leur mission
et déciment la population
Simple petit carnage
présages dans le ciel
sévère mais salutaire leçon
Et vogue la galère
après avoir bien joué son beau rôle dans l’Histoire
l’Amiral se retire dans sa capucinière
en dédaignant la gloire
…
Et le temps fait semblant seulement de passer
le temps du halte-là reste là l’arme au pied
les temps des cerisiers en fleurs arrachés à la terre et volatilisés
Et malgré d’inquiétantes menaces de paix
les gens du trafic des piastres
fêtent toutes les fêtes et sans en oublieret l’on réveillonne à Noël comme au bon vieux pays
à Saigon à Hanoï
et l’on fête l’armistice et la libération
comme le 14 juillet la prise de la Bastille
sans façon…
Cependant que très loin on allume des lampions
des lampions au napalm sur de pauvres paillotes
et des femmes et des hommes des enfants du Viêt Nam
dorment les yeux grands ouverts sur la terre brûlée
et c’est comme Oradour
c’est comme Madagascar et comme Guernica
et c’est en plus modeste tout comme Hiroshima
Et le temps reste là sur le qui- vive
le temps du Halte -là
le temps du désespoir
et de la connerie noire
Et la grande main-d’oeuvre jaune
caresse tristement ses rizières ses forêts
ses outils et ses champs son bétail affaméDes voix chantent
Nous n’aimions pas notre misère
mais avec elle nous pouvions lutter
et quand parfois elle touchait terre
sur cette pauvre terre nous pouvions respirer
Vous
qu’en avez vous fait
Elle était lourde notre misère
vous le saviez
vous en avez déjà tiré plus que son pesant d’or
Fous que vous êtes
que voulez vous encoreAux voix de la main d’oeuvre jaune
répondait une voix d’or
une voix menaçante et radiodiffusée
et la main-d’oeuvre se serrait
la mort avançaitSourdes mais claires
des voix chantaient
Si la petite main d’oeuvre jaune
et la très grande main d’or blanc
coudes sur table et poing serrés
se rencontraient
elle ne tiendrait pas longtemps en l’air
la blême menotte d’acier
tâchée de sang cailléLongtemps en l’air
c’est une façon de parlerEt la voix d’or hurlait
sur un ton aphonique délicat cultivé
Feu à volonté
Et les hommes de main d’or
recrutés et parqués et fraîchement débarqués
venant rétablir l’Ordre
mitraillaient
incendiaientMais
La main d’oeuvre jaune elle aussi
se mé-ca-ni-sait
Triste et graves
mais résignées des voix chantaientQue voulez-vous
on nous attaque à la machine
se défendre à la main
ne serait pas civilisé
on nous traitreait encore de sauvages
et d’arriérés
on nous blâmeraitEt l’empereur Bao-Daî
partait « en permission »
sur la Côte d’Azur
c’est comme cela que les journaux annonçaient ses
visites fébriles et affairéesLà-bas
sur le théâtre des Opérations bancaires
le corps expéditionnaire
n’avait plus les mêmes succès
et dans de merveilleux décors
tombaient les pauvres figurants de la mort
Seuls les gens du trafic des piastres
criaient bis et applaudissait
Ici on criait Encore
ailleurs on criait Assez
plus loin on criait la Paix
et des messieurs du meilleur monde fort discrètement
s’éclipsaientTout cela n’était pas une petite affaire
les grandes compagnies internationales des Monopolitains
alertaient leurs meilleurs experts
leurs plus subtils tacticiens
L’un d’eux
un trépidant infatigable petit mégalomane d’une étourdissante
et opiniâtre médiocrité
et qui s’était couvert de gloire fiduciaire pendant la seconde
guerre mondiale sur la route coupée du fer dans la plaie
atterrit en coup de vent au Viet-Nam
Et en moins de temps qu’il ne mit un peu plus tard à l’écrire
trouva la solution de cet interminable conflitPour arrêter ou améliorer la regrettable et nécessaire guerre du Vietnam, il suffit, c’est tellement simple, de mettre le Viet-Nam dans la guerre.
Et résumant cette solution en un slogan d’une indéniable efficacité
Virilité rapidité
Il reprend l’avion
non sans avoir donné de très judicieuses précisionsdes français et des vietnamiens se faisaient tuer pour protéger la vie et la fortune des gens qui entassaient d’immenses richesses, pour ne parler que de chinois de Saigon et de vietnamiens d’Hanoi, et de tout cela aux frais du contribuable français.
Dès lors , une seule solution: créer une armée proprement vietnamienne assez puissante pour rétablir l’ordre, puisque c’est au Viet-Nam (Tonkin, Annam, Cochinchine), pays de vingt-cinq millions d’habitants, qui se fait la guerre. C’est par la création de cette armée nationale que le peuple vietnamien prendra pleinement conscience de son indépendance. Il faut que cette guerre, où se jouent l’indépendance du Viet-Nam, les libertés et la fortune de ses citoyens, soit considérée par lui comme sa guerre. Il faut que ses élites cessent d’être « attentistes », soucieuses de ne pas se compromettre dans l’hypothèse d’une victoire des communistes.
Il faut que ce soit une guerre faite par le Viet-Nam avec l’aide de la France et non une guerre faite par la France avec l’aide du Viet-Nam
C’est d’abord un état d’esprit à créer, celui que ce vieux lion qu’est le président Syngman Rhee a su créer en Corée
Et ce sont des réformes profondes à faire.Pourquoi gardez vous en prison
et depuis plusieurs années
un marin qui s’appelle Henri Martin?
1952 -
16 octobre 2008 à 20h51 #78744
Merci Chantalngoc pour ce travail de recollement.:friends:
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