Le chant du xâm trouve un second souffle à Hanoi
Hat xâm, à l'origine chant des aveugles, semble recouvrir sa vigueur ces derniers temps à Hanoi, après une très longue absence. Renaît donc une facette de la vie culturelle de Hanoi d'antan.
Une petite scène, légèrement décorée, est montée sur le trottoir de la rue Hàng Ngang, dans le célèbre vieux quartier des 36 rues des corporations de Hanoi. Revêtus d'habits typiques de l'époque, chanteurs et chanteuses interprètent, passionnément, des airs du xâm, souvent mêlés d'un peu de mélancolie. Un public de plus en plus nombreux s'attroupe. Tout le monde semble ému en se remémorant soudainement l'image des chansonniers aveugles ambulants de jadis.
C'est grâce à l'initiative du professeur docteur en arts Pham Minh Khang et du compositeur Thao Giang, responsables du Centre de développement des arts musicaux du Vietnam, que le chant du xâm, ou le hat xâm, a trouvé un regain de vitalité ces derniers temps à Hanoi. Ces airs mélancoliques n'étaient chantés au début que par des chansonniers aveugles. À l'aide d'un nhi (viole à 2 cordes) dont il jouait lui-même, cet artiste ambulant, souvent assis seul sur une natte, chante des airs du xâm, improvisés ou puisés dans un répertoire traditionnel.
Le hat xâm s'est développé et a atteint son apogée fin du 19e-début du 20e siècle. L'apparition, en ce temps là, de nombreuses troupes de chanteurs ambulants a fait des chants du xâm une facette de la vie culturelle propre à Hanoi. Accompagnés des airs mélodieux du nhi, en cadence sur un tambourin, ces artistes populaires se produisaient souvent en plein air et n'importe où, tantôt sur un emplacement restreint dans un marché, tantôt dans un humble coin dans les carrefours. Séduits par ces mélodies émouvantes, les spectateurs, ou plutôt les passagers, n'hésitaient jamais à leur offrir quelques sous. Et ceux-ci se faisant rares, la troupe s'en allait alors chercher un autre public.
Le vieux quartier chantant
"Faire revivre l'art du hat xâm, c'est réveiller une facette de la culture du Hanoi d'antan", dit le compositeur Thao Giang, directeur du programme de la musique folklorique "Hanoi aux 36 rues des corporations". Lancé au début de cette année, ce programme de hat xâm a reçu d'emblée un large écho chez les artistes d'arts contemporains mais amoureux du folklore. Et le premier groupe xâm de Hanoi a vu le jour, réunissant une dizaine de chanteurs et chanteuses de renom, jeunes et âgés, et animé par des chercheurs en musique folklorique. Dans un court laps de temps, le groupe a pu rassembler quelques 20 airs du xâm de l'époque lointaine. Les plus appréciés seraient, entre autres, le Xâm aux marchés qui raconte l'histoire des 36 rues des corporations de Hanoi, ou le Xâm au tram qui parle d'un ancien mode de transport à Hanoi, ou encore la joie d'aller au marché de Dông Xuân (le plus important marché du vieux quartier)...
"Plus je chante le xâm, plus je me sens attachée à ces airs mélancoliques qui évoquent les images traditionnelles de Hanoi que m'a contées ma grande mère", confie la jeune Mai Tuyêt Hoa, du Conservatoire de Hanoi. Le programme "Hanoi aux 36 rues des corporations" veut que la représentation du xâm se donne, désormais, tous les samedis soirs, et que la scène soit ambulante pour entretenir une omniprésence dans le vieux quartier de Hanoi.
Une chansonnière octogénaire
Mme Hà Thi Câu, 80 ans, serait la dernière chanteuse de xâm au Vietnam. Originaire de la province de Ninh Binh (Nord), Mme Câu a commencé le hat xâm à l'âge de 10 ans et poursuit depuis ce "métier", peu respectable aux yeux des gens. Une belle voix naturelle, une viole à 2 cordes et un tambourin. Avec cet inséparable bagage, Mme Câu a parcouru l'entière vaste plaine du Nord pour avoir de quoi nourrir ses enfants. Elle possède un riche répertoire d'airs du xâm qu'elle a mémorisé jusqu'à nos jours. Malgré son âge respectable, elle continue de chanter, car "on m'invite fréquemment à venir chanter dans les pagodes ou les temples. Comme toujours, les fidèles désirent écouter les airs folkloriques traditionnels qui semblent en belle harmonie avec ces lieux sacrés", dit Mme Câu, avec un brin de fierté. Elle a mené jusqu'ici une vie matériellement sobre, mais spirituellement riche.
Avec ses 70 ans entièrement consacrés au chant du xâm, la vénérable Hà Thi Câu est digne du surnom de "musée vivant" de l'art du hat xâm, d'autant plus que ce genre de "chant des aveugles" est en danger de disparition. Pour ses mérites dans l'œuvre de conservation des arts folkloriques, Mme Hà Thi Câu s'est vu décerner par l'État le titre honorable d'"Artiste Émérite".
Nghia Dàn/CVN
( 25/06/06 )
Source : Le Courrier du Vietnam
http://lecourrier.vnagency.com.vn/de...REPLY_ID=35264