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[livre] Terre des oublis de Duong Thu Huong

Discussions générales sur le Vietnam La Culture au Vietnam [livre] Terre des oublis de Duong Thu Huong

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    • #719

      Terre des oublis
      Quelle connerie, la guerre. L’après-guerre aussi. Duong Thu Huong raconte le destin de trois victimes du conflit qui a ravagé son pays.

      Ils sont trois, Miên, Hoan et Bôn, à se partager les huit cents pages de Terre des oublis. Une femme et deux hommes, ses deux maris, celui d’aujourd’hui, l’autre épousé quatorze ans plus tôt avant que la guerre du Vietnam, puis des années de réclusion dans la jungle ne les séparent. Jusqu’à ce jour où Bôn, dont la mort avait été annoncée pendant le conflit, revienne dans son village, le Hameau de la Montagne, pour réclamer son bien : Miên.
      Il n’aura pas à élever la voix. Dans cette société où la pression de la communauté et les traditions écrasent les libertés, la belle Miên n’a d’autre choix que retourner auprès de ce héros qui a donné sa jeunesse à son pays. Qu’elle laisse derrière elle un enfant ne change rien. Que Bôn soit dans la misère et n’ait même plus la force de cultiver la terre non plus.
      Terminée, pour Miên, la vie bourgeoise que lui offrait Hoan, le plus riche commerçant de la région. Désormais les grains de riz se comptent. En silence. Miên et Bôn n’ont rien, rien d’autre qu’un passé commun que la jeune fille, mariée trop tôt, a oublié mais auquel s’accroche le vétéran qui, nuit après nuit, tente d’arracher un enfant à son épouse. Laquelle ne lui offre même pas un regard. Hoan, lui, s’est réfugié en ville. Ses affaires s’en portent mieux, son cœur et son corps non.
      La chute est collective. Elle est celle d’un pays que la guerre a ravagé, celle d’une terre où la vie, les rires et les rêves ont été oubliés, mais pas le passé, désormais idéalisé. Impossible d’avancer quand la lumière est derrière soi et ne projette vers l’avant que les ombres de victimes toutes innocentes.
      L’espoir, pourtant, existe encore et Duong Thu Huong (qui vit depuis des années en résidence surveillée) le place en Miên, incarnation des femmes vietnamiennes résolues à prendre leur destin en main. Dévoré à pleines dents, Terre des oublis laisse le goût épicé d’un tout grand roman engagé. La sensualité et la gourmandise qui le traversent y sont aussi pour beaucoup.
      Frédéric Mairy

      Duong Thu Huong, Terre des oublis (traduit du vietnamien par Phan Huy Duong), éd. Sabine Wespieser, 2006, 800 pages, 29 €

      j’ai changé le titre pour plus de lisibilité, Tiger

    • #18182

      Salut à tous

      Je compte me procurer un des livres de cet écrivains, mais comme il y en a plusieurs, donc j’ai du mal à décider d’en prendre le quel. Quelqu’un peut me renseigner?

      Merci pour les infos Anh Minh

    • #20175

      La louve qui agace le pouvoir vietnamien

      Certains l’appellent «la Soljenitsyne vietnamienne», elle préfère s’appeler «une louve solitaire»: Duong Thu Huong, romancière du Vietnam est en vérité ceci et cela à la fois. Résistante acharnée contre les Américains pendant la guerre, elle se transforme en militante dissidente après la libération. Ces deux périodes de son existence sont souvent évoquées dans ses livres, dont plusieurs ont été traduits en français.

      «A vingt ans, écrivait André Malbraux, la vie est comme un marché où l’on achète les valeurs non pas avec de l’argent mais avec des actes». C’est précisément à cet âge-là que Duong choisit de participer activement, aux côtés des hommes, à une guerre féroce, longue, impitoyable et ruineuse, imposée par un impérialisme sans foi ni lois. Ses écrits dépeignent un univers cruel et grinçant, jalonné de larmes et de sang: les hommes errent dans les tranchées, deviennent fous, malades, amputés, napalmés, les femmes accouchent seules, à même le sol, se font violer, bâillonner, crapuleusement tuer.

      Militante convaincue jusqu’à la moelle, Duong Thu Huong tourne brusquement casaque le jour où elle constate que les soldats nord-vietnamiens tuaient aussi des Vietnamiens du Sud, ses compatriotes et frères de sang. La dictature du Parti communiste auquel elle appartient fit le reste. La voici devenue la plus grande dissidente du régime, son principal pourfendeur et sa mauvaise conscience. Ses attaques frontales et sans ménagement des «bévues du système» lui ont valu, à la fin, non seulement d?être expulsée du Parti, mais aussi de connaître la prison et d’être assignée à résidence.

      Après sept mois passés «à l’ombre», elle vit aujourd’hui en résidence surveillée, suivie de près, confinée dans une solitude presque totale. Sous la pression étrangère, les autorités vietnamiennes lui accordent parfois une autorisation de séjourner pendant quelques jours à l’étranger. Le gouvernement, qui veut s’en débarrasser, ne lui interdit pas d’aller vivre ailleurs, mais la «louve solitaire» préfère rester dans son pays et continuer à «cracher au visage du pouvoir», affirme-t-elle dans une interview à un journal français : «Je choisis de rester au Vietnam pour jouer la partie qui me plaît. Je résiste en marginale, soutenue par la lutte des bouddhistes, des catholiques, des protestants qui défendent les captifs et les prisonniers politiques. On m’insulte, on me calomnie, on me jette en prison, mais je continue, j’écris, je parle, je vois qui je veux. Nous devons prendre notre destin, si douloureux, en mains», ajoute-t-elle.

      Miroir grossissant de la société vietnamienne, les écrits de Duong sont truffés d’idées à caractère romanesque, échappant ainsi à la sécheresse de la littérature engagée qu’on rencontre en Occident, particulièrement en France. Son dernier roman intitulé «Terre des Oublis» raconte dans un style captivant l’histoire d’un soldat vietnamien, tenu pour mort sur le front, qui revient chez lui et trouve son épouse remariée avec un homme riche, à la situation confortable et beaucoup plus séduisant que lui. Eclate alors dans le coeur du soldat un tourbillon impétueux d’interrogation et de révoltes: Qui a raison ? L’honneur ou l’amour, la patrie ou les sens ? A qui être fidèle jusqu’au sacrifice ultime de soi? Un roman qui fouille et explore les profondeurs lointaines de la nature humaine et sur lesquels sont venus se greffer des aspects réels de la vie au Vietnam pendant la guerre ravageuse qui a déchiqueté le pays.

      Tunis Hebdo – 1er Mai 2006

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