Bonsoir à tous,
Ce soir, je me sens inspiré par une écriture alternative éphémère, merci d'être conciliant sur ce désordre littéraire et anachronique. J'écris ce qui me vient par la tête.
Lorsque la guerre du Vietnam battit son plein, j'arrivai en toute hâte à l'aéroport de la Genève internationale afin d'y être accueilli chaleureusement par mes parents adoptifs, ma soeur aînée ainsi que mes oncles et tantes. C'était un 23 novembre 1970. Mon état de santé fut si alarmant que je fus reconnu inapte à entamer une quarantaine en ces lieux. Sur décision médicale, je fus acheminé exceptionnellement à l'hôpital régional du district de Porrentruy. Ainsi débuta une période de "soins intensifs" dont je sortis fort heureusement indemne au bout de quelques semaines. Soignées avec adresse et amour par une pléiade d'infirmières vouées à ma survie, mon parcours se poursuivit par la suite dans le village où je passai l'intégralité de mon heureuse enfance, mon adolescence et mon "atypique" scolarité. Situé dans le Jura-Suisse et jouxtant la ville de Delle (Territoire de Belfort), "Alle" est une paisible localité frontalière où il faisait bon vivre (c'est toujours le cas). Fait insolite à cette époque, je fus déclaré comme était le premier enfant "adopté" du 23ème canton suisse. Une prouesse "cantonale" dont je sus "administrativement" l'existence bien des années plus tard. Par la suite, d'autres bébés vietnamiens vinrent "inconsciemment" me rejoindre afin d'embellir la cellule familiale des couples désireux d'avoir une fillette ou un garçonnet sous leur toit . Des années plus tard, certains adultes adoptés s'en retournèrent au Vietnam pour se vouer corps et âme à la recherche d'un père et d'une mère biologique. Un infime pourcentage y parvint non sans difficulté, d'autres durent renoncer à leur quête du graal tant le choc culturel était prononcé une fois sur place. Ils s'en retournèrent chez eux avec des rêves brisés à jamais, c'est terrible !
En ce qui me concerne, j'ai pensé qu'il était peine perdue d'entreprendre de tels chimériques rêves en sachant que l'emplacement où les infirmiers de l'armée américaine m'avaient trouvé se situait dans une zone totalement ravagée par les bombardements. Il y a quelques années, je suis retourné dans cette gigantesque contrée avec mon beau-père. J'eus le sentiment que devant une telle peuplade et d'aussi étendues surfaces verdoyantes, il était impossible de localiser un père, une mère, un cousin, une tante ou qui sais-je, un frère ou une soeur !
Il y a une dizaine d'années, dans le cadre de l'unique réunion internationale des enfants adoptés qui ont transités par l'orphelinat de Phu My (Saigon), j'ai eu la chance de rencontrer sa fondatrice (Soeur Rose) ainsi que son bras droit, Miss Taylor. Peut être que parmi ceux et celles qui me lisent, certains les ont connu, qui sait ? Si c'est le cas, nous leur devons ce que nous sommes aujourd'hui, du moins la vie ! D'autres personnalités se joignirent aux heureuses retrouvailles à commencer par l'ancien consul de Grande-Bretagne et son épouse et par la présence du Nonce apostolique du Vatican. L'émotion arriva à son paroxysme lorsque le consul projeta un film couleur sur l'écran qui était à notre disposition. On pouvait notamment l'apercevoir en train de positionner dans son coffre de voiture des enfants destinés à l'adoption. D'autres séquences furent toutes aussi saisissantes mais de moindre importance lorsque nous les regardions car méconnaissant avec précision les faits historiques. Il s'agissait de scène de pillage avant l'arrivée des chars de l'armée du Nord. Le chaos, l'anarchie la plus totale. Aujourd'hui, en y repensant, j'ai peine à m'imaginer que si tout ceci n'était pas arrivé (guerre et adoption), je serais peut être dans une rizière à planter et à cultiver ou qui sais-je, peut être en train de mendier dans une avenue Ho Chi MInh City ?
L'adoption, qu'on le veuille ou non est une loterie à numéro. Pour d'autres, une volonté de la Divine Providence de modifier le destin d'une vie. Programmée à l'avance ? Je n'en suis pas si sûr. J'aurais pu tout aussi bien être éduqué dans une famille américaine, canadienne, australienne ou allemande mais c'est en Suisse que je poursuis désormais mon cheminement. Lorsque je vois l'image du couple Hallyday se promener à Monaco avec leur petite Jade, je ne peux m'empêcher de penser un seul instant "pourquoi pas une autre" ? Pourquoi leur regard s'est porté sur elle alors qu'une autre aurait pu s'en aller loin de son pays ?
Bonne méditation et excellent week-end à tous. Je m'en retourne à la rédaction de mon roman.
Vincent