Bonsoir à tous,
Je viens de tomber sur cet article que je trouve très intéressant, et du coup je pense qu'il serait utile pour ceux qui sont tentés par ce genre d'aventure de le lire afin de pouvoir éviter plus ou moins les surpris qui puissent s'inviter au cours de leur épopée.
Bonne lecture.
Source : http://lecourrier.vnagency.com.vn/de...REPLY_ID=46548Récit du voyage de Gérard et Tuân : quelque 2.500 km en moto de Hanoi à Hô Chi Minh-Ville, par le Tây Nguyên
Gérard Bonnafont est un pédopsychiatre et sociologue français. Installé au Vietnam depuis 3 ans, il peut dire qu'il connaît, sur le bout de la roue de sa moto, tous les environs de Hanoi, Hai Phong, Ha Long, Ninh Binh, et jusqu'à Tam Dao, parcourant en tout sens les routes ignorées des touristes, découvrant sans cesse de nouveaux villages, de nouveaux paysages, témoin de milles scènes de la vie quotidienne des Vietnamiens… C'est d'ailleurs comme cela qu'il a appris à manier l'humour vietnamien, toujours à double sens, et qui n'a rien à envier aux légendaires gauloiseries françaises ! Désireux de mieux comprendre ce pays, de le prendre à cœur et à corps dans sa diversité, il a décidé de le découvrir en profondeur du Nord au Sud, par un périple en moto (avec un ami, Tuân) de 12 jours et 2.500 km, à travers le Vietnam.
Le Courrier du Vietnam vous présente un récit-feuilleton de ce voyage à la rencontre de notre pays, de Hanoi à Hô Chi Minh-Ville, en passant par les hauts plateaux du Centre (Tây Nguyên).
Première étape : Hanoi-Ninh Binh
Le 20 juillet 2007. Les 400 premiers kilomètres ne nous paraissant pas présenter un intérêt majeur, d'autant plus que nous les avions déjà parcourus en voiture l'an dernier, nous avions décidé de prendre le train de nuit qui doit nous conduire à Vinh (Centre), d'où nous repartirions en moto. Le 20 juillet, à 19h30, sous une pluie battante, nous nous présentons à la gare de Hanoi pour mettre nos motos en bagages accompagnés dans le train. Opération que Tuân doit prendre en charge, tandis que j'attends, surveillant nos sacs de voyage au milieu de la cohue et du tohu-bohu de la gare-capitale.
Encore une fois, je peux vérifier la différence qui existe entre le chaos et le désordre ! Dans le désordre, tout est inorganisé, il n'y a que confusion et bousculade pour n'aboutir à aucun résultat. Dans le chaos, il y a mouvement permanent, réorganisation constante des interactions entre chaque élément et le tout, pour, dans une sorte de fluidité inconstante, parvenir à atteindre un but. Et, à nouveau, je constate que les Vietnamiens sont experts en gestion du chaos. Les gens vont et viennent, se croisent, se faufilent, se hèlent, s'impatientent… Des mères disputent leur enfant qui ne va pas assez vite. Des enfants pleurent parce que les parents vont trop vite. Des maris, lourdement chargés d'un téléphone portable, houspillent leurs épouses qui traînent, alors qu'elles n'ont qu'à porter sacs et dernier-né ! Des retardataires sprintent in-extrémis, dégoulinants de pluie et de sueur. Et malheur à toute personne qui paraît hésitante, elle est aussitôt agrippée par des chauffeurs de taxi ou des xe ôm en quête d'une course profitable. Rajoutons à cette fresque, quelques vendeuses à la sauvette qui proposent dans un sabir anglo-vietnamien nourriture et souvenirs, quelques personnages cherchant manifestement à éviter les policiers présents, et qui proposent des produits beaucoup plus troubles ! Enfin, au milieu de toute cette foule, des employés impavides qui distribuent aux égarés des renseignements comme on donne une aumône à un miséreux… Et pourtant, dans toute cette confusion, les trains et leurs passagers partiront à l'heure… Enfin, presque tous !
Départ inattendu !
En effet, Tuân revient vers moi, le sourire aux lèvres et m'annonce qu'il pensait que les motos pourraient partir avec nous à Vinh, mais qu'en fait cela est impossible, car le trajet est trop court et le train ne prend pas les motos en bagages accompagnés ! Et là, je vérifie, une fois encore, la différence essentielle entre l'esprit vietnamien et l'esprit français : le Français vouerait aux pires gémonies ces fonctionnaires qui n'ont rien d'autres choses à faire que d'ennuyer leurs concitoyens, il vilipenderait son ami en lui disant qu'il aurait pu s'en rendre compte avant, il se désespèrerait de ne pouvoir partir à temps et imaginerait son projet tomber à l'eau. Le Vietnamien reste calme au milieu de la tempête, il considère que cet imprévu n'est qu'un incident de parcours et prend en main son destin en décidant que le trajet se fera en moto, puisqu'il ne peut se faire en train… Et qu'importe qu'il soit 20h30, qu'il fasse nuit, que la route soit encore détrempée par la pluie, et que Vinh soit à 290 km de Hanoi ! Un Français cartésien verrait sans doute de l'inconscience, là où un Vietnamien confucianiste voit de l'adaptation à son environnement. Ce qui, reconnaissons-le, est une grande qualité, très utile notamment dans les périodes tourmentées ! Ceci étant, il y a des limites, même à l'adaptation ! Je négocie donc un trajet jusqu'à Ninh Binh et propose de rattraper notre retard sur le programme prévu, le lendemain ! Proposition acceptée, bagages arrimés sur les motos, casques vissés sur la tête, nous prenons la direction de Ninh Binh… Je me dirige tout naturellement vers la voie rapide, mais Tuân m'en dissuade de ces simples mots : "Non, pas la voie rapide, il y a des clous, la nuit ! On prend l'ancienne route !". Je viens d'apprendre 2 règles de la vie nocturne vietnamienne : premièrement, la vente de chambres à air augmente notablement à la nuit tombée, et deuxièmement, les malfrats locaux ont une pratique ingénieuse pour racketter les voyageurs ! Donc va pour la route classique qui n'en est pas moins redoutable !
En effet, malgré les consignes officielles en matière de sécurité routière, malgré les campagnes d'infor- mation télévisuelles, malgré les efforts éducatifs accomplis auprès des écoliers, les Vietnamiens continuent, en grande partie, à ignorer l'usage des phares, à confondre la droite et la gauche, à oublier que leurs motos sont équipées de clignotants… En outre, la cohabitation routière entre piétons, vélos, motos, autos, camions et bus, déjà périlleuse en plein jour, devient véritablement suicidaire en pleine nuit. La vue est mise à rude épreuve. En effet, il faut anticiper sur les nombreux nids de poule (que Tuân nomme "nids d'éléphants !") qui parsèment la route, discerner dans la nuit les ombres mouvantes des cyclistes égarés au milieu de la chaussée, éviter l'aveuglement des pleins phares de voitures surgissant à toute allure… Heureusement, la nuit camions et bus sont rares, et la lumière des phares nous prévient de l'arrivée de motos par les voies transversales.
Route de nuit...
La pluie a cessé depuis longtemps, la température est douce, et le vent de la vitesse nous rafraîchit. Thuong Tín, Phú Xuyên…, les villages défilent dans l'obscurité. Lumières scintillantes dans le lointain, kaléidoscope de halos de lumières devant les maisons, auréoles de lumière des lampadaires isolés… Parfois une bourgade ou une ville plus importante, encore animée d'une vie intense ; arrêt à un feu rouge, regards étonnés de voir un nguoi nuoc ngoài dehors, en moto à cette heure-là ; des sourires, des hellos, et nous repartons… Nous traversons une petite ville où vient de s'achever une représentation d'un festival de l'humour ! Encombrements de motos, familles qui rentrent chez elles, musique des haut-parleurs : il y a une vie au Vietnam, après le jour ! Passé Phu Ly, la campagne s'endort, et nous sommes de plus en plus seuls sur la route. Nous reprenons la voie rapide… où bizarrement il n'y a plus de risques de clous ! Serait-ce parce que nous sommes dans le quê (pays natal) de Tuân ? Il est déjà 11h00, et la fatigue se fait sentir. Mes yeux pleurent en permanence, car j'ai commis l'erreur fatale de n'avoir mis ni lunettes, ni visière et, je reçois en vrac, sur ma fragile cornée, insectes, poussière et vent. Difficile d'apprécier à sa juste valeur cette promenade nocturne !
Enfin, les lumières de Ninh Binh à l'horizon… En rentrant dans la ville, nous rattrapons une moto : les passagers sont des amis de Tuân, qui travaillent dans un hôtel de Ninh Binh ! Je m'apercevrai tout au long du voyage que, même s'il n'a jamais quitté le périmètre du delta du fleuve Rouge, Tuân a des amis partout dans le Vietnam ! Ce qui nous a bien souvent, rendu service !
Nous arrivons à l'hôtel : motos à l'abri, bagages déchargés, pièces d'identité produites, il est 11h45 ! La chambre est fraîche, le lit moelleux, la douche bienvenue, mes yeux sont rouges comme ceux d'un lapin russe. Nous avons fait 90 km depuis Hanoi ! Demain, lever à 04h00 pour une étape de 400 km : Ninh Binh-Dông Hoi ! Bonne nuit…
(à suivre)
Gérard BONNAFONT/CVN
(02/09/07)