Puisqu'il faut se présenter… Serait-ce le moyen d’obtenir une réponse… Nous allons nous représenter puisque certains, après lecture… Semble y tenir... Mais...
Nous eûmes aimé que ce fût la toute dernière fois dès notre inscription - mais ne sait-on jamais... Donc voici :
Nous sommes au sein d’une «maison pour toutes les réparations» prévient l'enseigne du numéro 2, de notre rue...
- Cette inscription vieillotte en lettres noires pourrait faire croire aux passants que la maison est fermée depuis longtemps. Il n'en est rien. Il ne faut pas hésiter à franchir la grille jaune tournesol pour trouver, blotti au fond de l’atelier, Jean, le repaire d’un des derniers “Bricoleurs” toulousain. Son atelier est une caverne d'Ali Baba dont les trésors variés vont et viennent. Comme cette croix du Languedoc en fer forgé, cette girouette qui abrite un renard et un corbeau ou encore ce coq qui tourne aux quatre vents ou encore posé sur une étagère cette scie de forestier en attente… Une hache d’incendie, étincelante, en souvenir de son passage dans ce corps…
- Plus loin, cette herminette de tonnelier ayant les rondeurs sensuelles d'une danseuse du ventre. Des objets à la beauté ensorcelante dont Jean dit qu'il «essaie de ne pas en tomber amoureux».
L'artisan a le cœur tendre, mais la poignée de main ferme. Ses petites lunettes et son crâne lisse le rendent immédiatement sympathique. Parfaitement à l'aise dans ce capharnaüm, il navigue de tâche en tâche, du standard à la soudure, du dessin à la comptabilité.
- Le savoir-faire de Jean est réputé bien au-delà de nos frontières. Musées et collectionneurs privés font appel à lui pour des travaux de restauration et de polissage. La rénovation des lampadaires et des lampes anciennes, des cuirasses, armes blanches et j’en passe, c'est lui : un mois de travail par-ci par-là - précise-t-il avec humour, plus de 450 chaudrons au total !
Mais son travail s'inscrit également dans le cadre de la serrurerie. Vous le verrez venir dans sa petite auto à Etoile, ouvrir votre porte…
- Si Jean manipule le “passe-partout” depuis quarante ans, il ne l'a toujours pas domestiqué: «C'est lui qui vous apprivoise», explique-t-il. Selon lui, le système est vivant, sauvage même, qui a sa personnalité et requiert toute l'attention de son maître...
Le verrou me rappelle toujours à l'ordre: «je me trompe à longueur de journée», dit-il en tendant des mains usées, brûlées, entaillées, souvent maculées de sang… Une fierté pour ce héros du travail manuel. «Souder-Réparer-Arranger-Peindre et restaurer est un métier salissant et difficile», expose-t-il, «mais il n'y a rien de plus honorable que de vivre de ses mains» - Un principe acquis dès son enfance où, «tous les jeudis», le petit Jean aidait son père dans l'atelier.
Il y travaillera ensuite tous les jours - ou presque à partir de l'âge de quinze ans: «j’ai quitté l'école avec quelques diplômes en poche bien-sur… (Il manquerait plus que çà, Maman était dans l‘enseignement)…», se souvient l'artisan ; satisfait du chemin parcouru depuis mais aucun m’ont apprit ce que je fais aujourd’hui. Aurait-il aimé faire autre chose ? «Non, je n'ai pas eu le temps de réfléchir», répond-il.
Car chez Nous, on ouvre les portes de Père en fils, c'est la tradition - et on ferme sa g....
- Jean succède ainsi à son père Robert, qui lui-même avait succédé à son père Paul, (marié à Émilienne Bénéteau cousine de André Bénéteau - Jeanneau, le fameux constructeur de bateaux de plaisance), fondateur de la maison en 1910.
Jean n'a pas connu ce grand-père mais en conserve une image pittoresque, celle d'une « grande gueule », joueur de cartes et coureur de jupons...
- Jean côtoie sans rechigner la “jet-set” Toulousaine et autre, tout en conservant sa simplicité: «Ce métier vous oblige à toujours vous remettre en question», dit-il. Refusant le qualificatif d'artiste, il préfère dire de lui qu'il est «juste un bon ouvrier». Modeste, mais pas insensible aux récompenses... Et si par hasard on lui offre de vieux outils d’antan il est fou de joie et les restaure pour que vive la tradition…
- L'atelier est aussi unique que son Locataire. Partout, contre les murs, dans les allées, sur les établis, des clés, des outils, des serrures, des ciseaux étranges, des pendules et horloges, des épées, des sabres et poignards multiples...
Tiens ! Une girouette, une carabine en réparation, un fusil Napoléon, une mini-pendule ancienne, une télévision dernier cri, des tondeuses à gazon sans moteur, une autre à cheveux... Une tronçonneuse, un taille-haie, un sabre de 1890 et mille autres choses, une statuette de la liberté le bras cassé, tout en cristal.
Souvenirs
- «Aux Forges de Narcé régnait un esprit bon enfant», affirme l'artisan un brin nostalgique, «rien à voir avec d'aujourd'hui… »
Pourtant, lors de mon passage en son atelier il régnait une atmosphère d'entraide et de camaraderie.
Le sol de carrelage est poli par l'usure. Les murs, blancs, sont couverts de suie, de poussière de polissage, de limaille de fer. Le lieu résonne des gestes du savoir-faire, eux aussi séculaires.
- Ces gestes, qui se transmettent de génération en génération, Jean les appelle des «tours de main». Pour l'artisan, cette transmission du savoir gestuel et oral est le seul enseignement possible: aucune traduction couchée sur le papier ne serait suffisamment sensible pour expliquer un tour de main ».
Et des anciens qui savaient façonner de si belles choses avec peu de technologie, Jean dit, d'eux: «C'était des mains», comme d’autres diraient: «C'est une tête». Un des tours de main dont il est fier, c'est de savoir ouvrir les serrures sans clef ! Ou souder «l’insoudable» ou... Ce savoir-faire est pourtant aujourd’hui menacé... Il conclut: «Dans les métiers d'art, les différentes professions forment un tout cohérent. Si un maillon lâche, c'est l'ensemble de la chaîne qui en pâtit »… Malgré ces difficultés, l'atelier demeure un lieu bien vivant.
- Les amis et confrères, nombreux, s'arrêtent à l'improviste pour discuter un instant ou demander un petit service - boire un verre de temps en temps.
- Ils sont voisins «en panne de…», antiquaires, collectionneurs... Jean les accueille chaleureusement, prend le temps de bavarder, rit volontiers. Les clients, eux aussi, défilent. Un vieux monsieur élégant cherche une lanterne pour sa demeure dans le Lauragais. Il y a Lucien (85 ans, le : 12 05 2007) qui lui apporte une vis, trouvée sur le trottoir… Un jeune homme branché désire ouvrir la serrure de sa belle voiture...
- Malgré les prix bas, le carnet de commandes de Jean M. n’est pas tellement bien rempli.
Pourtant, l'artisan veut donner le meilleur de lui-même :
«J'aime aller aux limites de mes possibilités», confie-t-il : Je veux laisser la trace de quelqu'un qui aurait bien fait son métier parce qu'il l'aimait bien.
Recevoir et transmettre...
- S'il est fier d'être le gardien de tours de main ancestraux, Jean trouve parfois cet héritage "pesant". D'autant qu'il ne sait plus à qui le confier: il y a peu, il a appris que ses fils, âgés de 26 et 30 ans, ne reprendraient pas le flambeau.
Un choc brutal pour cet homme bercé depuis toujours par la sacro-sainte trilogie familiale “recevoir, perfectionner et transmettre”.
Mais il ajoute avec vigueur qu'il mettra un point d'honneur à sauver cette maison avec son Épouse Vietnamienne, Nga ! Avec plus d'un tour de main dans son sac, il saura sûrement infléchir son destin comme il sait si bien ouvrir les portes…
La retraite le voit venir tout comme le Vietnam prochainement la ou il continuera sa vie comme prof de français ou de sciences naturelles son premier métier…
Ouf !
Nga… Jean !