Connaître un Viêt Nam hors des sentiers battus.
Afin de vous imprégner davantage du mode de vie vietnamien et de la société vietnamienne, je vous propose une expérience enrichissante, à savoir passer une complète journée en accueil VIP avec des policiers locaux . Pour cela , il faut d'abord provoquer une rencontre avec ces importantes personnes toujours très occupées et cela n'est pas franchement facile.
Néanmoins, depuis le 16 mai 2007, j'ai enfin trouvé le moyen imparable de les rencontrer à coup sûr. Alors si vous aussi, vous souhaitez connaître un Viêt Nam hors des sentiers battus, je vous invite à suivre la méthode suivante :
Les pré-requis :
- louer une petite moto de 110 cm3 auprès, par exemple, d'une quelconque agence de service touristique située de préférence à Hué, Da Nang, Nha Trang.
- acheter une banale carte routière du Viêt Nam,
- avoir la lumineuse idée de voyager sur les hauts-plateaux avec la dite petite moto,
- savoir parler un minimum la langue vietnamienne.
Le Scénario :
Depuis quelques jours, je circule en moto sur les hauts plateaux et je finis bien par arriver à Kon Tum où je prends finalement une chambre au "Family Hotel (KS Gia Dinh)".
Le lendemain vers 7H00, je décide de me ballader jusqu'à Plei Ku en passant par le lac Bien Ho To Nung, un magnifique lac de cratère. En lecture de ma carte routière, j'ai le choix entre prendre une "autoroute" directe (route 14) avec son cortège de camions, de bus et de nombreux véhicules en tout genre ou d'emprunter les petites routes 670 et 671 à priori plus sympathiques et situées dans la province de Gia Lai- Plei Ku. Mon choix est vite effectué et je m'engouffre dans la route 670 qui est en fait plutôt une piste assez roulante ce qui n'est pas pour me déplaire. Et puis bonne surprise, elle traverse un tas de villages de minorités ethniques qui malgré tout ne respirent pas franchement la santé et l'opulence.
Je parcours de la sorte environ 35 km jusqu'à un carrefour. Je m'y arrête afin de me faire préciser le chemin menant au lac Bien Ho To Nung. C'est ainsi que j'aborde la route 671. Au bout de 500 m sur cet axe, j'aperçois deux personnes en civil et correctement habillées me faisant de grands signes. Vu l'endroit désertique , je pense tout de suite à des personnes en difficulté de type panne d'automobile ou de moto et qui ont besoin d'aide. Je m'arrête donc et je les salue et demande ce que je peux faire pour eux. Sans le savoir encore, je suis sur la bonne voie.
Les deux personnes me semblent plutôt agressives car tout de suite, elles cherchent à récupérer les clés de ma moto (désolé, expérience aidant, je suis plus rapide) puis finalement à bloquer le guidon de mon engin. Très surpris et avant éventuellement d'en passer aux mains, je demande à ces malfrats qui ils sont pour agir de la sorte. En réponse, il me questionne sur ma possession ou non d'un laisser-passer pour circuler sur cette route. Quel laisser-passer ? Nous ne sommes plus fin années 1980 ! Dans la foulée, l'un d'eux appelle sur son téléphone portable dernier modèle, les policiers. Arrivent dans la minute, trois éléments du poste de police de Dak Somei, toujours pas en uniforme . A partir de ce moment, je sais que j'ai gagné ma rencontre avec de locales forces policières.
Finalement assez entouré, je ne joue plus le plan rébellion tout en estimant déjà les euros à distribuer à ce beau monde. Les forces de l'ordre me conduisent au poste de police de Dak Somei ou je suis reçu par le chef en personne qui n'est toujours pas en uniforme. Un policier m'établit un classique procès verbal sur une feuille de cahier d'écolier. Le chef me fait signer ce document écrit en vietnamien que j'arrive tout de même à comprendre mais par contre, il n'est toujours pas question d'amende. Curieux.
Puis les policiers me demandent si je souhaite toujours aller au lac Bien Ho To Nung. Prudemment, je réponds que je préfére retourner tranquilou à Kon Tum. Mes amis les policiers insistent. Je cède, pensant bien qu'il doit exister un quelconque estaminet sur les bords du lac et qu'au nom de l'amitié franco-vietnamienne et de Zinédine Zidane, j'aurais certairnement à régler l'addition directement proportionnnelle à la quantité de bières avalée par mes amis.
Pour tout vous dire, je me suis presque senti dans l'obligation de suivre mes joyeux compagnons qui se sont fait un réel plaisir de s'inventer guides touristiques. En fait, je n'ai jamais visité le lac Bien Ho To Nung mais à la place le poste de police du district de Dak Doa. Je ne suis pas sûr d'avoir gagné au change.
En effet, ce poste de police dispose de la particularité d'être envahi de policiers aux visages durs et pas franchement rigolards. Je suis amené dans une salle , genre salle des fêtes d'un comité populaire avec, en face de moi, l'unique mais imposant buste de l'Oncle Hô dont c'est bientôt l'anniversaire (117 ans , le 19 mai 2007) et moultes drapeaux vietnamiens. Je reste bien une heure tout seul dans cette salle avec de temps en temps un policier dont le seule échange verbal consistait à de me demander plusieurs fois séchement "You, you spik engliss ?".
Puis soudain déboule une palanquée de fonctionnaires assez froids. Je me retrouve avec un tas de procès verbaux à signer et ces messieurs m'annoncent qu'ils sont dans l'obligation de garder la moto pendant 10 jours puis à la suite de ce délai, le propriétaire pourra reprendre son engin. Je vacille quelque peu vu que le propriétaire habite à Hué et que je vois mal lui apprendre qu'il doit récuper sa moto dans ce bled paumé de Dak Doa . Je tente de discuter, les visages se ferment. J'implore pitié, les fonctionnaires sont écroulés de rire.
Puis, je suis immédiatement embarqué dans une jeep spécial "Cong An" dont la destination m'est inconnue. Vais-je retourner directement à Kon Tum au frais de la police de Dak Doa ? Vais-je connaître les joie d'un séjour dans une prison du cru ? Vrai que mes compagnons de voyage ne sont pas très causant sur le sujet. Je dois dire que je n'en mène pas large non plus.
Vers 16h00, je découvre enfin la destination finale, à savoir le poste de police de la province de Gia Lai Plei Ku. Si cela continu et à ce rythme là , je vais bientôt finir au ministère de la police à Ha Noi ! Bref, cette histoire commence sérieusement à me déplaire d'autant plus que je n'ai toujours rien mangé depuis ce matin. La fatigue me guette. Je suis alors installé dans une petite salle avec en face de moi, deux femmes qui n'ont rien de Miss Viêt Nam et dont je saisis assez rapidement une mentalité cuvée 1956 (quoique la plus jeune pourrait être stylée Nordification 1976). Cela ne va pas être une partie de plaisir.
Effectivement, je subis un interrogatoire plus que serré : Que faites-vous au Viêt Nam ? Ou êtes-vous allez au Viêt Nam ? A Ho Chi Minh Ville , vous connaissez qui ? Pourquoi êtes-vous resté si longtemps à Hué ? Les Hauts-plateaux pourquoi faire ? Pourquoi voyager en moto ? êtes-vous rééllement français ? Vous habitez où, en Europe ? Connaissez-vous des vietnamiens en Europe ? Votre profession ? Hier soir à Kon Tum, vous avez rencontré qui ? A quelle heure êtes vous arrivé à Kon Tum ? Vous avez parlé à qui sur la route 670 ? Pourquoi vous n'avez pas emprunter la route 14 ? Pourquoi n'avez-vous pas votre passeport sur vous ? Pourquoi...? Pourquoi...? En gros, c'est question sur question à n'en plus finir et je ne pense qu'à une seule chôse, c'est de me tirer de ce foutu pétrin, le plus vite possible.
Et puis enfin la question qui tue : "N'avez-vous pas vu le panneau d'interdiction de circuler à l'entrée de la route 670 ?" Ma réponse : "Euh...non, pas du tout, quel panneau ?" Bizarre bizarre, car ayant l'habitude de circuler au Viêt nam, je connais ce genre de panneau écrit en vietnamien (duong cam). J'aurais dû forcement le voir et donc fais demi-tour (kakou s'abstenir).
Puis, les Miss Cong anh Tinh Giai Lai Plei Ku s'absentent pour demander à mon hotel de me faire parvenir une copie de mon passeport. Résultat une heure d'attente.
Re-serie de questions, en fait les mêmes mais dans un ordre différent. J'ai du mal à garder mon calme et il commence à se faire bien tard.
Les Miss s'appliquent ensuite à me dresser un nouveau procès verbal (c'est une manie dans ce pays) bien entendu écrit en vietnamien. Dans une grande bonté, la plus vieille des Miss tente de me traduire en anglais le procès verbal. C'est pitoyable et surtout très long.
Il est 18h30 quand les Miss me demandent solennellement si je reconnais avoir violé les lois de la R.S. du Viêt Nam en empruntant les routes 670 et 671 sans laisser-passer délivré par les autorités compétentes de la province de Gia Lai- Plei Ku. Je reponds un peu trop nonchalement une phrase du style "Ouais ouais, ok c'est bon". Gravissime erreur !
Les Miss Cong anh Tinh Giai Lai Plei Ku voyant rouge vif m'ordonnent de me lever, les mains dans le dos, la tête baissée comme un pur criminel puis de répondre à haute voix que j'ai bien violé les lois de la R.S. du Viêt Nam et que je demande humblement la clémence de la police de Giai Lai Plei Ku malgré mon impardonnable et inexcusable faute. Je dois répéter cette phase deux fois. Je suis impressionné car jamais je n'aurais imaginé un jour être obligé d'avoir cette attitude de bassesse. Suis-je tombé sur deux folles ?
Après cette désagréable séance, vient enfin l'addition sous la forme d'une amende de 700 000 dongs (33 euros). C'est un peu cher payé ! Je m'offusque du montant de cette amende et demande à voir un barême officiel. Surprises, les Miss Cong anh Tinh Giai Lai Plei Ku me font remarquer gentiment que je ne suis peut être pas en état de discuter mais néanmoins me détaillent le tarif : 200 000 dongs (9, 50 euros) pour l'amende et 500 000 dongs pour frais de télécopie de mon passeport !
Le problème est que je ne suis pas du tout sûr d'avoir cette somme sur moi. Je compte très fébrilement mes dongs et bout d'un temps insoutenable je réunis la somme de 720 000 dongs. Ouf...!
Je m'apprête, sourire aux lèvres, à donner aux Miss Cong anh Tinh Giai Lai Plei Ku cette somme, lorsque celles-ci m'apprennent que je dois payer à la perception car bien entendu les cong anh ne recoivent jamais directement d'argent en liquide. Bien, dans quel batiment se situe la perception ? Je comprends que celle-ci est finalement à l'autre bout de la ville. A près de 19h00, je doute de son ouverture et cela me fait gamberger totalement. Le cauchemard continue...
Je trouve un taxi que je ne peux payer de suite et avec lequel néanmoins je négocie un retour (pas encore probable) à mon hotel à Kon Tum où je pourrais le rétribuer. Le chauffeur accepte (Dieu ne m'a pas abandonné). Bien entendu, il n'y a personne à la perception car évidemment fermée. Je tourne en rond jusqu'à rencontrer un gars qui manifestement m'attendait. C'est curieux mais je ne vais pas me plaindre. Je règle vite fait l'amende puis retourne chez les Miss Cong anh Tinh Giai Lai Plei Ku.
Maintenant, les Miss veulent avant mon départ que j'écrive et que je signe un papier comme quoi les policiers m'ont bien rendu toutes mes affaires. Mon vietnamien écrit n'est pas terrible mais je m'exécute. Elles font semblant de ne pas comprendre mon écrit et me demande de réécrire la même chôse mais en anglais. Je suis près à les baffer violent. L'anglais n'étant pas leur fort, elles se mettent à comparer les deux versions . Elles se foutent vraiment totalement de ma gueule !
N'y tenant plus, je m'en vais, les Miss ne me suivent pas et je saute très rapidement dans le taxi direction Kon Tum. Il est 19h30.
Chemin faisant, je raconte mon histoire au chauffeur de taxi qui se marre comme cela n'a pas possible. Il me mets à l'aise, me demande de choisir un CD de musique, me dit qu'il doit y avoir une bière trainant dans la boite à gants. Puis, il m'apprend qu'il y a environ deux mois, il a raccompagné à Kon Tum un couple de français ayant eu à peu près les mêmes embrouilles que moi.
Je lui demande de stopper au carrefour des routes 14 et 670. Je scrute l'entrée de la route 670 : Mon regard se portent immédiatement sur de grands panneaux de publicité et de propagande bien entretenus et puis à y regarder de plus près, un panneau blanc d'une largeur d'environ 1, 50 m. Je m'approche de ce panneaux car les lettres sont effacées. Je peux néanmoins y lire "Duong Cam" (route interdite) et deviner très difficilement "Restricted Area". Il est parfaitement clair que ce panneau est totalement illisible lorsqu'on passe en moto mais il y est présent ! Est-ce un bien un hasard si celui-ci n'est pas rafraichi ?
Arrivé au Family Hotel, la patronne m'apprend dans la foulée que, il y a environ un mois, un de ses clients américains ayant loué une moto à Da Nang avait eu les mêmes histoires avec la police de Giai Lai Plei Ku.
Source Patrick Guenin