Photographier les Montagnards dans leurs costumes multicolores, visiter leurs marchés si pittoresques, découvrir leurs modes de vie, randonner avec une guide Hmong au travers des rizières en terrasses...Qui n'a pas gardé de somptueux souvenirs de son périple à Sapa, Cao Bang , Kon Tum, Pleiku, Lai Chau...
Pourtant, on peut s'interroger sur les modifications que subissent les cultures ancestrales et les modes de vie, sur les dommages causés au paysage engendrés par les infrastructures nécessaires au développement du tourisme de ces régions.
Comment concilier développement touristique et respect des cultures propres aux minorités ethniques ?
Ci dessous un article du Courrier du Viêtnam. La journaliste s'interroge, mais quelles sont les pistes menant à des solutions ?
… Sa Pa ou la mode du plongeon au cœur du Vietnam
Sapa, village magnifique. Sa Pa, l'occasion d'écarquiller les yeux et de découvrir une petite partie de la vaste culture vietnamienne. Mais Sa Pa est aussi ce que l'on pourrait appeler un "voyage folklorique", pour les Occidentaux. Il répond à ce besoin ambigu de se plonger au cœur du typique, par intérêt mais aussi parce que c'est la mode.
On va à Sa Pa pour se confronter à la "vraie" vie des ethnies, les Vietnamiens des montagnes, ceux qui n'ont pas été encore occidentalisés. Le moindre de leur geste fascine : il a l'air d'appartenir à tout un rituel traditionnel dont la signification nous échappe. On prend des tonnes de photos, pour montrer aux amis, et on se plaint que Sa Pa devienne une ville touristique. On oublie que si Sa Pa ne devenait pas une ville touristique, on n'y serait jamais allé. En fait, on cherche des vacances originales, l'exclusivité et l'exceptionnalisme.
Mais si tout le monde veut voir Sa Pa, veut rencontrer les peuplades folkloriques, dormir dans leurs villages, acheter leurs broderies, se promener en sécurité dans leurs montagnes, il est normal que Sa Pa se transforme. Sa Pa devient de plus en plus touristique, jusqu'à ne plus rien avoir d'authentique. Les H'Mông, peuple villageois agricole, échangent peu à peu leur culture et leurs traditions contre une place dans le système néo libéral.
On peut résumer ce processus par la simple équation de l'offre et de la demande : les touristes veulent de l'inédit, on leur sert du typique. Le marché est parfait. Tout le monde est content et pourtant la montagne se dégrade, des détritus souillent les rivières, les ethnies parlent mieux anglais que vietnamien, un faible taux de leurs enfants vont à l'école car ils sont une force économique dès leur plus jeune âge (ils vendent des bracelets aux touristes). La sérénité des villages est troublée.
Des identités culturelles à préserver
Il y a des choses à préserver, et on l'oublie souvent quand il y a de l'argent à gagner. Il ne s'agit pas d'empêcher les ethnies d'accéder à la modernité, au confort et au choix de leur mode de vie, ni de frustrer les "ethnophiles" européens de leurs trekkings parmi les populations locales. Il s'agit peut être simplement de se poser les bonnes questions : pourquoi va-t-on à Sa Pa ? Est-ce par intérêt réel, pour le raconter, pour aller au zoo ou pour faire du shopping ? Un grand problème du tourisme aujourd'hui, c'est la figure héroïque du routard : ce qui auparavant n'était accessible qu'avec efforts et par certaines personnes - il fallait marcher, rencontrer, parler la langue, dormir à la belle étoile, escalader, faire du stop, bref découvrir et expérimenter, prendre des risques - devient à la portée du premier venu, en toute sécurité. Le routard tout confort, parce qu'on aime découvrir, mais on a ses petites habitudes ! Détruisons les idoles routardes, encensons le tourisme "plan-plan" avant que la gangrène touristique n'aille ronger tout le pays !
Hélène ALEX/CVN
(25/05/2008)