Envoyé par
thanhhai
C'est vrai. Cette période était très dure. Il manquait de tout et le contrôle administratif (politique) était très sévère. Mais la plus dure période serait celle que le Vietnam devait faire face à la guerre avec les Khmers rouges à l'Est et les Chinois au Nord.
En étant refugié cambodgien au Vietnam, je devais subir encore plus de pression. Il faut dire que la vie était dure pour tout le monde. Moi, au moins, étais épargné d'être mobilisé dans l'armée et d'autres travaux communautaires tels de creuser des canaux d'irrigations, d'obliger de s'installer dans les zones économiques nouvelles par exemple. J'ai bénéficié en quelque sorte le satut d'un étranger en sol vietnamien, ce que les Vietnamiens n'en bénéficiaient pas nécessairement au Cambodge.
Je gagnais ma vie en donnant des cours de français élémentaires aux enfants des familles aisées (fonctionnaires), ou en me débrouillant dans toute sorte de petites affaires de traducteur, d'interprète... Il m'est arrivé, et ce souvent, de dormir avec le ventre vide. Mais il y avait aussi des moments prospers.
J'ai pu survivre à Saïgon pendant 13 ans, grâce aux copains que j'ai retrouvés, eux aussi refugiés au Vietnam ou partis à l'étranger; aux Vietnamiens avec qui j'ai lié d'amitiés. Aujourd'hui en remémorisant cette période, je me dis que cela relève du miracle que j'arrivais à surivre - sans un sou au départ - tant d'années à Saigon et à traverser cette dure période avec succès.
Quant à mon départ pour le Canada, c'était aussi du miracle. Je n'avais personne au Canada d'ailleurs. La plupart des camarades du lycée s'installait en France. Un ongle au États-Unis, une soeur en Australie.
J'ai soumis ma demande d'immgration au consulat de France à Saigon qui fut refusée, faute de n'avoir pas de parenté directe. J'ai demandé un visa d'immigration auprès de plusieurs pays dont l'Allemagne, les États-Unis, l'Australie, la Nigérie. Tous m'avaient refusé pour le même motif.
Finalement, un ami immigré au Canada, à qui j'ai apporté de l'aide durant son séjour à Saigon, m'a parrainné. Je me suis inscrit pour l'entrevue sans enthousiasme, vu les échecs précédents. Eh bien, c'était la bonne ! Parmi les 7 candidats, dont j'étais le dernier à passer l'entrevue, j'étais le seul à se voir accorder un visa de résidence au Canada. Je n'en croyais pas à mes oreilles quand les délégués annonçaient leur accord sur mon dossier. J'ai appris plus tard que grâce à ma connaissance de la langue française et vietnamienne, preuve de débrouillardise, d'adaptation, que ceux-ci m'avaient accordé le visa de résidence au Canada.
À vrai dire, je m'étais engagé dans ce processus d'immigration, d'une part parce que la vie au Vietnam était dure, celle au Cambodge était impossible; mais d'autre part, c'était aussi par curiosité. Je voulais voir comment on vit sous autres cieux.
Le Vagabond
Partir avec son coeur naïf et curieux
Pour voir ce qui se passe ailleurs
Pour voir de quelle couleur se peint le bout du monde
Pour savoir où se terminent les lointains horizons
Partir avec ses pieds nus et ses mains vides
Pour découvrir la vie et ses grands mystères
Partir pour revenir avec son esprit limpide
Pour mieux comprendre ses petites misères
Partir pour rencontrer les gens au bout de la Terre
Pour serrer les mains des Hommes de l'autre bord de la mer
Partir pour revenir un jour ne plus être jamais pareil
Plus jamais pareil dans les rêves de son sommeil
Partir pour tisser des liens invisibles
Pour surmonter les limites invincibles
Pour déchirer le voile de la brume
Pour tracer avec sa plume une amitié à travers les écumes
Eh oui, la vie est un miracle ! J'ai survécu au génocide Khmer rouge pendant que 3 millions y ont laissé leur vie. J'ai survécu 13 ans à Saigon, pendant que plusieurs y sont succombés. J'ai encore survécu 20 ans au Québec, mon pays n'est pas un pays, mais c'est l'hiver. J'ai traversé les massacres de masse, traversé les travaux forcées des Khmers rouges. J'ai travaillé comme plongeur. J'ai mangé dans le reste des restaurants. J'étais bûcheron, pêcheur, serveur, instituteur, banquier, refugié, presseur, machiniste, journaliste, syndicaliste, webmaster, poète, interpète.
Je suis un vagabond, un sans-identité. Je resterai toujours un Homme qui a pour demeure la Terre et qui a pour Frère, toi, peu importe si tu es Français, Vietnamien, Cambodgien, Chinois, Québécois, Canadien, Finlandais...
Eh oui, la vie est un miracle, la vie est belle ! Je ne regrette rien.