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Le Vietnam, des rizières aux sommets | 08.02.12 | 13h54
AFP/HOANG DINH NAM
Le col n'est plus qu'à quelques dizaines de mètres. Après deux heures de marche sur des sentiers pierreux rendus glissants par la pluie et 500 m de dénivelée avalés à travers une nature luxuriante, la récompense promise approche. "Vous aurez une vue à couper le souffle sur la vallée de Muong Hoa", avait assuré, avant le départ, Cédric Nydegger, l'un des responsables de l'agence Vietnam Nomad Trails, organisatrice du trekking.
Le sentier a maintenant laissé place à une route carrossable. Des groupes de femmes hmong, reconnaissables à leur tenue traditionnelle noire, nous croisent et redescendent dans la vallée, courbées sous le poids de hottes chargées de petit bois. A côté d'elles, des enfants jouent et dévalent à tombeau ouvert les pentes de la montagne, à la poursuite d'un pneu intrépide. Au loin, quelques motos pétaradantes grimpent cahin-caha les derniers mètres menant au sommet. Habitués à ces scènes pittoresques, les buffles, eux, paissent tranquillement sur le bord de la route.
Plus que quelques foulées. Prudente approche vers le précipice. De là, le regard embrasse toute la vallée. La brume ne s'est pas levée sur le "pays bleu",surnom de la région de Sapa, dans le nord-ouest du Vietnam, non loin de la frontière chinoise. Mais en contrebas apparaissent clairement les champs de riz, tels des miroirs d'eau dans lesquels se reflète la lumière. Des rizières à perte de vue, en terrasses, façonnées à flanc de montagne par l'homme depuis des siècles. "Ce n'est pas à cette période de l'année que c'est le plus joli", assène, dans un anglais appris au seul contact des étrangers, May, la guide pour ces trois jours de randonnée. La réflexion douche quelque peu les randonneurs. "C'est en juin et en septembre que les rizières sont les plus belles, quand elles passent du vert au jaune avant la récolte du riz", jure la jeune femme.
May, 16 ans, appartient à la minorité dao, l'une des 54 ethnies du Vietnam, dont la majorité peuple le Nord-Ouest, près du mont Fansipan, le toit de l'Indochine (3 143 m), souvent dans les nuages. A l'image des rizières qui tapissent les hauteurs, les villages autour de la ville de Sapa forment une mosaïque de peuples avec leurs propres coutumes, leur propre culture, voire leur propre langue. Illustration de cette diversité, les femmes dao ou dzaï portent un fichu de couleur rouge quand les Hmong (40 % de la population du Nord-Ouest) sont vêtues, elles, d'une tenue traditionnelle constituée de guêtres, d'une tunique et d'un bonnet noir.
AFP/HOANG DINH NAM
A une centaine de kilomètres à l'est de Sapa, le village de Bac Ha mérite le détour pour son marché où, tous les dimanches, Hmong, Dao, Dzaï, Thaïs ou Viets se retrouvent pour commercer. Une explosion de couleurs, de goûts et de senteurs, le point d'orgue du séjour pour certains ; un lieu au charme dénaturé par le tourisme pour d'autres.
Chacune de ces communautés - dédaignées par le pouvoir à Hanoï - vit chichement en quasi-autarcie de la culture du riz, de l'élevage des quelques buffles, poules et cochons qui vivent en liberté. Mais aussi du petit artisanat vendu aux touristes, chaque année de plus en plus nombreux. Revers de la médaille, les convois de minibus qui déversent leurs flots d'étrangers feraient parfois passer un village authentique pour un Disneyland ethnique.
Il est l'heure de se remettre en route. Quelques femmes hmong tentent avec insistance de nous vendre des bracelets ou des petits sacs brodés. Quelques heures plus tard, nous arrivons au village de Ta Phin, où l'on passera la nuit dans un homestay (chez l'habitant) tenu par une famille dao. La barrière de la langue n'empêche pas de partager des moments simples et sincères autour du feu, au moment de la préparation du repas, au milieu de l'unique pièce de la maison. Les verres d'alcool de riz s'enchaînent, les langues se délient, les sourires aussi. La soirée se termine par un bain aux herbes aux vertus relaxantes et médicinales, plongé dans une barrique d'eau chaude. Etrange sensation que de prendre son bain dans une immense tasse de thé !
Le lendemain, la marche reprend à travers les rizières vers le village de Hau Thau jusqu'à la cascade de Giang Ta Chai, ultime étape de la journée. Le lendemain, direction la baie d'Along, qui vient d'être reconnue, en novembre, comme l'une des "Sept Nouvelles Merveilles de la nature". Une autre récompense promise.
Nicolas Lepeltier
Article paru dans l'édition du 09.02.12