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BUI KIEN QUOC
Famille et habitation au Vietnam
Famille et habitation sont deux faces ou deux aspects, l'intérieur et l'extérieur, d'une même catégorie au cours de l'histoire des hommes. La famille est considérée comme le noyau des structures sociales et elle est l'objet maître. L'habitation est l'image de la société inscrite sur le sol et la forme matérielle de la famille. Donc « étudier le plan d'un logement, c'est analyser les rapports entre la vie d'une famille et le cadre qu'elle a pu se donner ou que la société lui a imposé. Etudier les transformations de l'habitat et du logement, c'est étudier la transformation de la société et la transformation de la famille. »[1]
Le Vietnam connaît depuis le début du XXIe siècle des transformations profondes aussi bien de son organisation politique et sociale que des conditions d'habitation de la population, que celle-ci soit proprement urbaine ou qu'elle s'urbanise en milieu rural. Les politiques de l'État en matière de planification urbaine continuent à s'appuyer largement sur l'intervention des particuliers dans la production de l'espace, et notamment des ménages dans la production de l'habitat ou dans le renouvellement des tissus anciens. La famille constitue donc une force productive notoire du processus d'urbanisation et de développement d'une économie ménageant une large place à la construction.
La famille élargie, encore fortement présente au Vietnam, cède cependant progressivement le pas à la famille restreinte depuis deux décennies. Les familles monoparentales ont fait leur apparition et l'augmentation du célibat, du nombre de divorces et d'enfants vivant dans des familles éclatées ou recomposées augmentent au point de changer les conditions d'habitation et les caractéristiques architecturales du cadre de vie. Le rapport entre famille et habitation devient ainsi un élément majeur des changements sociaux en milieu urbain et un élément de compréhension des conditions de production de l'espace urbain dans son ensemble, et ceci d'autant plus que les mobilités sociales et résidentielles augmentent.
Bien que des études aient montré que la structure familiale résiste mieux à l'urbanisation et à l'industrialisation que ce ne fut le cas en Occident, le mode de vie et les formes d'habitation familiale changent subrepticement et participent de la transition d'une économie encore fortement à base agricole en économie industrielle de marché dans le cadre d'une mondialisation de plus en plus sensible avec l'ouverture du pays au commerce extérieur. Les formes domestiques d'éducation, les mentalités et les rapports à la religion se diversifient selon les milieux sociaux et changent la nature même et le rôle de l'habitation dans les processus d'urbanisation et de socialisation.
Certaines évolutions sont liées à la transformation du rôle des femmes dans la société. Leur entrée dans le monde du travail ou leur réintégration après avoir eu des enfants se fait selon des voies différentes de celles qu'a connu l'Occident. Leur sortie du champ de l'économie purement domestique où les confinait la division traditionnelle des tâches a entraîné dans les années soixante-dix une prise de conscience massive de l'aliénation féminine, ce qui a permis la naissance d'un important mouvement de libération féministe lié à la condition salariale dans l'industrie. C'est moins le cas dans le monde agricole ou du petit commerce. Reste que les femmes vietnamiennes restent chargées aussi bien des obligations familiales traditionnelles que des activités nouvelles que développe l'économie de marché. Si la structure familiale reste apparemment la même, le rôle de chacun au sein de la famille et les formes d'organisation de l'espace domestique subissent de profonds changements ces dernières années. La prise en charge financière des enfants et des retraites devient très lourde car les couvertures sociales restent sous-développées. En outre, la baisse du taux de mortalité infantile a entraîné un véritable bond démographique difficile à maîtriser. La surpopulation, particulièrement urbaine, et l'augmentation de la densité dans l'habitat constituent un véritable défit pour les ressources du pays.
Malgré les transformations de sa structure et des rôles ou du nombre de chacun de ses membres, la famille vietnamienne reste une entité essentielle de l'organisation de l'habitat et de l'espace urbain par les initiatives prises par les particuliers en matière de construction. Nous faisons donc l'hypothèse que ces changements familiaux, toujours à la base de l'organisation sociale malgré le développement d'une économie de marché et des interventions de plus en plus massives et pesantes de l'Etat, continuent à dessiner les grandes lignes de l'urbanisation, mais selon des conditions nouvelles d'organisation de l'habitat. Au-delà de l'analyse et de l'actualisation des données sociodémographiques disponibles sur la famille, la recherche s'attachera, dans l'optique d'une histoire architecturale et urbaine de la société vietnamienne, à analyser la diversification et les transformations des types d'habitat.
L'une des particularités du pays par rapport aux autres pays voisins du Sud-est asiatique, réside dans la diversité de l'architecture, des populations qui occupent le territoire. Celle-ci est liée à l'histoire mais aussi à la grande diversité de la géophysique. La diversité de la géographique, mais aussi les difficultés de communication, expliquent que les diversités ethnique et culturelle se soient maintenues jusqu'à notre époque.
De nombreux types d'édifices à usage d'habitation ont cependant disparu, se sont considérablement appauvris ou sont condamnés à disparaître. L'analyse des liens qui existent entre famille et habitation et ses transformations au cours de l'histoire constituera en outre une façon originale de dresser une image récente de l'habitat et du processus d'urbanisation.
Des relevés des types d'habitation sur le terrain (ou l'analyse des modèles d'architecture actuellement proposés dans des publications) et des entretiens auprès des habitants devront permettre de compléter et de rectifier les données statistiques disponibles sur la population.
Lors de la première année, données statistiques et documents disponibles concernant le terrain seront étudiés. Dans deuxième année, les enquêtes sur place seront réalisées. La troisième année sera consacrée à rédaction de la thèse et à une synthèse critique du rapport entre les informations collectées et celles instruites par nos soins.