Bonjour TLM,
Je vous transmets la recension d’un livre important sur l’histoire du Viêt Nam de la période 1940-1945.
Cordialement.
Dông Phong
Uploaded with ImageShack.us
Vichy, le Japon et l’Indochine
par Xavier PAULES
Explorant les rivalités culturelles qui opposèrent Français et Japonais en Indochine pendant la période du régime de Vichy, Chizuru Namba apporte un regard nouveau sur une période cruciale, à la veille de la guerre pour l’indépendance du Viêtnam.
Recensé : Chizuru Namba, Français et Japonais en Indochine (1940-1945), colonisation, propagande et rivalité culturelle, Paris, Karthala, 2012. 288 p., 26 €.
Pendant la période 1940-45, l’Indochine connait une situation exceptionnelle à au moins deux titres. Sur le théâtre asiatique de la Seconde Guerre mondiale tout d’abord, l’Indochine est la seule possession européenne où le Japon (allié à Vichy) laisse en place le système colonial. Les accords Matsuoka-Henry du 30 août 1940 autorisent le stationnement de troupes japonaises auxquelles diverses facilités sont accordées. La souveraineté française n’est cependant pas remise en cause, et ce compromis satisfait les deux parties. Il se voit critiqué par certains milieux politiques japonais, en particulier au sein du ministère des affaires étrangères, mais l’armée de terre fait prévaloir son point de vue selon lequel le Japon a plus à gagner qu’à perdre : le Japon bénéficie d’un accès à des matières premières cruciales (le riz, le caoutchouc et le charbon) sans avoir à prendre en charge lui-même l’administration du territoire. Le gouvernement général adopte lui aussi une attitude réaliste. Coupé de la métropole, il est conscient d’être dépourvu de forces militaires suffisantes pour s’opposer à une attaque du Japon. L’impuissance des autorités françaises dans la cohabitation qui se met en place ne doit pourtant pas être exagérée car les autorités françaises conservent une certaine marge de manœuvre, et parviennent par exemple à faire échec aux tentatives répétées du Japon de s’assurer le contrôle d’un journal quotidien indochinois pour diffuser ses idées.
L’Indochine fait également exception dans le cadre de l’empire colonial français en ne se ralliant pas à De Gaulle. Le personnel vichyste (en particulier le gouverneur général Decoux) reste même aux commandes assez longtemps après la chute du gouvernement de Vichy en France (août 1944). Pour l’analyse de la politique de Vichy vis-à-vis de l’empire colonial français, l’Indochine fait donc figure de terrain d’observation privilégié [1].
La rivalité franco-japonaise en Indochine
Dans ce contexte si particulier d’une cohabitation forcée, un affrontement à fleuret moucheté se produit sur le terrain des politiques culturelles menées par les Français et les Japonais en direction des autochtones. Chacune exalte évidemment sa langue et sa culture. Mais toutes deux tendent également à accorder une place et une reconnaissance de plus en plus importante à la culture vietnamienne. Ce n’est par exemple pas un hasard si le grand poème du début du dix-neuvième siècle, Kim Van Kieu, est traduit en français et en japonais presque au même moment. La propagande vichyste s’efforce de faire vibrer une corde traditionaliste. Elle joue la carte de la supposée adéquation entre les valeurs de la Révolution nationale et celles du vieux fonds culturel local. Ainsi, met-on en parallèle des paroles prononcées par Pétain avec des sentences vietnamiennes traditionnelles. On associe à la célébration de Jeanne d’Arc celle des sœurs Trung, héroïnes de la lutte contre la Chine (vers 40 après J.-C.). Le renouveau de l’étude des caractères chinois, socle du prestige de la caste des élites lettrées est encouragé tandis qu’un terme est mis au système des conseils administratifs communaux élus (toc bieu), mis en place dans les années 1920. Certaines initiatives méritent que l’on s’y attarde comme le tour de l’Indochine cycliste qui a lieu en janvier 1942, 1943 et 1944, qui voit s’affronter des équipes des cinq ky (Cochinchine, Annam, Tonkin, Laos, Cambodge) ainsi que des coureurs français. Ce tour cycliste représente alors une très habile promotion de la fédération indochinoise (cadre politique qui est mis en avant à titre d’antidote au nationalisme vietnamien). Cette initiative reflète aussi la préoccupation très vive pour un développement des activités physiques, qui se traduit par un effort dans le domaine des infrastructures (stades, piscines).
Quant à lui, le Japon propage l’idéologie de la sphère de coprospérité de la grande Asie orientale, soulignant à l’envi les affinités culturelles entre la culture japonaise et celle des populations de l’Indochine. Sa propagande a toutefois pour originalité d’être dirigée également en partie vers les 36.000 résidents français, ce qui s’explique par le fait que nombre de remarquables francophones (et francophiles) sont envoyés en Indochine par le gouvernement japonais afin d’y exercer des responsabilités [2].
De la rivalité culturelle à l’attaque des postes militaires français
…
Publié dans laviedesidees.fr, le 7 juin 2013.
Lire la suite sur Vichy, le Japon et l
© laviedesidees.fr