@ esox: un grand merci.
@ Robin des bois : non, je n'ai pas pu parler avec Pierrot car il était en grande conversation avec ses clients! Une autre fois peut-être, maintenant que je le connais. A bientôt
@ esox: un grand merci.
@ Robin des bois : non, je n'ai pas pu parler avec Pierrot car il était en grande conversation avec ses clients! Une autre fois peut-être, maintenant que je le connais. A bientôt
Hai Phong
Le vent de la mer
Suite à un stage imprévu de Thin à l'hopital (pas en tant que stagiaire médecin ), j'ai du interrompre son récit . Je le reprends aujourd'hui.
Quand nous sommes revenus à Marseille en 1942, la vie du camp avait changé. Nous étions installés au camp de Mazargues qui se trouvait à Marseille près du stade Vélodrome.
(ce camp a été rasé, et avec le camp Colgate, c'étaient 2200 travailleurs indochinois qui se trouvaient à Marseille ).
Certains avaient du travail, les autres ne faisaient rien.Affecté au garage j'étais chargé avec des camarades, de la manutention pour décharger les camions de ravitaillement du camp. Puis ayant passé mon permis, j'eus le privilège de conduire les camions de ravitaillement.
Un "restaurant central" préparait les repas (cuisine française faite par des Viêtnamiens du camp), et nous allions chercher à tour de rôle les rations pour 10 personnes.On mangeait dans nos baraquements, on jouait aux cartes, on ne faisait rien de la journée ; sauf ceux qui avaient un travail, nous n'étions pas autorisés à sortir du camp.
C'est à cette époque que nos cadres français repartaient du camp avec des sacs de victuailles qu'ils prenaient au magasin pour les vendre au marché noir.
A la fin de la guerre, en 1945, avec le rétablissement des relations maritimes, les rapatriements vers le pays natal reprirent.
(les rapatriements qui avaient débuté en Janvier 1941 s'étaient interrompus en septembre 1941, plus aucun bateau n'assurait la ligne avec l'Indochine pendant la guerre).
Ce sont d'abord ceux qui parlaient français et ceux qui avaient de l'instruction qui partaient en priorité.Puis ceux qui étaient chargés de famille.
En 1946 Ho Chi Minh nous rendit visite au camp. Il nous exhorta de rentrer au pays natal.
(A cette époque, les relations entre le Viêtnam ,proclamé indépendant en 1945 , et le pays colonisateur la France ne sont pas bonnes.
Ho chi Minh après la conférence de Fontainebleau s'adresse aux travailleurs réquisitionnés en ces termes)
Dans le camp, des travailleurs commencent à s'organiser ; syndicats pour revendiquer une meilleure vie, groupes politiques pour demander l'arrêt de la guerre d'Indochine qui débutera en 1946. Nous n'étions plus consignés à l'intérieur du camp. Mais parfois des CRS (police qui venait d'être créée) nous interdisaient de sortir pour nous empêcher d'aller dans les nombreuses manifestations avec les autres travailleurs français ."Travailleurs, mes chers compatriotes.
En accord avec les représentants du Gouvernement Français concernant votre rapatriement il est décidé comme suit :
1) Tous, vous devrez être vaccinés contre les maladies épidémiques.
2) Vous serez sous les ordres de vos délégués élus par vous.
3) Vous serez considérer à bord, dans les mêmes conditions de vie que les autres passagers.
4) Vous avez le droit d'emporter avec vous 50 kilos de bagages, sans compter le poids des accessoires et outils professionnels pour lesquels vous bénéficierez de la franchise des Douanes.
5) Vous toucherez chacun : avant le départ, le pécule et pendant la traversée, votre allocation journalière par grade, plus une indemnité journalière uniforme de 60 f. payées à l'arrivée avant le débarquement."
Les "meneurs" repérés furent en priorité rappatriés. Arrivés sur le sol natal, bon nombre d'entre eux seront jetés en prison.
Dans le camp, tous les jours il y avait des discussions politiques. Une bagarre entre trotskystes et communistes fit même des morts en Mai 1948.Mais la plupart d'entre nous, nous souhaitions l'indépendance du Viêtnam et la fin de la colonisation.
On nous offrait le choix, de retourner au pays,ou de rester en France.
Le retour au pays sera pris en charge par la France jusqu'en 1951.Ceux qui voudront retourner au pays après cette date le feront à leur frais.
Mon ami (qui avait de l'argent) me repaya un nouveau permis : le transport en commun en 1948.
C'est cette année là que je fus libéré ; je n'avais plus de famille au Viêtnam.Quand je suis parti en 1939 mon frère et mon père étaient déjà morts, il ne restait que ma mère. Elle était décédée en 1942.
Dans mon village, on crevait de faim. On se nourrissait d'un peu de riz et de manioc. La viande était trop chère et le poisson qu'on mangeait était celui que je pêchais.
L'école était payante je n'ai pas pu y aller.
Au camp à Marseille, un Nord Viêtnamien de Hanoï devenu ami, et qui parlait français et lisait les caractères chinois m'a appris à lire et à écrire pendant 3 ans. Lui, il avait choisi de repartir, il avait à faire pour son pays
Je pris la décision de rester en France, et dans ma compagnie partie en 1939 des plages de Tourane, nous n'étions que 5 à faire ce choix pour devenir Viêt Kieu....
Dernière modification par thuong19 ; 06/11/2008 à 10h51.
Merci anh thuong
j'espère que bac Thin se remet bien de son hospitalisation
n'oublies pas de lui transmettre toutes mes amitiés.
Merci Thuong de continuer à nous raconter l'histoire de Monsieur Thin. Transmets-lui que je suis touchée qu'il veuille bien nous parler de son histoire, (et j'en suis sûre, beaucoup d'autres que moi), ainsi que mes voeux de bon rétablissement.
"Il est plus urgent de vivre que de compter !" Françoise SAGAN
On n'est riche que de ses amis.
Thin, travailleur sans papier pendant 28 ans
Thin fut “ libéré “ le 12 avril 1948 en même temps que plusieurs camarades.
Parmi les 5 de sa compagnie qui avaient fait le choix de rester en France, Than ira à Bordeaux, épousera une Suissesse et n’aura pas d’enfant . Kinh partira à Paris sera tailleur puis gardien à l’ORTF, épousera une française et aura 4 enfants . Bui restera à Marseille et sera navigateur ; il épousera une française, ils auront un garçon.
Le quatrième partira à Grenoble, Thin n’aura aucune nouvelle, et ne se rappelle pas de son nom.
Thin avait commencé dès Mars à travailler à Marseille chez un entrepreneur de bâtiment (MAGNONI). Tous les travailleurs qui voulaient rester en France devaient avoir trouvé auparavant un employeur avant d’être libéré. Thin fit la connaissance de Léonie, une résistante déportée puis rapatriée au camp à Marseille avec d’autres prisonnières libérées. Léonie était corrézienne, mariée (mal) à un garagiste et avait 4 enfants. Elle emmena Thin dans ses bagages dans le train qui la ramenait chez elle à Tulle.
Thin s’installe avec Léonie , trouve un emploi à Bugeat, puis à la Ville de Tulle et enfin comme chauffeur dans l’entreprise de BTP POUQUET. Il y restera jusqu’à sa retraite en 1980.
Léonie revenue malade de captivité décéda à l’âge de 40 ans.(année 1950?).
Les rapatriements des travailleurs indochinois ont continué jusqu’en 1952. Mais dès 1951 tous les anciens travailleurs restés en France étaient avertis que passé une date butoir, les frais ne seraient plus pris en charge par l’administration française.
C’est ainsi que le statut de Thin évolua :
engagé volontaire Travailleur Indochinois : 14 décembre 1939
libéré : le 12 avril 1948
levée temporaire de réquisition : 12 avril 1949
levée définitive de son engagement : le 31 décembre 1952
Et tes papiers Thin ?
Thin fut libéré sans papier. Pas de carte d’identité, pas de carte de séjour, pas de carte de travail.
Mais en 30 ans de route sur tes poids lourds, tu as du te faire contrôler ?
lorsque les gendarmes m’arrêtaient et que je leur disais que je n’avais pas de papier, seulement mes permis de conduire,
- ils me demandaient: mais tu es Viêtnamien ou tu es Français ?
- Je leur répondais : regardez- moi (en leur montrant mon nez avec mon doigt)...
- Fou le camp !
Ce n’est qu’en 1976 que Thin aura sa première carte d’identité en se faisant naturalisé Français. Sur le décret de naturalisation sera porté le pays d’origine “ANNAM !”, et non VIETNAM comme pour les autres naturalisés de sa classe d’ âge et originaire du Centre.
Thin fonde sa famille viêtkieue corrézienne en 1955 en épousant Margote. Il ne retournera au Viêtnam pour la première fois qu’en 1994 avec l’une de ses filles , sa petite fille et d’autres amis Viêtkieus dont Kinh, l’ami travailleur indochinois comme lui, mais devenu parisien.
d'après ce document, on notera que Thin n'est arrivé qu'en Mars 1940 et non pas en Janvier.On lui pardonnera sa défaillance de mémoire.
Thin n'était pas originaire du VIETNAM, mais de l'ANNAM . En 1976 année de sa naturalisation, il n'y avait qu'un seul pays, le Viêtnam réunifié !
@Robin des Bois, tu as un mystère de plus à élucider.
Merci à toi Thuong 19, pour ce récit.
J'étais à Marseille entre 1949 et 1953, mais je n'avais pas la chance de rencontrer ces compatriotes. Mais ,ce que je me rappelles très bien , ce sont ces comportements indignes de la France. C'est pourquoi, je vois rouge quand j'entends les termes d'annamite, d'indigène, de con gai , nha qué,...j'en passe et de pire. Je comprends aussi pourquoi et je le regrette de ne plus voir Trindung sur le forum.
Ceci dit, je ne confond pas ces petits blancs avec la majorité des français. J'ai sablé le champagne à l'élection de OBAMA et comme Martin Luther King, je rêve de voir un jour un président Français " indigène " qu'il soit d'origine Sénégalaise, Marocaine, Malgache ....ou autres , peu m'importe et si par hasard , il est d'origine vietnamienne je ne me plaindrais pas. D'ailleurs j'ai voté pour un immigré comme moi , Monsieur Sarkozy, j'en suis très heureux, toujours content de lui et ne regrette nullement mon choix. J'apprécie en plus son travail actuel au nom de la France et de l' Europe. Heureusement qu'on l'a en ce moment. Christian
Autant les autres mots cités par Christo ont effectivement une connotation péjorative et colonialiste évidente,
autant je pense que l'on peut se montrer plus réservé sur le mot Annam et Annamite qui a longtemps été utilisé comme synonyme des territoires de l'Empire d'Annam et de des derniers Empereurs du Vietnam (donc débordant largement le seul territoire colonial baptisé Annam par la France)
Par ailleurs , je pense que l'utilisation du mot "Annam " juste à côté de la date de naissance de M.THIN est simplement une "habitude des services d'Etat-Civil" : à la date de sa naissance (1915), son pays natal avait l'appellation officielle d'Annam .
ps: regardez le nom précedent M.THIN , soit M KELBER : c'est le même cas de figure; M.KELBER David est né en 1910 à Brailow en " Russie "; or en 1976- année de naturalisation- la Russie s'appellait l'URSS.
Honnêtement , je pense que c'est l'explication car je ne vois pas la nécessité pour un agent de l'Etat-Civil -et surtout pour le Journal Officiel - de faire de la provocation : ce serait même une " faute professionnelle"!!
Dernière modification par robin des bois ; 18/11/2008 à 17h23.
Je tiens à ajouter que moi aussi j'apprécie énormement cette rubrique "Mémoires d'Anciens"
Elle est de plus de "très haute tenue".
Salut Robin des Bois,
je m'étais fait la même réflexion . A savoir qu'à cette époque 1915 date de naissance de Thin, l'état civil colonial de l'Indochine française ne connaissait que le Tonkin, la Cochinchine, et l'Annam correspondant au Centre Viêtnam et ayant pour capitale HUE. Les fonctionnaires chargés de transcrire les états civils sur les décrets de naturalisation ne peuvent se référer qu'aux actes originaux.
Or je te poste le bas de la même page du journal officiel .
Madame LE-XUAN née CONG TAN TON NU est née à Thua Thien village près de HUE capitale de l'Annam en 1918 année de sa naissance.
LE THI CHI est née à Thai Binh (Tonkin) en 1923
Pour toutes ces personnes, le pays d'origine quelle que soit l'année est le Viêtnam...et pourtant le Viêtnam n'existe pas encore.
Sauf Thin, son pays est l'Annam.
Dernière modification par thuong19 ; 18/11/2008 à 21h09.
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