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Phúc_44
Concernant son effectif, il est important de savoir que le commandement français en Extrême Orient n’a jamais eu les moyens en hommes pour remplir ses missions et ceci pendant tout le conflit.
Plusieurs raisons à ce déficit en combattants :
Avant l’arrivée de l’aide américaine, il y a les difficultés financières à entretenir une force armée trop importante à des milliers de kilomètres de la métropole.
Il y a la volonté française de jouer un rôle majeur dans la défense de l’Europe et de disposer d’une armée puissante au sein de l’OTAN et face à l’Allemagne de l’Ouest dont la France a consenti au réarmement à contre-cœur.
Il y a la nécessité de moderniser les forces armées ce qui coûte très cher.
Il y a la volonté politique de ne pas faire trop de vagues. Vous connaissez l’importance des communistes dans le paysage politique français d’après-guerre.
Et il y a aussi la garde des autres territoires de l’Union Française.
Quelques mots sur l’aide américaine.
Les Etats-Unis reconnaissent en 1949 l’Etat du Viêt Nam. Le début de l’aide américaine c’est juin 1950. Le MAAG (Military Assistance Advisory Group) s’installe à Saigon en août 1950. Il faut cependant attendre la mi-51 et l’intervention de De Lattre qui convainc les Américains que la Guerre d’Indochine est, au même titre que la Guerre de Corée, une bataille contre l’expansion du communisme en Asie, pour que l’aide devienne vraiment significative tant sur le plan matériel que financier. Et on est déjà dans la deuxième moitié de 1951.
Pour mémoire, le Viêt Minh commence aussi à recevoir l’aide de la Chine depuis 1950. Et pas uniquement sur le plan matériel. Comme vous le faites remarquer à juste titre, le conflit s’internationalise.
Ce qu’on remarquait d’abord chez les soldats du CEFEO de 1946 à 1951 c’était une très grande disparité dans les uniformes et les équipements. Vous pouviez contempler pêle-mêle des mélanges d’uniformes français, anglais, américains voire fabriqués localement. Idem pour les paquetages et les ceinturons qui provenaient de stocks cosmopolites datant de la 1ère Guerre Mondiale jusqu’aux années 40 ou bien étaient conçus de manière "artisanale." Les soldats étaient coiffés de casquettes, visières, bérets, chapeaux et parfois de casques en acier.
Bien que ce manque d’uniformité dans les tenues ne semble pas avoir eu trop d’importance au combat, on ne peut en dire autant concernant la disparité dans l’armement.
De 1946 à 1951, les soldats français utilisent un mélange d’armement français, anglais, américain, chinois et même des armes allemandes et japonaises capturées. Toutes nécessitant, bien sûr, des munitions différentes. Imaginez le casse-tête logistique.
Pour le fun :
il y a eu jusqu’à 10 calibres de balle différents :
Français : 7,5 mm ; 7,62 mm ; 7,65 mm ; 8 mm
Chinois : 7,92 mm ; Américain : 0,30 inch long and short ; 0,45 inch
Anglais: 0,303 inch ; 9 mm
Il y avait aussi l’entretien de l’armement qui était très difficile en raison de l'usure accélérée des armes liée au climat.
Un sergent du 1er BEP (l’un des survivants de la RC4) raconte que sa section de 10 hommes, arrivée en Indochine en novembre 1948, était armée d’un FM24/29, de 5 pistolets mitrailleurs MAS38 (une arme de policiers) et de 4 fusils MAS36. En mars 1949, tous les fusils et 4 pistolets mitrailleurs sur 5 étaient hors-services.
Quelles armes reçoivent ces Légionnaires Parachutistes, élites du CEFEO, pour remplacer les anciennes ?
Tadam ! 6 fusils Berthier 8 mm modèle 1907/15.
Des reliques datant de Verdun pour des paras ! Ces fusils étaient si longs que les paras ne pouvaient sauter avec. Ils devaient les larguer séparément puis les retrouver sur le sol pour enfin pouvoir combattre ! De plus, on ne pouvait y loger que 3 cartouches que les Légionnaires devaient introduire une par une.
On a connu mieux comme équipement d’un bataillon d’élite appartenant à une "armée de luxe".
En 1950, la section reçoit l’excellent MP40 allemand mais avec des munitions de 9 mm… anglaises et mal calibrées ce qui causa multiples enrayages et décharges accidentelles.
L’exemple de cette section du 1er BEP (j’insiste sur le fait qu’il s’agit d’un bataillon d’élite) est très évocateur.
L’infanterie manquait également d’armes d’appui type mitrailleuses et mortiers. On trouvait à l’époque dans les bataillons du CEFEO moins de la moitié du nombre d’armes d’appui présentes dans les bataillons américains contemporains.
Les stocks de munitions dataient des années 30 et n’avaient donc pas été empaquetés pour résister au climat humide de l’Indochine. Beaucoup étaient donc inutilisables.
On est loin des clichés montrant des soldats français qui ressemblent à s'y méprendre aux GIs vous ne trouvez pas ?
Mais tout cela change après 1951. L'Armée Populaire aussi change radicalement grâce au soutien des pays du bloc communiste et surtout de la Chine. Ce sujet pourrait faire l'objet d'un prochain message.