Alors je lui répondis calmement :
- J'ai été transféré à Phú Lợi pour y être incarcéré une année après cette histoire barbare d'empoisonnement. Je n'y ai pas rencontré ton père, mais même si je l'avais rencontré, je n'aurais rien pu savoir car ils y interdisaient absolument toute conversation entre les prisonniers. Une seule salutation, un signe de la tête, un clin d'oeil, aurait été considéré par eux comme "communication illégale" et donné prétexte à un interrogatoire musclé à Cây Mít ou à une mise à la fosse aux épines ... Mais je pense qu'ils ont toujours ton père quelque part dans une de leurs prisons. Je sais qu'il arrive que, dans une famille, le mari ne se soit plus manifesté depuis sept ou huit ans. A la maison, femme et enfants pensaient que l'être cher était mort et en avaient dressé l'autel et célébré les commémorations en souvenir du défunt. Puis un jour comme ça, sans crier gare, le voilà qui s'en revint prestement avec son balluchon, à la maison, bien en chair et en os. Mari et femme, père et enfants, entre joie et émotion, rires et larmes, se retrouvèrent comme dans un songe. Alors il n'y a plus pour le couple qu'à se débarrasser péniblement du vieil autel pour faire de la place à un lit tout neuf ...
Út Sương d'un coup, releva sa tête, les yeux brillants, encore pleins de larmes, comme s'il lui était donné de voir son père sur le chemin du retour.
Ba Thu la taquinant:
- Eh ... Eh ... Jean qui rit, Jean qui pleure ...
Juste à ce moment une rafale de vent vint à souffler, glaciale, envoyant les gouttes de pluie dans la maison.
- Oh ... Oh ... Mais c'est le vent des nấm mối (NDT: champignons des termitières) ! Eh les filles c'est le vent des nấm mối ! S'exclama Hai Duyên en se levant.
Ba Thu imperturbable :
- Grand-Mère l'avait prédit cette nuit ... qu'aujourd'hui on aura la pluie aux nấm mối.
- Allons-nous-en cueillir les champignons ... proposa Duyên.
- D'accord.
- Oui ! On y va !
Út Sương, Ba Thu tout en parlant, coururent vers la porte sous la pluie battante.
Arrivée à la porte, Út Sương se retourna :
- Mon Oncle ne mangez pas sans nous, hein ! Attendez notre retour, nous allons vous préparer une soupe aux champignons ! Ce sera savoureux, meilleure encore qu'une soupe à la viande !
L'eau venait de bouillir. Je la versai dans la théière, et pris mon thé tout seul. Peu après, Hai Nhi revenant de sa pêche sur la Rivière de Saigon, frissonnait sous ses habits trempés. Je le hélai :
- Viens prendre un bol de thé pour te réchauffer, Hai !
Hai Nhi s'en allait directement vers la cuisine en me répondant à la cantonnade :
- Il y a ça qui réchauffe encore plus.
Quelque temps après, Hai Nhi revint, les vêtements déjà secs, le vin dans une main, et de l'autre main, il jeta dans le foyer de la cuisine, les grosses tôm cáng (NdT: lit. crevettes à pinces. Grosses crevettes d'eau douce de la taille d'une petite langouste) empoignées par leurs moustaches. Je sortis cueillir quelques branches de rau thơm (NdT: lit. herbe parfumée, une des nombreuses espèces d'herbe utilisée en accompagnement dans les plats vietnamiens). Par un temps pareil boire et grignoter un petit coup, c'est vraiment le pied !
20081021 1209 - Ttkt - Sapn