LE PRESIDENT MITTERRAND SE REND AU VIETNAM ET AU CAMBODGE ; LA FRANCE JOUE LA CARTE INDOCHINOISE
Mardi 9 février 1993
Le président Mitterrand se rend au Vietnam et au Cambodge
Le président Mitterrand, qui arrive ce mardi à Hanoi pour une visite officielle de trois jours, est le premier chef d'État français à se rendre au Vietnam depuis la défaite de l'armée française en 1954 à la bataille de Dien Bien Phu, défaite marquant la fin de la colonisation française en Indochine. Une étape importante pour le président Mitterrand et ses hôtes: son recueillement sur le site de cette bataille.
François Mitterrand clôture sa visite au Vietnam par un séjour de vingt-quatre heures au Cambodge pour notamment y rencontrer le prince Norodom Sihanouk. Le même prince qui, en chef d'État, avait accueilli le général de Gaulle en 1966 à Phnom Penh. Une occasion que le général avait saisie pour condamner l'intervention militaire des États-Unis au Vietnam.
La France de Mitterrand se trouve aujourd'hui en parfait accord avec Washington quant au règlement du conflit cambodgien qui avait été facilité par le retrait des troupes vietnamiennes du Cambodge en 1989 et avait donné lieu, deux ans plus tard, aux accords de paix de Paris. Les États-Unis, de leur côté, encouragent leurs alliés européens et japonais à accentuer leur ouverture à l'égard du Vietnam. Une puissance, qui, depuis la fin de la guerre froide, est jugée nécessaire à l'équilibre géopolitique de la région. La nouvelle administration Clinton, il est vrai, n'a pas encore décidé, pour des motifs intérieurs, de lever l'embargo imposé aux Vietnamiens après leur invasion du Cambodge fin 1978.
En attendant, la France, selon l'Élysée, veut encourager la politique d'ouverture économique du Vietnam. François Mitterrand est d'ailleurs accompagné par une importante délégation d'industriels et de chefs d'entreprises françaises déjà installées au Vietnam ou cherchant à le faire.
Le président français, par ailleurs, s'est déjà engagé à défendre les intérêts du Vietnam. Paris va plaider en faveur de l'admission du Vietnam au Fonds monétaire international. Bloquée jusqu'ici par le veto américain, cette admission est jugée par Hanoi comme une condition indispensable pour pouvoir bénéficier de crédits étrangers, notamment de prêts préférentiels de la Banque mondiale et des organisations financières régionales. La France compte en outre intervenir auprès de la Communauté européenne pour qu'elle négocie avec le Vietnam un accord d'association. Pour le porte-parole de l'Élysée, l'intérêt de la CEE pour l'Indochine en général et le Vietnam en particulier est insuffisant.
La France semble en tout cas vouloir jouer le jeu indochinois de Hanoi. C'est sans doute la raison pour laquelle le président Mitterrand a évité de se rendre au Laos, déjà «protectorat vietnamien». La création d'une «Fédération indochinoise», rêve de Hô Chi Minh, reste en effet la pierre angulaire de la stratégie du Vietnam dans la région. Et par ricochet, elle se trouve toujours à l'origine de toutes les difficultés de l'ONU et de son autorité provisoire au Cambodge avec les Khmers rouges et le prince Sihanouk qui dénoncent sans cesse ce «rêve».
ABED ATTAR