Ðiện Biên Phủ est une petite plaine au Nord-Ouest du Viêt Nam dans la province de Lai Châu dans le haut Tonkin, et dans laquelle se trouve la petite ville de Ðiện Biên Phủ. Ðiện désigne une administration, Biên un espace frontalier et Phủ un district, soit, en termes francisés, «chef lieu d'administration préfectorale frontalière». En thai, la ville se nomme Muong Tanh.
Elle fut le théâtre d'une violente bataille entre le corps expéditionnaire français, dont beaucoup de soldats de la Légion étrangère, sous le commandement du colonel de Castries (nommé général durant la bataille) et le corps de bataille du Viêt-minh sous les ordres du général Giap.
Cette bataille vit la victoire du général Giap le 7 mai 1954 et fut la dernière de la guerre d'Indochine. La France quitta la partie nord du Viêt Nam (le Tonkin), après les accords de Genève signés en juillet 1954 qui instauraient une partition du pays le long du 17e parallèle.
L'opération Castor
Au matin du 20 novembre 1953, dans le cadre de l'opération Castor, deux bataillons de parachutistes français, le 6ème BPC (Bataillon de parachutistes coloniaux) du commandant Bigeard et le 2/1er RCP (2e bataillon du 1er Régiment de chasseurs parachutistes) du commandant Bréchignac s'emparent de Ðiện Biên Phủ, défendue par un détachement peu important de l'armée Viêt-Minh. Dans les semaines qui suivent, après rénovation de la piste d'atterrissage construite par les Japonais, les Français acheminent par avions hommes, matériel, armes et munitions à Ðiện Biên Phủ. Cette noria aérienne fonctionne pendant quatre mois pour créer, ravitailler et renforcer le camp retranché. Le matériel lourd (artillerie et blindés) est démonté à Hanoï, transporté en pièces détachées et remonté à l'arrivée.
La préparation Viêt-Minh
Le Viêt-Minh fait acheminer une importante logistique par les flancs des montagnes qui entourent le camp sur des bicyclettes.
L'assaut
L'assaut est déclenché le 13 mars contre le point d'appui "Béatrice" tenu par le 3/13 DBLE (3ème bataillon de la 13e Demi-Brigade de Légion étrangère) commandé par le commandant Pégot.
Cinquante mille hommes avec une artillerie, principalement composée de mortiers, nombreuse et efficace submergent au bout de 56 jours les 12 000 Français du camp retranché. Les avions, venant de Hanoï, étaient en limite de rayon d'action, gênés de surcroît par une météo capricieuse (mousson).
Les soldats viêt-minh qui avaient creusé sous Éliane 2 une longue galerie, y font exploser plus de 900 kg de TNT, quelques heures avant que la garnison française ne soit définitivement submergée, le 7 mai 1954.
Les plans des Français
Acculé à des positions défensives, l'état-major français avaient pour ordre de résister en attendant une éventuelle "Opération Vautour" qui consistait à faire intervenir l'armée américaine et ses bombardiers B-29 afin de détruire les positions vietminhs. Les états-majors des deux pays ont même envisagé d'utiliser la bombe atomique pour arriver à leurs fins, si les bombardements conventionnels venaient à échouer. Les responsables politiques américains ont abandonné cette option, à l'approche de la conférence de paix de Genève afin de ne pas aboutir à une situation de non-retour. Mais ce n' est pas la seule raison : en effet, les U.S.A. avaient besoin de l'autorisation du Congrès pour intervenir sur Diên Biên Phù et, d'après le général Bedell Smith (qui répondait aux suppliques de l' ambassadeur de France outre-Atlantique) « le succès dépend de l'acceptation de Londres »[1]. « Churchill reçoit M.Massigli (ambassadeur de France) dans la matinée du 27 avril, (...) et lui dit :"' Ne comptez pas sur moi.' (...) J' ai subi Singapour,' Hong-kong, Tobrouk. Les Français subiront Diên Biên Phù." » [1]. Cet épisode est, avec celui de la crise des missiles de Cuba et du blocus de Berlin, l'une des trois crises majeures de la guerre froide où les deux superpuissances américaines et soviétiques étaient proches de basculer vers un conflit majeur.
Le bilan
On estime à près de sept mille le nombre des Vietnamiens tués pendant la bataille. L'armée française compte 1 750 morts dans ses rangs mais, sur les 10 863 prisonniers faits par le Vietminh, la plupart décèdent en captivité. La France ne récupère que 3 290 rescapés, quatre mois plus tard. Ceux qui auront le mieux survécu étaient les blessés lourds car ils n'eurent pas à subir la marche forcée de 700 km et furent pris en charge par la Croix-Rouge. Les autres ont été internés dans un camp d'emprisonnement et avaient des conditions de survie très défavorables. Ainsi leur alimentation quotidienne se limitait à une boule de riz pour ceux qui étaient valides, et pour ceux agonisants, une soupe de riz. Les prisonniers devaient également subir le matraquage de la propagande communiste, avec enseignements politiques obligatoires.
Le destin exact des 3,013 prisonniers d’origine indochinoise reste toujours inconnu.[2]
L'analyse de Roger Delpey
La province actuelle de Ðiện Biên (en vert) était très éloignée de Saïgon, siège des forces aériennes françaises, ce qui pénalisa le pont aérien.
En janvier 1954, le général Clément Blanc, chef d'état-major de l'armée de Terre, se rend en Indochine à la demande du gouvernement français avec pour mission de faire un rapport sur la situation en Indochine et particulièrement sur la base de Ðiện Biên Phủ.
Sur place, le général Blanc se rend compte « qu'il y avait un défaut capital dans la préparation française: on avait complètement ignoré l'artillerie » ennemie en pensant que « le Viet Minh n'aurait pas les moyens de hisser les pièces d'artillerie sur les crêtes des montagnes environnantes ».
Avec son bras droit, le colonel Henri Mirambeau, il a « rédigé les 8 et 9 février 1954 un rapport de 16 pages dont la conclusion était : il faut d'urgence évacuer Ðiện Biên Phủ qui est une place forte promise à la destruction », rapporte l'historien Roger Delpey qui s'est entretenu à plusieurs reprises avec chacun des deux militaires et a eu sous les yeux un exemplaire de ce rapport.
Le 10 février au matin, une réunion rassemble à Saïgon le ministre de la Défense René Pleven, son secrétaire d'État à la Guerre Pierre de Chevigné et le chef d'état-major des armées, le général Paul Ely. Le général Blanc leur lit son rapport et « la conclusion fait l'effet d'un coup de tonnerre », note l'historien.
René Pleven était porteur d'une délégation de pouvoirs pour la conduite de la guerre d'Indochine, délégation remise par le président du Conseil Joseph Laniel. Pourtant, il ne modifie rien. « René Pleven explique qu'il n'est pas question d'évacuer Ðiện Biên Phủ, car nous avons pris des engagements envers les États-Unis et envers le gouvernement vietnamien ».
À l'époque, les États-Unis fournissaient des armes et des « budgets très conséquents » au gouvernement français pour qu'il tienne son dispositif militaire en Indochine « car c'était l'époque où les États-Unis portaient haute la bannière de la lutte anticommuniste » dans l'Affaire des piastres.
Or, le retrait était techniquement possible. Le général Pierre Fay, chef d'état-major de l'armée de l'Air, a assuré au général Blanc, avant la réunion de Saïgon, qu'il pouvait « évacuer la garnison de Ðiện Biên Phủ en cinq ou six jours par des moyens aériens », emporter une partie du matériel et faire sauter le reste. « Les troupes les plus valeureuses du Viet-minh n'étaient pas encore proches, elles convergeaient » vers la cuvette.
Roger Delpey pense que le rapport Blanc « a été étouffé ». Le général Henri Navarre, commandant en chef en Indochine, avait décidé d'utiliser Điện Biên Phủ pour « protéger le Laos en attirant les unités viet-minh et en les cassant à cet endroit précis », rappelle l'historien. Or « il ignorait la rédaction de ce rapport et la conclusion. Il ne l'a appris que beaucoup plus tard ». « On n'a jamais vu un chef de guerre ne pas être informé d'un fait revêtant une telle importance », remarque-t-il .
source AP, Roger Delpey
Les politiques française et vietnamienne autour de Diên Biên Phu
Avec l’arrivée massive de l’aide militaire américaine au Vietnam, directement au CEFEO (Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient) d'une part et indirectement à l’État vietnamien pour son "armée nationale" en formation, les chefs français se sentaient suffisamment en position de force pour engager une bataille décisive, détruire le corps de bataille vietnamien et terminer cette guerre. Le corps de bataille vietminh menaçait d’élargir son champ d’action en pays montagneux du Laos ce qui lui aurait donné des avantages stratégiques et tactiques, en transformant sa faiblesse matérielle en avantage de légèreté dans le cadre des combats d’infanterie légère.
Du côté vietminh, l’implantation du GONO (Groupement opérationnel du Nord-Ouest) à Diên Biên Phu n’était qu’un détail mineur. Même si Diên Biên Phu est un carrefour de pistes pédestres et équestres, son importance reste mineure pour l’Armée populaire vietnamienne qui a été configurée, dès le départ, pour opérer dans des zone difficiles d'accès et passer là où les autres ne passaient pas. La politique vietnamienne d’étendre au Laos la zone de combat ne souffrait pas de l’implantation d’une garnison française au chef lieu (Phu) des hameaux de Diên Biên dans le district de Lai Chau du Nord Ouest, maintenant divisé en deux avec le groupement des "Diên Biên".
Le choix politique d’engager la bataille à Diên Biên Phu fut pris avec l’annonce de la possibilité d’une conférence à Genève sur la Corée, bien après la mise en place de la garnison française à Diên Biên Phu. les chefs de cette dernière, sûrs d'eux, refusaientt même les propositions d’un supplément de matériels. Ainsi, le colonel Piroth, commandant l'artillerie, assurait qu’aucun obus ne pourrait tomber sur la garnison et que sa contre-batterie détruirait immédiatement toute artillerie ennemie. Suite à la démonstration de son impuissance à détruire les batteries ennemies, il se suicida avec une grenade dès les premiers jours de la bataille.
suite au début de la bataille de Diên Biên Phu, la Conférence de Genève sur la Corée s’est progressivement transformée en conférence sur l’Indochine. Le Général Vo Nguyen Giap expliqua que la décision (la plus importante de sa vie) d'attaquer Điện Biên Phủ fut prise pour placer le Viêt Nam en position de force et donner un argument de poids à la délégation vietnamienne conduite par Pham Van Dong à cette conférence. [2]
Les stratégies
Du point de vue français, la stratégie de Điện Biên Phủ est inspirée des techniques Chindits : une enclave dans la jungle, au milieu du territoire ennemi, une base opérationnelle entièrement dépendante du transport aérien pour l’insertion et le ravitaillement, permettant le contrôle d'une large zone. Cette tactique avait été employée avec succès à Na-San en octobre-décembre 1952. Điện Biên Phủ est proche de Hanoi par voie aérienne et très loin pour l’Armée populaire vietnamienne à travers des pistes de jungle. Les calculs logistiques de la recherche opérationnelle donnaient un rapport très favorable pour le côté français, en termes de tonnage quotidien.
Ancien terrain d’aviation japonais, le choix de cette vallée a été approprié, bien qu'elle soit entourée de collines élevées. Pour les stratèges français, l’armée populaire vietnamienne ne pourrait pas placer son artillerie. Sur les versants cachés pour la garnison, la pente est trop forte pour lui donner une portée suffisante. L'autre versant était, quant à lui, à vue de la garnison et la contre-batterie pourrait neutraliser rapidement toute artillerie ennemie s'y installant. Mais l’armée populaire vietnamienne, par son énorme capacité en bras, put creuser des tunnels en travers des collines, hisser ses obusiers et s’offrir plusieurs emplacements de tir sur la garnison sans être vue.
De plus, un écran nuageux quasi permanent en période de mousson rendait son accès aérien difficile à vue (et les radars de vol n'existaient peu ou prou pas).
Une fois le terrain d’aviation détruit par l’artillerie vietnamienne, le sort de la garnison française de Điện Biên Phủ était réglé. N'allait suivre qu'une guerre d'usure entre un vietminh nombreux et ravitaillé et une garnison qui ne pouvait se permettre la moindre perte.
À l’origine, Điện Biên Phủ devait être la base d’unités mobiles pour rayonner dans tout le district de Lai Chau avec ses chars légers Américains M24 “Chaffee” (surnommés “Bisons” par la garnison). C’est pour cette raison qu’un cavalier,le colonel de Castrie, était à la tête du GONO (Groupement opérationnel du Nord-Ouest). Le camp était protégé par un réseau de points d’appui aux noms féminins. Les obus d’artillerie de l’armée populaire vietnamienne ont réduit cette mobilité à une guerre de tranchées en rendant l’aérodrome inutilisable et supprimant l’atout majeur de la garnison : son pont aérien pour son ravitaillement et sa raison d’être comme base d'assaut et de patrouille. Cette mobilité s’est réduite à des contre-attaques en coups de main de parachutistes sur les collines qui entourent la cuvette, sans jamais pouvoir les dépasser.
Pour l’armée populaire, la bataille de Điện Biên Phủ fut une bataille d’artillerie pour immobiliser l’adversaire et le priver de logistique qui ravitaille les troupes au combat. Les Français ont cru l’adversaire incapable d’utiliser son artillerie et n’ont pas caché et protégé leurs installations détruites dès les premières salves (cf. Jules Roy).
L'artillerie vietnamienne était principalement constituée de canons de 105mm de fabrication américaine, d'obusiers de récupération en provenance des prises de guerre chinoises en Corée ou durant la guerre civile contre les nationalistes chinois. Ayant tiré les enseignements de sa cuisante défaite de Na San, Giap bénéficia de l'aide chinoise massive sur le plan de l'artillerie, tant sol-sol que sol-air, ce qui eut une importance capitale dans l'interdiction du support aérien.
L’artillerie vietnamienne était hissée à flanc de montagne à dos d'homme. Lorsqu’une corde a cassé, un soldat s’est servi de son corps sur les roues pour arrêter la descente. Il est devenu un héros de la bataille, chanté dans les chaumières.
Avec les développements imprévus, comme il arrive dans toute bataille, l'aviation française fut nettement dépassée et a dû faire appel aux services de la CAT (Civil Air transport). la garnison française a été ravitaillée par parachutage de troupes et d’équipements avec les avions C-117 Flying Boxcar du CAT (Civil Air Transport) de Claire Chennault, général d’aviation américain honoré en Chine et aux États-Unis pour ses "tigres volants" pendant la Seconde Cuerre mondiale en Chine.
La logistique vietnamienne était basée sur des pistes de jungle et les vélos Peugeot adaptés à une charge utile de 500 kg poussés à pied. Elle préfigurait la future "piste Hô Chi Minh" qui ravitaillait plus tard les combats au Sud durant la Deuxième Guerre d’Indochine ou Guerre du Viêt Nam. [3]
Du point de vue de l’armée française d’Indochine, le choix de Điện Biên Phủ était judicieux sur le plan stratégique, au carrefour des pistes pédestres et équestres vers le Laos, et aussi sur le plan tactique d’une piste d’attérissage qui permettait un ravitaillement massif par pont aérien depuis Hanoi. D’autre part, cette piste d’aviation est entourée de hautes collines qui empêcheraient l’adversaire d’utiliser son artillerie avec le choix de tirer sur la pente montante hors de vue, mais d’une forte flèche, et donc de courte portée qui l’empêcherait d’atteindre les cibles potentielles ou de tirer sur la pente descendante qui la révèlerait aux tirs de la contre-batterie française du Colonel d’artillerie Piroth. D’autre part, une telle artillerie ne disposerait que d’une faible quantité de munitions fournie par la logistique de transport pédestre et cycliste de l’armée populaire.
Du point de vue de l’armée populaire, sur le plan stratégique, le choix de se battre à Điện Biên Phủ était l’argument militaire en vue de la conférence Genève qui s’ouvrait pour débattre sur la Corée, mais dont le sujet principal était l’Indochine, comme tout le monde le savait. En effet, la “guerilla” n’est pas la “petite guerre des pauvres” et elle n’est pas non plus la guerre des troupes légères du style des opérations de “commandos”. La guerilla est un enveloppement stratégique d’attaque au niveau supérieur de la commande politique. Le niveau politique est celui du choix entre la diplomatie ou la guerre et du choix des batailles à livrer dans la diplomatie ou dans la guerre. La guerrilla est caractérisée, dans sa pratique, par l’effet de surprise psychique et l’effet de choc physique, effets répercutés et amplifiés par la propagande. Sur le plan tactique de l’armée populaire, il y a eu, en priorité, la destruction du terrain d’aviation par l’artillerie pour priver la garnison française de son approvisionnement vital. Pour cela, il a fallu creuser à travers la montagne des galeries et emplacements de tir à vue. L’issue de la bataille a été ainsi scellée. La bataille de Điện Biên Phủ fut principalement une bataille d’artillerie et de logistique, transformant le GONO (Groupement opérationnel du Nord-Ouest) pour rayonner en haute région en un camp retranché. Du côté vietnamien, son but est à la fois militaire et diplomatique pour forcer l’adversaire à négocier en position défavorable.
Les combats d’infanterie étaient destinés principalement à maintenir la pression et démoraliser les défenseurs de la garnison qui ont perdu l’initiative dès le départ des premiers tirs d’artillerie.
Dans l’histoire de l’humanité, il y a seulement deux grands philosophes de la guerre : Sun Tzu à l’époque sanglante de Confucius et Carl von Clausewitz qui fut le disciple de Napoléon, le “boucher de l’Europe” dans la “guerre totale”.
- Pour Clauzewitz, “la guerre est l’utilisation illimitée de la force brute”. - Pour Sun Tzu, “la guerre est l’art de la tromperie”.
La confrontation entre ces deux modes de pensée sur la guerre s’exprime dans la “Guerre d’Indochine” (1945-1954) nommée aussi de “Première Guerre d’Indochine” pour l’indépendance suivie ensuite de la “Guerre du Viêt Nam” ou “Deuxième Guerre d’Indochine” (1955-1975) pour la réunification du Viêt Nam. La datation varie avec les origines aux répercussions lointaines ou à partir des causes immédiates à la cessation des hostilités. En effet, la fin de la Première a divisé le Viêt Nam en deux zones de regroupement militaires à réunifier par des élections référendaires deux ans plus tard en 1956, élections qui n’ont pas eu lieu et de sabotages en sabotages, cette réunification s’est effectuée par le droit de la force lorsque la force du droit des accords de Genève n’ont pas été mis en œuvre.
Ces deux guerres avaient un but politique clair d’indépendance et d’unité et les actions militaires servaient d’argumentation pour des négociations diplomatiques afin d’atteindre le but politique. Dans cette perspective, l’art de la tromperie est dans le “bluff.” du jeu de cartes nommé “Poker” dans lequel chaque protagoniste essaie de faire croire aux autres qu’il a la meilleure “main” à un moment opportun où moment signifie à la fois “instant” et “rapport de forces”. La partie vietnamienne pratiquait la guerre comme l’art de la tromperie, tandis que la partie française, et ensuite américaine, pratiquait la guerre comme l’utilisation illimitée de la force brute. Dans les deux cas de figure, l’aboutissement était l’indépendance du Viêt Nam en 1954 et l’unité du Viêt Nam en 1975. Il reste au Viêt Nam à faire son développement économique déjà en bonne voie, à la veille du XXIe siècle. En 1979, il y a eu aussi une courte “Troisième Guerre d’Indochine” aux frontières et du Cambodge et de Chine, plus connue dans le public par les médias sous le nom de “guerres pédagogiques” qui résultaient des lointaines querelles sino-sovétiques et de l'antique Contentieux sino-vietnamien dont le Viêt Nam avait à payer le prix de leur soutien dans les deux guerres précédentes pour son indépendance et son unité.
Les tactiques
La tactique française était défensive d’une garnison assiégée et entourée de collines aux pentes abruptes. Elle ne pouvait compter que sur des vaines contre-attaques de parachutistes à pied qui ne manquaient pas de courage et d’héroïsme. De hauts faits d’armes ont été chantés pour de jeunes gens envoyés à la boucherie. Ces contre-attaques ne pouvaient dépasser la ligne des sommets et durer longtemps par l’incapacité de les ravitailler et de les soutenir d’un appui–feu.
La tactique vietnamienne, au début, était un assaut frontal d’infanterie pour en finir au plus vite par des vagues d’assaut. Cette tactique s’avéra coûteuse pour des résultats minimes. La tactique vietnamienne suivante était celle des sièges, plus longue et moins coûteuse, avec des sapes et des tunnels d’approche pour lancer l’assaut final au plus proche. Le tout, de la stratégie à la tactique, a été planifié, organisé est mis en œuvre en fonction de la date d’ouverture de la Conférence de Genève où la diplomatie oriente et délimite les manœuvres militaires possibles.
Il appartenait à la division 308 du Général Vuong Thua Vu de donner le coup de grâce à la garnison française, division d'infanterie qui a été de toutes les batailles en "hautes régions", des "désastres" de Cao Bang et Lang Son en 1950 jusqu'à celui de Điện Biên Phủ. Ce fut aussi cette division 308 qui est entrée la première dans Hanoi libéré en 1955, de façon symbolique, comme la Division blindée du Général Leclerc à Paris libéré en 1944.
Conclusion
Au niveau politique, la bataille de Điện Biên Phủ est l’exemple de l’argument militaire pour soutenir les arguments diplomatiques dans les négociations pour terminer une guerre à la Conférence de Genève en juin 1954. [4]
Au niveau stratégique, Điện Biên Phủ est l’exemple d’une façon de déjouer les plans de l’adversaire, en annulant sa puissance de feu et ses avantages logistiques.
Au niveau tactique, Điện Biên Phủ est l’exemple de la méthode de Vo Nguyen Giap d’une affaire en 2 temps et 3 mouvements, le temps d’une préparation longue minutieuse suivi de celui d’une exécution rapide et complète. Les 3 mouvements sont celui d’un concerto qui est la lutte d’un instrument contre tous les instruments de l’orchestre, soit "rapide-lent-rapide" ou "lent-rapide-lent" suivant la situation fluctuante du champ de bataille. L'estocade a été donnée par la Division 308 du général Vuong Thua Vu pour la capitulation inconditionnelle de la garnison et la marche vers les lieux de détention des prisonniers de guerre. [5]
La bataille de Điện Biên Phủ est souvent un sujet d’étude dans les Académies militaires et les études militaires et stratégiques de politologie. Elle illustre le fait qu’une guerre soit à la fois diplomatique, militaire et politique comme l’a dit et écrit souvent Vo Nguyen Giap
Source : La bataille de Ðiên Biên Phú
La bataille de Diên Biên Phu
(13 mars – 7 mai 1954)
Ðiên Biên Phú était une bourgade située aux confins du Tonkin et du Laos. C’est dans cette cuvette de 16 km de long que s’acheva la guerre d’Indochine, le plus long conflit mené par la France au XXe siècle. Les troupes dites de l’Union française y affrontèrent l’essentiel du corps de bataille -viêt-minh. Chef de cette armée, le général Giap était décidé à enlever coûte que coûte cette base, dans la perspective de la conférence de Genève.
Le 13 mars 1954, Giap déclencha l’attaque. Mauvaise surprise pour les défenseurs : la puissance de l’artillerie ennemie qui, installée à flanc de colline, balayait la plaine de ses tirs. Le 17, le terrain d’aviation, poumon de la base, devint impraticable. D’emblée, le sort de Diên Biên Phu semblait scellé. Pour empêcher la défaite, Paris n’espérait plus que dans l’aide de l’aviation américaine. Finalement, le président D. Eisenhower renonça à cette intervention. Abandonnés à eux-mêmes, les Français n’avaient pas les moyens de sauver Diên Biên Phu. Giap procéda à l’étouffement méthodique du camp. Le 1er mai, il lança l’offensive finale. Diên Biên Phu tomba le 7 mai. Le lendemain s’ouvrait la phase de la conférence de Genève consacrée à l’Indochine …
Avec ses 55 jours de résistance désespérée, Diên Biên Phu fait partie des défaites héroïques de la France. Jusqu’à la fin, il se trouva des volontaires pour se faire parachuter sur le camp. Aux souffrances des blessés dont l’adversaire refusa l’évacuation durant la bataille s’ajouta le calvaire des prisonniers qui durent marcher des centaines de kilomètres dans la jungle en pleine saison des pluies et dont la moitié succomba. En 1954, la promotion de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr reçut le nom de « Ceux de Diên Biên Phu ».
Jacques Dalloz
historien, spécialiste de la guerre d’Indochine