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Mango65
Pour verser au dossier, voici un extrait du livre de Bernard Fall "Les deux Viet-Nam" publié en 1967 (page 46/47):
La population coloniale européenne lutttait de toutes ses forces contre toute libération du régime colonial. Presque toutes les améliorations éducatives et sociales - dans le domaine des conditions de travail, celui des enfants notamment, celui de la prévention de la tubérculose, etc. - qui étaient beaucoup plus importantes que les améliorations consenties par n'importe quelle autre puissance coloniale, furent réalisées malgré l'opposition et les pressions exercées par les Européens. C'est ainsi que la décision du gouvernement français d'autoriser les Vietnamiens à devenir officiers dans l'armée régulière française, même avant 1914, fit se récrier un riche colon:
"Ou bien ils seront dignes d'être des officiers français, et alors leur plus haut idéal sera de libérer le sol de leur patrie et leur plus noble effort consistera à nous rejeter à la mer; ou bien ces gens se contenteront de toucher leur solde et de porter un bel uniforme en conservant une âme de subalterne - et dans ce cas, je ne veux pas d'eux comme officiers de l'armée française."
Et trente-cinq ans plus tard, les officiers vietnamiens qui servaient dans l'armée française appartenaient exactement à ces deux catégories... De toute façon, les Vietnamiens de l'armée française se battirent bien, mais tandis que les Pakistanais, les Hindous et les Marocains, par exemple, sont à juste titre fiers de leurs exploits militaires sous la bannière coloniale, toute expression de cette fierté est aujourd'hui bannie avec soin à Saigon (note: capitale, à l'époque de la parution de ce livre, du Vietnam du Sud).
Pourtant, l'un des "as" de la première guerre mondiale était vietnamien; un autre, le capitaine Do Huu Vi, fut tué en menant une unité française à l'assaut dans le secteur de Verdun. Et en 1945, un commandant français du nom de Vinh-San fut tué en un accident aérien. Il était détenteur des plus hautes décorations, et notamment de la Croix de Compagnon de la Libération. Or, le commandant Vinh-San n'était autre que l'empereur du Viet-Nam, Duy-Tan, qui avait été détroné par l'administration coloniale en 1917 à cause de ses activités anti-françaises! Comme le maréchal Ayub-Khan, du Pakistant et le général El-Kittani, du Maroc (qui, colonel de l'armée française, perdit une jambe à Cassino), Duy-Tan a porté les armes pour le service de la puissance coloniale, sans toutefois oublier "son devoir le plus noble".