Sur cet article de l'Express du début d'année 2010, vous avez "la fameuse photo"
[ Cambodge 1975: l'affaire de l'ambassade de France est relancée
Par Philippe Broussard,
publié le 26/01/2010 à 16:30 - mis à jour le 26/01/2010 à 17:43
Dans quelles conditions plusieurs dignitaires cambdogiens réfugiés à l'ambassade de France à Phnom Penh en avril 1975 se sont-ils ensuite retrouvés prisonniers des Khmers rouges?
ullstein - dpa
Cette photo est un élément important, mais contesté, de l'enquête.
On y voit deux gendarmes français (à dr.) et le président de l'Assemblée nationale cambodgienne, Ung Boun Hor (au centre).
L'Express a retrouvé l'homme au premier plan (de dos). Un témoin décisif.
L'enquête sur la disparition, en avril 1975, à Phnom Penh (Cambodge), du président de l'Assemblée nationale cambodgienne, Ung Bun Hor, doit être relancée. Ainsi en a décidé, mardi 26 janvier, la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris. Cette décision, prise au terme d'une procédure juridique complexe, donne un nouveau souffle à ces investigations (>> longue enquête dans L'Express, au printemps 2009).
Alors que le dernier juge en charge de ces investigations s'était déclaré "incompétent" pour traiter un tel dossier international, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a estimé le contraire. Pour elle, la justice française peut, et doit, s'occuper de cette affaire, même si l'évenement principal a eu lieu à l'étranger. Dans les semaines à venir, le dossier devrait donc repartir au tribunal de grande instance de Créteil, où la veuve d'Ung Bun Hor avait porté plainte contre X, le 3 novembre 1999, pour "crimes contre l'humanité commis par les Khmers rouges entre 1975 et 1979 " ainsi que pour "séquestration, assassinat, actes de torture et de barbarie".
Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac auditionnés?
Près de trente-cinq ans après les faits, la question est de savoir dans quelles conditions Ung Bun Hor, réfugié à l'ambassade de France avec d'autres dignitaires du régime déchu, s'était finalement retrouvé aux mains de ses adversaires, les Khmers rouges, donc promis à une mort certaine. Sa veuve est persuadée que les diplomates Français l'ont remis à ses "bourreaux" sur ordre de Paris.
L'enquête de L'Express, menée sur la base de documents confidentiels de l'époque, a permis d'identifier toutes les personnes informées de ce dossier sensible, aussi bien sur place qu'à Paris. Certains de ces documents avaient pour destinataires les plus proches conseillers du président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, et du premier ministre, Jacques Chirac. Les avocats de Mme Ung pourraient demander leur audition par la justice, ainsi que celle des signataires des télégrammes diplomatiques échangés dans ces jours d'extrême tension, quand l'ambassade, encerclée par les révolutionnaires communistes, était devenue le refuge de centaines de personnes, de toutes nationalités.
"Mon but est plus que jamais de rendre justice à mon mari"
Interrogée par LEXPRESS.fr, Mme Ung se dit "très heureuse de cette décision. Tout cela me redonne l'espoir de connaître un jour la vérité, indique-t-elle. J'ai également le sentiment d'être enfin reconnue en tant qu'être humain. On estime que j'ai le droit de mener ce combat judiciaire. Mon but est plus que jamais de rendre justice à mon mari, et d'honorer sa mémoire." L'un de ses avocats, Me Patrick Baudoin, voit là un succès hautement symbolique: " c'est le signe d'une évolution positive des juridictions françaises, prêtes à se reconnaître compétentes sur des sujets pour lesquels elles faisaient preuve, par le passé, d'une grande timidité."
Dans un livre paru en octobre 2009 (Rouge Barbare, éditions Res Publica), Mme Ung accuse des ressortissants français présents à l'ambassade, alors placée sous l'autorité du vice-consul Jean Dyrac, d'avoir remis son mari aux Khmers rouges. Jean Dyrac, interrogé par la police, a contesté cette version des faits, affirmant que les personnalités cambodgiennes avaient décidé elles-mêmes de se rendre. Certains témoignages, recueillis par L'Express mais aussi par Le Monde (en 2007), permettent d'en douter. ]