Une Australienne adepte des arts théâtraux vietnamiens
"Mes connaissances sur le +tuông+ et le +chèo+ sont autant d'atouts dans ma vie active". L'auteur de cette phrase est une jeune australienne, Eleanor Claphan, qui se passionne pour les arts théâtraux traditionnels vietnamiens.
Toujours souriante, une fossette sur la joue, des yeux noirs brillants, des boucles blondes tombant en cascade sur les épaules... Eleanor Claphan, une Australienne de 23 ans respire la vivacité. Fraîchement diplômée de l'École des arts de Wollongong, Eleanor Claphan s'est spécialisée dans les opéras et ballets. Depuis peu, elle suit les cours de l'École des arts scéniques et cinématographiques du Vietnam, à Hanoi, section chèo, un théâtre populaire vietnamien qui combine le chant et la danse, accompagné de musique.
Elle parle vietnamien "à la vietnamienne", du vocabulaire à l'accent en passant par l'intonation. Une taille svelte et fine qui ne la distingue pas du reste de ses camarades vietnamiennes. "J'aime bien le nom Hoàng Lan que mes amies m'ont donné. Un joli surnom, issu d'une fleur que j'adore - l'orchidée (Lan) - et de mes cheveux blonds (Hoàng)", confie-t-elle.
Aujourd'hui, les jeunes étudiantes entourent la professeur Thanh Tuyêt. L'exercice consiste à interpréter un personnage très typique du chèo antique, Xuy Vân simulant la folie. Sur la petite scène, Eleanor Claphan joue son rôle à la perfection, faisant revivre cette jeune femme qui, malheureuse dans sa vie conjugale, feint de perdre l'esprit pour pouvoir s'exprimer en toute liberté. Les confidences chantées - en vietnamien bien sûr - et les danses de Xuy Vân sont interprétées presque "comme il faut" par la blonde australienne.
Diplôme universitaire obtenu grâce au tuông
"Les airs mélodieux du +chèo+, comme ceux du +tuông+ (théâtre classique), m'ont ensorcelée dès ma première écoute", révèle Eleanor Claphan. Un coup du "destin" comme elle le résume. Un jour, son école invite un mime vietnamien, Lê Duy Binh, adepte du tuông. La danse et la musique captive dès la première note la jeune fille. "J'ai tout de suite décidé de suivre un cours intensif de vietnamien, dans l'intention d'aller apprendre le +tuông+ au Vietnam", explique-t-elle. Le professeur Dinh Thi, qui effectue alors des études post-universitaires en Australie, l'introduit auprès des professeurs de l'École des arts scéniques et cinématographiques de Hanoi.
Le tuông, avec ses airs tout en nuance, ses gestes très figuratifs et ses paroles si conformes à l'esprit théâtral vietnamien est une forme d'art très complexe, même pour les étudiants vietnamiens. Alors pour une Australienne... "On peut facilement s'imaginer les difficultés qu'Eleanor Claphan a dû surmonter. Mais elle a réussi à nous convaincre par ses qualités : une grande ferveur, une énergie ferme, une persévérance sans borne et un talent naturel", observent ses maîtres vietnamiens. Eleanor Claphan remarque que "plus j'apprends ce chant, plus je le trouve intéressant". Elle ajoute dans un sourire : "C'est avec les scènes de +tuông+ que j'ai réussi à décrocher mon diplôme de l'École des arts de Wollongong".
Amour partage avec le chèo
Lors de son séjour au Vietnam, la jeune Australienne a la chance d'être hébergée par Mme Thanh Tuyêt, professeur de chèo à l'École des arts scéniques et cinématographiques. Souvent, elle l'accompagne au théâtre voir des pièces de chèo ou la suit lors de ses cours. "Je suis sous le charme des mélodies du +chèo+. De surcroît, les mouvements chorégraphiques de cette danse folklorique sont tout simplement splendides mais aussi proches de la chorégraphie contemporaine", observe Eleanor Claphan. Elle devient depuis une adepte du chèo.
La jeune Australienne fait part de son émotion devant les tristes destins des héroïnes vietnamiennes de jadis. "Je ressens le malheur impartageable de Thi Kinh et la soif d'amour de Thi Mâu", les 2 principaux personnages de la pièce La déesse Thi Kinh qu'elle a pu actuellement interpréter à la perfection. Pour la professeur Thanh Tuyêt, les efforts de Eleanor Claphan sont "admirables". Elle cherche systématiquement à saisir toutes les paroles des personnages, y compris les mots démotiques (sino-vietnamiens) utilisés dans les pièces classiques. Puis, elle consacre de longues heures à reproduire parfaitement les expressions du chèo qui veut que les acteurs parviennent à communiquer avec les spectateurs par les yeux, la mine et le corps. Eleanor Claphan espère aussi apprendre à jouer du tambour, cet instrument qui accompagne tous les chants du chèo. Emue, Mme Tuyêt a élaboré pour sa studieuse élève un cours par correspondance des airs et danses du chèo, "pour qu'elle puisse, à l'avenir, apprendre le +chèo+ à d'autres Australiens, comme elle le désir ".
Ma dot ? La culture vietnamienne
Pour s'en aller vivre au Vietnam, Eleanor Claphan a cumulé les petits boulots en Australie. Insuffisant toutefois. "J'ai alors demandé à ma grand-mère de m'avancer la +dot+ qu'elle réservait à mon mariage", explique-t-elle. Elle sait que quel que soit son avenir, la culture et les arts traditionnels du Vietnam l'accompagneront toujours dans sa vie professionnelle. "Les connaissances que j'ai acquises au Vietnam sont en quelque sorte ma +dot+. Le théâtre Bennu, très renommé en Australie, est dirigé par le metteur en scène néerlandais Bert Van Dyke. Il m'a promis un poste quand je reviendrais. J'espère y monter un programme de +tuông+ et de +chèo+ ", assure-t-elle, confiante. L'idée semble fort plausible, le théâtre Bennu compte en effet dans son répertoire des spectacles "exotiques", dont les danses traditionnelles du Japon et de l'Inde.
Dans un avenir lointain, Eleanor Claphan rêve de créer au Vietnam une troupe inédite, une combinaison entre les danses et chants contemporains mondiaux et les arts folkloriques Vietnamiens.
Nghia Dàn/CVN
( 10/09/06 )