Deux poèmes de Paul Schneider (Xuân Phuc Eurasien), il a traduit Kim van Kieu, il a conseillé Yveline Féray pour son livre Dix mille printemps.Spécialiste du nôm et poète
L'OFFRANDE DU BETEL
La prière, l'encens et la flamme étonnée
Sauront-ils revêtir d'un voile de chaleur
Celle qui, dans les plis de jours sans épaisseur,
Solitaire vécut, mourut abandonnée?
L'amertume des mers dans un coeur cantonnée
A-t-elle pu laver son visage en sueur?
Le silence compris, à l'austère grandeur,
Rachète-t-il enfin une âme ran\onnée?
Voici la noix d'arec, l'écorce et le bétel
Sur le plateau rangés dans l'ordre habituel.
Comme aux jours d'autrefois dont renaît l'innocence,
Sur le vieux lit de camp qui reluit tu t'assois.
Comme autrefois, je vien près de toi en silence
Et tu me souriras, Mère, comme autrefois.
TORT ET RAISON
Car ils ont tous raison une fois qu'ils sont morts
Ceux en kaki vêtus et ceux vêtus de noir,
Ceux fauchés au matin et ceux frappé le soir
D'autres peuvent penser que tous ils ont eu tort.
Voici que la fièvre des combats est tombée
Et que s'apaise enfin cette grande querelle.
Sont-ils si diffèrents dans la nuit fraternelle?
Où donc sont les grands mots, la poitrine bombée?
Tous pêle-mêle, tous allongés dans le nombre
Indistinct, nus, ayant enfin brisé leur chaîne,
Eux qui furent l'amour et qui furent la haine,
Ne sont plus à présent qu'une seule et même ombre.
Les nôtre et les leurs, nos frères et les autres,
Tous pareils, tous unis dans leur sommeil d'apôtres,
Le glaive flamboyant les a sous lui groupés
Pour le même combat,- qui sait?- ils sont tombés
Ne les séparons pas, car rien ne les sépare
Désormais, dans leur dernière étreinte barbare,
Et qu'ils aient eu raison ou bien qu'ils aient eu tort,
Ils sont tous nos frèfres maintenant qu'ils sont morts.