George W. Bush se rendrait au Viêt Nam pour une visite officielle à l’occasion du forum de Coopération Economique Asie-Pacifique (APEC) qui se tiendra au mois de novembre à Hanoi.
Bien que la plainte des victimes vietnamiennes soit un procès civil contre des sociétés civiles étasuniennes, ces dernières n’hésitent pas ouvertement à faire appel au pouvoir politique américain pour stopper cette procédure. Une délégation américaine menée par Donald Rumsfeld s’est déjà rendu à Hanoi le 4 juin 2006 : « Pas d’indemnisation des victimes vietnamiennes de l’Agent Orange » était le message. Lors de cette visite de quatre jours, Donald Rumsfeld et son homologue vietnamien, Pham Van Tra, ont alors décidé de développer une coopération militaire bilatérale.
Cette délégation étasunienne à Hanoi avait été précédée par la visite de l’amiral Joseph Prueher, commandant des forces américaines en Asie-Pacifique. L’amiral avait proposé à ses interlocuteurs manœuvres communes, échanges d’équipements, de personnels et exercices tactiques dans le cadre d’une coopération militaire entre le Viêt Nam et les Etats-Unis, suite à la visite officielle du Premier ministre vietnamien, Pham Van Khai, en 2005 à Washington. Visite qui visait alors à accélérer l’entrée du Viêt Nam dans l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) dont les USA ont la clé.
Mais, manifestement, tout a une contrepartie. Depuis la reprise des relations entre les Etats-Unis d’Amérique et le Viêt Nam au milieu des années 90, le Viêt Nam est demandeur. Hanoi frappe à la porte de l’OMC et les Etats-Unis qui, silencieusement souhaite cette entrée, bloquent la porte avec le pied tant que le Viêt Nam prétendra à une indemnisation de ses victimes de l’Agent Orange, bâillonnant ainsi Hanoi qui ne peut pas crier haut et fort l’injustice subie et supportée par ses victimes.
La Cour d’Appel de New York qui devait se prononcer sur la recevabilité de la plainte des victimes vietnamiennes de l’Agent Orange au mois de mars 2006 a repoussé sa décision au mois de juin, date à laquelle la délégation américaine de Donald Rumsfeld s’est rendue au Viêt Nam. Aux dernières nouvelles, cette Cour d’Appel a repoussé de nouveau son jugement et devrait se prononcer entre le 05 août... et le 05 décembre 2006 : voilà qu’entre ces deux dates Bush et Rice se rendraient au Viêt Nam dans le cadre d’un forum économique. Sans compter que ces deux-là ne sont pas des spécialistes en Economie, le calendrier des visites de ces « responsables » étasuniens au Viêt Nam seraient étonnement synchronisé avec les reports de la Cour d’Appel de New York.
Si Bush arrivait au Viêt Nam après la décision de la Cour d’Appel de New York, il l’expliquerait. S’il arrivait avant, il préviendrait de nouveau comme l’a déjà fait la délégation conduite par Donald Rumsfeld au mois de juin 2006. Mais peut-être que la Cour ne se prononcera jamais et que Bush le fera pour elle. A moins qu’en échange du retrait de la plainte des victimes de l’Agent Orange les USA « aideraient » les Vietnamiens face à la Chine dont ils partagent la méfiance, ennemi endémique du Viêt Nam. Une Amérique détournée a bien déjà « aidé » les islamistes contre l’Armée rouge en Afghanistan, la suite, on la connaît. Cette Amérique détournée a bien « soutenu » l’Irak quand celui-ci était un rempart aux hayatolas, la suite, on la sait aussi.
Le Viêt Nam n’a pas changé de place et il est toujours un haut lieu de la géostratégie étasunienne. Et les victimes de l’Agent Orange dans tout ça ? Cette pomme de discorde entre Hanoi et Washington serait-elle devenue la charnière des relations bilatérales entre les USA et le Viêt Nam? A l’inverse, si les victimes de l’Agent Orange venaient à être dédommagées, cette compensation ne serait-elle pas une monnaie d’échange à une emprise de l’Armée américaine sur le sol vietnamien sous prétexte de coopération militaire? Des bases de l’Armée américaine pourraient ainsi parachever l’encerclement de la Chine et de l’Inde, à deux pas de la Corée du Nord. Les Etats-Unis d’Amérique ne se serviraient-ils pas de ses précédentes victimes pour en guetter d’autres ?
* André Bouny, père d’enfants vietnamiens, président du « Comité International de Soutien aux victimes vietnamiennes de l’Agent Orange et au procès de New York » (CIS).
Source :
Bellaciao