Giac mo la cong nhan (Rêves d’ouvrières)
58 min, Viêt-nam, prod. Ateliers Varan Viêt-nam, 2006
Réalisation : Phuong Thao Tran
Production : Ateliers Varan Vietnam
6 impasse Mont-Louis
75011 Paris
Tél. : +33 (0) 1 43 56 64 04
Chaque matin, ces filles de la campagne venues chercher fortune à Hanoï sont des milliers à quitter la banlieue pour se rendre à pied, au milieu des voitures et des motos, à leur travail ou à la recherche d’un emploi au pays de Cocagne, la florissante zone industrielle japonaise. À la réalisatrice qui l’interroge sur sa condition, l’une d’elles répond de laisser là la caméra et de venir s’asseoir à côté d’elle pour qu’elle puisse « lui parler comme à une soeur ». Elle indique du même coup deux choses : que la réalisatrice a son âge, et qu’il est des pensées qu’on confie à une soeur complice dans le chemin de la vie, mais qu’on tait devant une caméra – et un micro – qui sont des instruments de pouvoir. La réalisatrice s’assoit aussitôt à côté d’elle. La caméra ne quittera guère cet espace-là. Tout au plus, le champ s’élargira-t-il à la chambrée, à la petite cour, à une rue dehors. À sa façon, le dortoir est un personnage du film : les héroïnes y confient, entre fous rires et larmes, leurs émotions du jour, leurs espoirs de demain, leurs joies et leurs colères. Il est le miroir au creux duquel toutes les contradictions du Vietnam moderne, du monde extérieur, se déposent et se dénoncent. Le tableau que les jeunes filles dressent des bienfaits de la mondialisation a beau être sinistre, aucune des épreuves qu’elles rencontrent n’entame leur détermination, leur appétit de vivre. Elles sont sûres du bien-fondé de leurs droits, de leur sens de la justice. Elles partent à l’assaut de la mondialisation avec indignation, une inébranlable confiance, et espièglerie. Leur belle énergie, elles ne la trouvent ni dans la propagande officielle ni dans le miroir aux alouettes de la société de consommation, mais au plus profond de la société vietnamienne, dans la démocratie de base des communautés villageoises et la puissance des liens familiaux.
Projection dans le cadre du 29e édition de Cinéma du Réel au Centre Pompidou à Paris
Samedi 10 mars 16h, Cinéma 1
Lundi 12 mars 16h, Petite salle – débat
Kien
37 min, Viêt-nam, prod. Ateliers Varan Viêt-nam, 2006
Réalisation : Dao Thanh Tung
Image : Dao Thanh Tung
Son : Nguyen Hong Long
Montage : Aurélie Ricard
Production : Ateliers Varan
6 impasse Mont-Louis
75011 Paris
Tél. : +33 (0) 1 43 56 64 04
www.ateliersvaran.com
Kien a été chassé des Beaux-Arts de Hanoi parce qu’il était séropositif. La peinture est devenue son refuge. Ses amis essaient de lui témoigner leur compassion, mais la douleur ne se partage pas. « Si nous pleurons dans un même verre, les larmes ne se mélangent pas ». Le film est comme ces amis, il aimerait témoigner, il est convaincu que si les gens connaissaient l’histoire de Kien, ils cesseraient de le rejeter, le regard sur sa séropositivité changerait, et que si sa souffrance était mieux connue, elle s’en trouverait d’autant atténuée.
Kien accepte de raconter son histoire, mais seulement hors caméra. Coupe du plan et apparition du réalisateur aux côtés du peintre. Dans le trou : l’histoire de Kien, le sujet du film. Kien refuse les larmes du cinéaste. C’est alors en rendant compte de l’erreur de sa démarche, pas à pas, que le film renaît de ses cendres, tel le phénix, et rencontre son vrai sujet. Kien dit qu’il ne peut peindre que la souffrance. Son pinceau dessine un visage qui n’est qu’un cri, puis l’ombre d’un deuxième visage : un cireur de chaussures et une prostituée. « Qui est le plus malheureux ? » D’avoir souffert ouvrirait donc à la souffrance des autres. Mais là où le réalisateur voit dans l’oeuvre un pont entre deux souffrances, celle du modèle et celle du peintre, et conçoit son film comme un trait d’union entre la douleur du peintre et le public, Kien, lui ne voit qu’une douleur, absolue, la sienne, qui s’est substituée à tous les aspects de la vie et qui, en le détruisant de l’intérieur, ne cesse de le séparer des autres. Sa peinture, que ses amis ne comprennent pas, ne parle que de séparation, de perte. Non seulement la douleur ne se partage pas, mais elle coupe. Elle ne sait faire que ça, séparer : de l’école, des collègues, des femmes aimées, du travail. Ce n’est que quand la coupe atteint de plein fouet la structure narrative même du film que la souffrance de Kien peut éclater.
Projection dans le cadre du 29e édition de Cinéma du Réel au Centre Pompidou à Paris
Mercredi 14 mars 18h30, Cinéma 1
Lundi 12 mars 18h15, Cinéma 2 – débat
Source : cinereel.org/