Réalisateurs : Doan Minh Phuong, Doan Thanh Nghia
Acteurs : Truong Ngoc Anh, Nguyen Nhu Quynh, Nguyen Manh Thang...
Việt Nam 2005 / 114mnC’est un film qui raconte une histoire populaire ancienne du Vietnam, la portant presque au rang de légende, où une femme est montrée défiant la société entière et ses interdits. Il y a 200 ans au Vietnam, Tuy, sur son lit de mort, raconte à son fils adoptif Hien, qui était sa mère et comment elle a vécu. 17 ans auparavant, la mère de Hien fut ostracisée par son village pour avoir osé concevoir un enfant en dehors des liens du mariage et ignoré ou refusé d’admettre qui était le père. Selon la coutume séculaire, le bébé doit être mis à l’eau et charge aux dieux de décider du destin de ce nouveau Moïse. Quant à la mère après avoir été rasée et couverte de chaux, on la bannit du village et elle est condamnée à errer pour le restant de ses jours. C’est donc la sentence qui est infligée à Ly An. Mais ce jour là, comme si les dieux avait été offensés, l’orage éclate et des villageois sont tués sous la foudre. Mais l’histoire de Tuy s’arrête là. Il rend son dernier souffle. S’ensuit alors pour Hien une longue quête à la recherche de la vérité pendant deux ans jusqu’au jour où il parvient à une pagode tenue par un moine.
- Meilleur film asiatique au Festival du Cinéma de Bangkok 2006
- Prix Spécial du Jury au Festival international du film de Rotterdam (Hollande)
- Prix du meilleur premier film au 10ème Festival international du Film de Kerela en Inde
- Ce film avait été présenté au dernier festival du film asiatique de Deauville.
Le scénario de Bride of Silence est très habile. A l’instar de l’autre film vietnamien A journey from the Fall, il est structuré selon trois histoires imbriquées en montage parallèle qui se font écho. Et on arrive rapidement à prendre ses repères après quelques instants de confusion. Ce film aborde plusieurs thématiques. D’abord celle d’un Vietnam ancestral enraciné dans ses croyances. La sentence est très codifiée, rituelle. On est dans une période encore clanique et déiste où chaque village a ses propres règles. Le bouddhisme n’a pas encore marqué le pays de son empreinte. L’autre aspect de ce film est de montrer une situation presque idéale de cohabitation entre une femme, trois hommes et un enfant dont l’amour sera partagé. Mais l’ambiguïté de cette situation ne durera pas longtemps. Après trois ans, des conflits naissent et mèneront la cellule familiale reconstituée à exploser. La double explication donnée chacune par un des deux frères de Tuy est l’illustration de cette volonté d’appropriation de l’histoire de Hien et de sa mère .
Le sort de sa mère est masqué au jeune homme jusqu’à ce qu’il le découvre par lui-même. Enfin ce film est d’abord et avant tout le portrait d’une femme courageuse qui ose défier les convenances et la société pour conserver sa liberté. En cela on pourrait le caractériser de féministe. En fait, plusieurs personnages féminins forts ont existé et existent au Vietnam actuellement. Ils ne sont pas encore décrits, voilà tout. Et plus que de féminisme, c’est de dignité humaine qu’il faudrait parler. Ly An refuse de parler, pour conserver sa dignité et sa part d’intimité qu’on essaie de lui voler. Truong Ngoc Anh dans ce rôle est digne, hiératique. Elle porte sur ces épaules ce qu’elle a porté avant, dans son ventre, une incroyable volonté d’exister. L’enfant qui joue Hien à trois ans comme l’adolescent qu’il est à 17 ans sont amusants, curieux et émouvants. Hien se lance à la recherche de « ce qu’il ne sait pas », tel un philosophe. Tuy est responsable et fou d’amour, un amour qu’il sait cacher mais retranscrit dans ses sculptures
Le jeu des acteurs rend donc l’intrigue authentique et témoigne de la culture vietnamienne : les émotions cachées, retenues. Une certaine pudeur dans la façon de filmer et une photo pâle et délavée, brumeuse, est typique des atmosphères vietnamiennes. La musique de la troupe jusqu’à la musique de Bach (la musique du film est signée Nguyen Xuan Son) est traditionnelle et se prête à merveille à un monde isolé, ancré dans ses croyances. L’ensemble a été enregistré à Saigon, y compris la musique classique. Ce film filmé et produit par des Viet Kieu revenus au pays au début des années 90 a nécessité 10 ans de recherches et de réflexion pour être tourné. Il sait marier la tradition vietnamienne et une écriture intelligente qui ne crée aucune longueur rébarbative. Espérons qu’il sera visible dans nos contrées très bientôt. La fin filmée de manière très imagée et poétique rend le film encore plus mystique. Pour une fois cette fin en est vraiment une. Hien est parvenu au bout de sa quête, à laquelle, je vous invite à l’accompagner.
Source : Cineasie