Bonsoir TLM
j'ai assisté ce soir à la rencontre de Duong Thu Huong avec une journaliste, et une comédienne qui lisait de passages de son dernier livre.
j'ai demandé à la responsable de la médiathèque de me prévenir (dans 3 semaines à peu près) dès que l'enregistrement de cette rencontre sera en ligne, je le posterai sur FV. ainsi que quelques photos (si le jeune homme assis devant moi tient ses promesses)
Duong Thu Huong est une personne très vive, simple et sympathique avec pas mal d'humour, et très déterminée à mener le combat pour la démocratie.
ça fait du bien de rencontrer des gens comme elle, elle me rappelle par certain côté le Dr Hoa
L'indomptable Dr Hoa
Par Festraëts Marion, publié le 21/08/1997
Fille de bourgeois saïgonnais, elle apprend la médecine pour servir son pays. Après avoir résisté à l'occupant français, elle combat les fantoches du Sud. Aujourd'hui, elle s'oppose au régime communiste avec la même détermination. Mais qui oserait la toucher?
On l'appelle Dr Hoa. Au Vietnam, personne n'ignore son nom, son histoire et sa prodigieuse collection de porcelaines. Héroïne de la libération et dissidente du régime communiste, voilà vingt ans qu'elle voue sa vie aux enfants de la réunification. Elle fait construire des hôpitaux, des orphelinats. Sa vie est inscrite dans celle de son pays, belle et romanesque, torturée. Aventureuse.
Médecin, bourgeoise, vietcong et ministre de la Santé du gouvernement clandestin, aujourd'hui rebelle, Hoa a toujours lutté pour ce qu'elle croyait juste. Son père, épris de littérature et de porcelaine fine, a élevé ses six enfants dans le culte de la liberté: «Il disait que nous avions le nationalisme dans le sang.» Comme l'arrière-grand-père, qui entraînait déjà l'armée vietnamienne à combattre l'occupant français... Une sorte d'hérédité, depuis la fuite des ancêtres chinois de ces héritiers de la dynastie Ming, chassés du pouvoir par les Mandchous au XVIIe siècle.
Née en 1930 dans l'encens et la soie de la haute société saïgonnaise, Hoa est la benjamine d'une fratrie de six enfants. Elle grandit entre une mère «toute tendresse» et ce père sévère et libéral. Fier de ses origines, le professeur enseigne les idéogrammes, mais refuse de dresser l'arbre généalogique de son illustre ascendance, de crainte d'y trouver quelque butor sanguinaire, comme cet ancêtre mandarin qui se fit enterrer avec quatre khmers vivants. Le père chéri inculque à Hoa la fièvre de l'indépendance: «Nous n'avions rien contre les Français. Seulement nous trouvions injuste qu'ils décident pour nous.»
Son père donne des cours au lycée français de Saigon, où se côtoient les fils de colons et les enfants de la bourgeoisie locale. Hoa fait sa scolarité dans cet établissement réservé aux garçons. Elle potasse le latin et le grec, et s'imprègne d'une triple culture, chinoise, vietnamienne et occidentale: «Si tu veux affronter les Français, tu dois le faire à armes égales», lui répète son père. A 18 ans, elle aimerait étudier la littérature. Il l'en dissuade: «Deux métiers te feront aimer de ton peuple: professeur ou docteur. A qui vas-tu enseigner la langue des Français quand ils seront partis? Médecin, tu seras utile à ton pays.» Elle sait qu'il a raison. Elle plie et rejoint son frère et ses soeurs à Paris. Un privilège rare quand, de même qu'ailleurs, on cantonne plutôt les femmes à leurs rouleaux de printemps. Lui estime que ses cinq filles doivent travailler, comme les hommes, et qu'il sera bien temps ensuite de trouver un mari.
Durant son internat, Hoa adhère au PCF. Elle rencontre les Joliot-Curie, Picasso, Eluard. Voiture, appartement..., elle mène une vie d' «étudiante de luxe», mais n'oublie pas la lutte pour la libération de son pays. En 1954, au lendemain des accords de Genève, elle termine sa pédiatrie et rentre à Saigon. Son père héberge les rencontres secrètes des compagnons de Ho Chi Minh. Cadre clandestine de la révolution, vice-présidente de la Croix-Rouge et du conseil de l'ordre des médecins, elle noyaute les milieux médicaux. Et, de bals en réceptions, de valses en cocktails, elle tient son rôle de mondaine pour donner le change. En 1960, elle est arrêtée et emprisonnée deux mois. A travers les portes closes, les hurlements de ses compagnons d'armes la martyrisent plus sûrement que les coups. Elle voit le corps supplicié d'un camarade tranché en deux et jeté à la poubelle. On croit la dissuader de mener son combat. Elle en sort galvanisée: «La haine appelle la haine.» Aucune blessure ne la fera renoncer. Pas même le meurtre de son frère, devenu avocat pour plaider la cause nationaliste.
En 1968, trois jours après l'offensive du Tet, Hoa rejoint le maquis. Elle a 38 ans. Franc-tireur d'un parti dont elle ignore la vie de cellule, elle n'obéit aux ordres que s'ils lui plaisent. On lui cède. La révolution a besoin de cette intellectuelle pour rallier la population de Saigon. Dans le maquis, elle rencontre Nghi, l'amour de sa vie, un mathématicien qui a rejoint la cause mais n'adhérera jamais au communisme. Ils ne se quitteront plus. Le Parti blâme leur mariage, pour lequel ils n'ont pas demandé d'autorisation. Deux ans plus tard, Hoa accouche d'un garçon. Pour lui elle aura peur. Une seule fois dans sa vie. Quand, son nourrisson dans les bras, elle traverse les combats sur la frontière cambodgienne. A 7 mois, le bébé, malade, est envoyé chez les parents de Hoa pour se faire soigner. Confié à des partisans, il succombe en chemin. Pendant des semaines, on cache sa mort à Hoa et à Nghi: «Nos cadres craignaient qu'en l'apprenant nous ne perdions notre détermination!» Elle ne leur pardonnera jamais. Jusqu'en 1974, ministre de la Santé du gouvernement provisoire, elle siège au comité central, organise les hôpitaux à l'arrière du front, soigne les blessés dans des salles d'opération de fortune, creusées sous terre. En 1973, on l'envoie plaider la cause nationaliste à travers le monde. Imprévisible, elle jette les discours tout faits et récrit ses déclarations. Incontrôlable.
En 1976, après la réunification, c'est la rupture. Ecoeurée par l'obscurantisme de ses anciens frères d'armes, elle démissionne du gouvernement, quitte le Parti et, à nouveau, entre en résistance. Elle dénonce les camps de rééducation, la guerre au Cambodge, la corruption: «J'ai toujours été riche, ça m'a rendue intègre. Parce que j'avais tout, on n'a pas pu m'acheter. Les autres étaient pauvres, faciles à tenter.» A leur intention, elle reprend un mot de son père, déçu: «Avant, vous étiez purs et durs. Aujourd'hui, vous n'êtes plus que durs.» Désormais, les époux vivent sous la menace. A tout moment, ils peuvent être calomniés, emprisonnés, tués. Ils ne partiront pas: «Au maquis, on accepte la mort. Depuis trente ans on vit avec.»
Pourtant, Hoa ne garde ni rancoeur ni rancune. Elle ne veut plus venger son frère assassiné: «Je sais que son meurtrier vit aux Etats-Unis. Mais pourquoi faire souffrir encore?» Au maquis, Hoa avait reçu une arme. Elle ne s'en est jamais servi.
>Bio express
1930: naissance à Saigon.
1948: part étudier la médecine à Paris.
1954: rentre au Vietnam.
1959: adhère au Parti communiste vietnamien.
1968: rejoint le maquis et rencontre son mari.
1969-1975: ministre de la Santé du gouvernement révolutionnaire provisoire.
1976: démissionne du Parti communiste et de son poste au gouvernement.
1978: création du Centre pédiatrie, développement et santé.
Juillet 1997: France 2 diffuse un documentaire sur Hoa, réalisé par Jocelyne Saab.
le docteur Hoa est décédée le 26 février 2006