Note d’intention
Supposons que nous nous relaxions en regardant des poissons dans un aquarium : des grands et des petits poissons partagent un espace réduit.
Ils ont soif de nourriture et de reproduction mais ils ne sont pas conscients de ce que cela représente.
Imaginons qu’un être d’une autre époque et d’un autre espace observe la vie humaine, de la même façon que nous regardons les poissons. Est-il lui aussi chargé de désir?
Les gens sont chaque jour confrontés à leurs désirs car ceux-ci font partie du moindre détail de leur vie. Ce sont eux qui nous font agir et induisent des comportements, ils affectent à la fois les sentiments et l’esprit.
C’est le thème du film “Bi, n’aie pas peur !”.
Chaque membre de la famille de Bi vit avec son propre désir : le père désire faire l’amour avec sa masseuse; le grand-père malade ne veut pas mourir et désire éliminer la souffrance qui le ronge; la mère désire être aimée par un homme qui prenne soin d’elle; la tante désire l’étudiant qui a la moitié de son âge; et même Bi, l’âme innocente, est plein de désir.
Mon propos n’est pas d’analyser l’origine du désir ou de trouver l’issue finale du désir chez l’être humain, car c’est le propos de la sociologie, la psychologie, la philosophie.
Dans ce film, je veux souligner la force des sentiments qui concernent le désir. Le désir est partout et tout spectateur peut l’entendre, le sentir, le ressentir. C’est la raison pour laquelle tous mes personnages ont une relation très forte avec le désir mais ne peuvent trouver aucune solution à son assouvissement. Mes personnages ne se transforment pas pour autant en d’autres personnes ou en personnes mauvaises. Ce sont des gens tout à fait communs.
Ce que je veux représenter est l’état d’insolvabilité ou d’inassouvissement du désir.
Le père ne peut pas faire l’amour avec sa masseuse, la tante ne peut pas faire l’amour avec le jeune étudiant, le grand-père ne peut pas effacer sa douleur, la mère ne peut pas trouver quelqu’un qui lui accorde de l’attention et de l’affection. Lorsque la mère pleure à côté de la tombe du grand-père, Bi court après une sauterelle mais ne peut l’attraper.
J’ai souhaité travailler sur des contrastes : la maison ancienne pleine de lumière chaude, la chaleur, l’humidité de l’été tropical et par opposition la présence d’immenses cubes de glace. L’atmosphère générale du film est solide, chaude et pressurisée. La fraicheur des douches ou des cubes de glaces agissent comme des ponctuations. Tout le monde est cerné par la chaleur. Les cubes de glace gèlent les plaies et les désirs. Bi aime se promener autour des cubes de glace pour éviter la chaleur. Il les utilise pour préserver les feuilles qu’il cueille. Il espère que les cubes de glace permettront à son grand-père de rester en vie.
Les histoires de chacun sont reliées les unes aux autres par la répétition d’images d’eau, de glace et de feuilles. J’ai tenté de laisser la place à des moments opposés : moments illuminés par la lumière brillante, les couleurs vives et la joie de vivre; moments dominés par l’ombre, la grisaille, la tristesse.
Je souhaite que chaque image du film, même la plus simple et la plus naturelle provoque un sentiment mystérieux sans nécessiter d’explication car ces images et ces sentiments sont connus de ceux qui regardent, nous en faisons tous l’expérience dans notre propre vie.