Les avatars du garum
Le garum est le nom latin d’un condiment à base de poissons saumurés et lacto-fermentés. Il est incontournable dans la cuisine romaine et subsiste aujourd’hui dans différents pays méditerranéens, qui en font toutefois un usage discret et souvent méconnu. Par contre, en Extrême-Orient le garum continue de récolter un franc succès et y porte des appellations très variées, dont la plus célèbre est sans conteste le nuoc-nam.
Le garum peut se présenter sous forme solide (purée, pâte) ou liquide (jus, sauce). L’éminent latiniste français, spécialiste de la cuisine romaine, Jacques André affirme que la première précède la seconde. Le processus de fermentation lactique parcourt en effet différents stades. Dans un permier temps, les poissons restent entiers et ne perdent pas leur intégrité. Durant l’étape suivante, leurs chairs commencent à se disloquer. Elles tombent en bouillie avant de se liquéfier progressivement à la faveur d’une réaction biochimique, appelée hydrolyse enzymatique, au cours de laquelle les poissons sont littéralement “autodigérés” par leur propre tube digestif. Si la fermentation n’est pas arrêtée à ce moment-là, le mécanisme de putréfaction s’enclenche ...
La présence de sel, un antiseptique, est néanmoins nécessaire pour assurer le bon déroulement de l’opération. Des agents pathogènes risquent en effet de s’interposer à tout moment et de gâcher le garum ; celui-ci dégage alors des effluves tellement nauséabonds qu’il répugne les aventureux les plus aguerris et les met ainsi à l’abri d’une éventuelle intoxication alimentaire.
En revanche, le garum réussi est bénéfique pour la santé; il est notamment riche en vitamine A et en acides aminés. Son odeur est cependant susceptible de déranger des narines délicates, qui sont d’ailleurs incommodées de la même manière par le non moins puissant fumet qu’exhalent les grands crus fromagers.