Levée de boucliers contre le contrôle des produits de textile-habilement vietnamiens
Le Département américain au Commerce (DOC) a procédé à l'audience de consultation entre les parties concernées par le programme de contrôle des importations vietnamiennes de textile et d'habillement.
À l'issue de plus de 2 heures sous la présidence de David Spooner, assistant du secrétaire américain au Commerce chargé des importations, plusieurs officiels se sont joints aux groupes et commerçants américains pour stigmatiser ce qu'ils considèrent comme un exemple caractéristique de protectionnisme. Parmi les 12 personnalités qui se sont exprimées, 10 ont indiqué en avoir une conception négative, a-t-on appris à l'issue des consultations qui ont opposé environ 150 officiels et représentants d'entreprises, en majorité américains.
Cette mesure constitue un "acte discriminatoire", une "entorse" aux principes fondamentaux et à l'Accord anti-dumping de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ont déclaré Nguyên Duy Khiên, le représentant du ministère vietnamien du Commerce aux États-Unis, et Lê Xuân Duong, représentant de l'Association des fabricants vietnamiens de textile et d'habillement (Vitas). Ils n'étaient pas seuls, les industriels et hommes d'affaires américains s'étant joints à eux.
Ce programme s'annonce "potentiellement néfaste" non seulement à l'industrie de textile vietnamienne mais aussi aux détaillants et consommateurs américains, a averti Ronald Shulman, président de l'américain JCPenney. Si quelque 2 millions d'ouvriers de ce secteur en ressentent directement les effets au Vietnam, ils le seront également aux États-Unis, à commencer par les gros détaillants tel Rila (Retail Industry Leaders Association) qui compte plus de 100.000 boutiques générant un chiffre d'affaires annuel de plus de 1.500 milliards de dollars. Sa vice-présidente chargé du commerce international, Stephenie Lester, a protesté avec véhémence contre cette intention du DOC en la qualifiant d'"inappropriée".
Lê Van Dao, secrétaire général de Vitas, a avancé 3 arguments démontrant que l'application unilatérale d'un mécanisme de contrôle est "totalement déraisonnable". Premièrement, ce programme a vu le jour avant que le congrès américain n'octroie au Vietnam le statut des relations commerciales normales et permanentes (PNTR). Deuxièmement, un tel contrôle viole les principes de non-discrimination de l'OMC, dont tous les 2 pays concernés sont membres. Troisièmement, le mécanisme de contrôle est contraire à la législation américaine car plus de 90% des exportations de textile vietnamiennes sont du prêt-à-porter, ce qui "ne nuit nullement" au secteur américain. D'autre part, elles représentent pour l'essentiel les produits de sous-traitance, 70% des matières premières étant importées. C'est donc en vain que l'on cherchera des fondements permettant d'affirmer que le Vietnam a l'intention de pratiquer du dumping sur le marché américain, a dit M.Dao.
Impact sur les exportations
Un tel mécanisme, quoiqu'en discussion, a d'ores et déjà d'importantes conséquences sur les entreprises vietnamiennes. À ce jour, les commandes de leurs partenaires américains pour les 3e et 4e trimestres ont considérablement diminué, pour la simple raison qu'ils attendent une décision définitive de la part du DOC. Plusieus sociétés au Vietnam ont dû réduire les heures de travail, voire rechercher d'autres marchés.
Hoàng Minh Khang, directeur de la Compagnie de confection 10, a indiqué que ses clients importants ont décidé de stopper leurs exportations aux États-Unis, de peur de voir appliquées des mesures anti-dumping par ce pays. "Nous ne pouvons les retenir", s'est-il lamenté. À noter que près de la moitié des commandes de cette société viennent des États-Unis et que, désormais, elle cherche à accélérer en catastrophe les exportations vers d'autres débouchés tels le Japon et l'Union européenne.
Quant à David Spooner, assistant du secrétaire américain au Commerce chargé des importations, il a affirmé que les États-Unis ne souhaitent pas que ce programme porte atteinte au textile-habillement vietnamien ainsi qu'aux relations commerciales entre les 2 pays. Il a affirmé que son pays s'engage à être "transparent" et "ouvert" dans la procédure de contrôle et qu'il sera procédé de façon "équitable et conformément à la loi commerciale américaine". Toujours selon ce dernier, ce programme aurait dû entrer en vigueur après l'adhésion du Vietnam à l'OMC, mais, de fait, ce n'"est pas le cas", car les États-Unis n'en sont toujours qu'au stade de l'analyse de données, au surplus aisées à collecter telles que volume des exportations, statistiques de production intérieure... Il a aussi affirmé qu'actuellement, "il n'existe pas encore de procès anti-dumping pour ces articles".
L'officiel américain a tenté de rassurer en expliquant qu'un tel mécanisme de contrôle et l'anti-dumping sont "tout à fait différents". Pour le second, les États-Unis doivent déterminer si le Vietnam pratique une différence de prix sur différents marchés et si les importations causent un préjudice aux producteurs américains. David Spooner s'est empressé d'ajouter que, de toute façon, suite à sa visite de travail au Vietnam la semaine dernière, il est "optimiste" sur le fait que les relations commerciales bilatérales ne sont pas influencées par ce programme. Il espère qu'avec la fin de ce mécanisme en 2008, "tout ira bien".
Source : Vu Phuong Mai/Courrier du Vietnam