War Legacies Project
(Projet "Les Séquelles de la Guerre")
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Voici quelques-unes des questions les plus fréquemment posées concernant la procédure judiciaire opposant les victimes vietnamiennes à Dow, Monsanto et autres producteurs de l'Agent Orange
1. Quels sont les adversaires principaux dans cette procédure (plaignants, défendeurs) ?
Plaignants : les victimes et les survivants vietnamiens de l'Agent Orange représentés par les associations des victimes de l'Agent Orange/Dioxine (VAVA). Le gouvernement vietnamien n'est pas un plaignant dans cette procédure.
Défendeurs : 37 producteurs américains de produits chimiques, les principaux étant Dow Chemical et Monsanto.
2. Quand cette procédure a-t-elle débutée ?
La plainte vietnamienne a été déposée auprès du Tribunal d'Instance américain du District Est de New York en janvier 2004. L'affaire a été classée en mars 2005. Une procédure en appel a été déposée auprès du Tribunal de Grande Instance en septembre 2005.
3. Pourquoi les vietnamiens ont-ils initié cette procédure ?
Les plaignants vietnamiens placent leur action sur trois plans différents : compensation civile, action pénale, injonction de réparation (c'est-à-dire nettoyage environnemental des "points chauds de dioxine"). Plus précisément, leurs buts sont :
a) La reconnaissance des dommages à eux causés en lieu et place de la non-reconnaissance de la responsabilité des producteurs américains et du gouvernement américain,
b) L'obtention d'une aide médicale d'urgence incluant le diagnostic, le traitement et la réhabilitation physique des victimes, et de la technologie et des compétences nécessaires au contrôle et à la prévention des maladies et des malformations congénitales liées à l'Agent Orange,
c) L'obtention d'une aide économique compensant les pertes de moyens d'existence dues à la destruction de la santé et de l'environnement,
d) La création d'un service social facilitant l'ajustement et la réintégration des victimes dans la communauté.
4. Quelle est la somme demandée par les vietnamiens ?
A ce point du procès, les avocats des plaignants n'ont pas encore précisé le montant qui devra être versé en cas de victoire en faveur de leurs clients. Cette phase de la procédure viendra beaucoup plus tard quand l'affaire arrivera devant les juges.
5. Pourquoi les vietnamiens poursuivent-ils des entreprises américaines et pas le gouvernement des Etats-Unis lui-même ?
Le gouvernement des Etats-Unis jouit d'une immunité plénière, ce qui veut dire que personne ne peut le poursuivre, auprès de n'importe quel tribunal américain que ce soit, pour obtenir une compensation financière, à moins que ce gouvernement accepte lui-même cette action juridique ; dans l'affaire qui nous intéresse, le gouvernement des Etats-Unis n'a pas consenti à être poursuivi pour obtenir une compensation financière pour des faits survenus hors de son territoire.
6. Les vietnamiens ont choisi de placer leur action dans le contexte de la loi dite "Alien Tort Claims Act" (Plaintes en Responsabilité Etrangère) et non pas sous le couvert de la loi dite "US Liability Law" (Responsabilité Civile Américaine). Pourquoi ?
Les vietnamiens avaient bien initié une procédure contre les entreprises chimiques sous le couvert de la loi de responsabilité civile générale et de négligence de l'Etat de New York. Cependant, cette procédure a été classée car ces entreprises chimiques se sont protégées derrière le fait qu'elles agissaient en qualité de sous-traitant du gouvernement. En d'autres termes, elles jouissaient de la même immunité plénière que le gouvernement des Etats-Unis. De plus, les lois civiles américaines ne s'appliquent pas dans les zones de combat. Pendant une guerre, bon nombre d'actions, qui seraient autrement considérées comme des actes criminels sont pardonnées (par exemple, assassinats d'êtres humains ou destruction de leurs biens). Les actions se situant en-dehors des limites établies par les traités internationaux ou des normes internationales sont appelées des crimes de guerre. L'ATCA permet à des étrangers d'intenter des procès pour obtenir des compensations financières à des personnes ou entités non publiques qui commettent, facilitent ou encouragent les crimes de guerre.
7. Qu'est-ce que l'ATCA ?
L'ATCA est une des lois les plus anciennes des Etats-Unis, écrite en 1789 pour éviter que des griefs privés dégénèrent en causes de conflits. Ce texte permet à des ressortissants d'un pays étranger aux Etats-Unis de poursuivre, devant des tribunaux américains, des personnes ou entités privées pour violation de normes acceptées universellement ou spécifiques aux lois internationales. La Cour Suprême des Etats-Unis a soutenu cette interprétation de ce texte en 2004 dans l'affaire Sosa v. Alverez-Machain, dans laquelle un médecin mexicain poursuivit un agent de la lutte contre les stupéfiants américain qui l'avait kidnappé et emmené de Mexico vers le territoire des Etats-Unis pour lui faire subir un procès pour le meurtre d'un agent américain de la lutte contre les stupéfiants travaillant à Mexico sous couverture.
8. Quelle est la définition de la violation de normes acceptées universellement ou spécifiques aux lois internationales ? Comment a-t-on utilisé ces normes légales internationales dans le cas de l'Agent Orange et des autres herbicides utilisés pendant la Guerre du VietNam ?
Il existe des règles qui prohibent l'utilisation d'armes chimiques ou de poisons en temps de guerre et qui interdisent "la destruction et la dévastation injustifiées par des obligations militaires" ou le "ciblage aveugle" de civils. Dans le cas de l'Agent Orange, les avocats des plaignants arguent du fait que les entreprises chimiques ont violé les normes internationales interdisant le poison et le ciblage de civils en fournissant plus de 21 millions de gallons (soit près de 80 millions de litres) d'herbicides dont ils savaient qu'ils contenaient d'importantes et inévitables quantités de Dioxine et dont ils savaient qu'ils seraient pulvérisés au-dessus de vastes étendues peuplées du Vietnam du Sud, et ce pendant de longues périodes de temps.
9. Pourquoi ne pas présenter l'affaire devant la Cour Internationale de Justice ?
Le gouvernement vietnamien pourrait opter pour une action en justice contre le gouvernement des Etats-Unis devant la Cour Internationale de Justice. Cependant, alors que les deux gouvernements travaillent avec ardeur à l'établissement de relations meilleures, le gouvernement vietnamien a décidé de conserver son caractère privé à cette affaire, c'est-à-dire une procédure judiciaire entre les victimes et les entreprises chimiques. Le gouvernement vietnamien utilise également les canaux diplomatiques pour soulever le problème de l'Agent Orange auprès du gouvernement des Etats-Unis. De plus, il n'y a aucune assurance qu'une décision éventuellement favorable au côté vietnamien soit acceptée par le gouvernement des Etats-Unis ni qu'il exécute l'ordonnance de ce tribunal. Poursuivi pour avoir aidé les Contras, les Etats-Unis ont perdu un procès contre le Nicaragua mais ont refusé de payer. De plus, le résultat de ce procès devant la Cour Internationale de Justice fut que les Etats-Unis s'en retirèrent, ce qui a pour conséquence qu'ils ne pourront plus jamais être poursuivi devant cette juridiction sans qu'ils aient donné leur consentement préalable.
10. Pourquoi l'affaire est-elle présentée à un tribunal d'appel (Appelate Court : juridiction ayant la capacité d'entendre des actions en appels ou de réviser les décisions d'autres tribunaux) ? Que décidera cette juridiction ?
L'action juridique intentée par les plaignants vietnamiens contre les entreprises chimiques a été classée par le Juge Jack Weinstein en mars 2005, les avocats des plaignants ont donc fait appel auprès d'un tribunal plus important (le Tribunal de Grande Instance) pour demander une réintégration de l'affaire. Ce tribunal de grande instance devra décider si l'affaire mérite ou non d'être considérée pour un procès dans le système juridique américain. En d'autres termes, il sera décidé si la plainte des vietnamiens est légitime et s'ils auront "droit à une audience".
11. Pourquoi le Juge Weinstein a-t-il classé l'affaire ?
Le Juge Weinstein a décidé le classement de l'affaire en s'appuyant sur plusieurs aspects de la loi. Par exemple, bien que les lois internationales interdisent l'utilisation de poison pendant une guerre, le Juge Weinstein a déclaré que ces herbicides n'avaient pas été utilisés comme poison ou comme arme chimique, comme défini par les lois internationales au moment de leur utilisation. Il déclaré que l'intention n'était pas d'empoisonner la terre et le peuple vietnamiens, même si ce fût le résultat de ces opérations de défoliation. Il débouta également les plaignants de leur plainte en négligence et responsabilité du produit (selon la loi de l'Etat de New York) dans la mesure où les sous-traitants jouissaient, au sein d'une cour de justice américaine, de la même immunité plénière que celle du gouvernement des Etats-Unis, sauf si les agissements du sous-traitant étaient réputés être des crimes de guerre. Une analyse détaillée du classement de l'affaire peut-être lue sur le site http://www.warlegacies.org/Lawsuit.htm.
12. Quel est le rôle que pourront jouer les anciens combattants américains au Vietnam (victimes de Agent Orange) ?
Deux audiences séparées auront lieu le 18 juin. Le Tribunal de Grande Instance déterminera si les 16 cas présentés par les anciens combattants américains contre les entreprises chimiques, qui avaient été également classés par le Juge Jack Weinstein en 2005, peuvent être réintégrés. Le Juge Weinstein débouta les anciens combattants américains de leurs plaintes pour négligence et responsabilité du produit, en se basant sur l'immunité plénière dont ces entreprises jouissaient puisqu'elles agissaient en leur qualité de sous-traitants du gouvernement. Les avocats argueront du fait que ces entreprises chimiques devaient fournir des herbicides au gouvernement, et non pas des herbicides contaminés par la Dioxine.
Les anciens combattants américains seront entendus à 10 heures. L'argumentation des vietnamiens dans le but de faire réintégrer leur plainte sera entendue par les mêmes juges à 13 heures. La décision qui sera prise concernant l'aspect "sous-traitant" dans la plainte des anciens combattants s'appliquera également au procès new-yorkais au civil intenté par les plaignants vietnamiens. Mais pas à leur affaire présentée selon l'ATCA.
13. Pourquoi des avocats du Ministère de la Justice des Etats-Unis seront-ils présents lors de cette audience ?
Le gouvernement des Etats-Unis est persuadé que les conséquences de cette affaire auront d'importantes ramifications dans la façon de faire la guerre. Le Ministère de la Justice américain craint que si les entreprises chimiques sont tenues pour responsables de leurs agissements, les autres sous-traitants militaires seront beaucoup plus hésitants quant à la fabrication et la fourniture d'armes de guerre au gouvernement, ou qu'ils augmenteront leurs prix de façon spectaculaire.
14. Qui va juger cette affaire ? Et quand prendra t-il sa décision ?
Au contraire d'une audience en tribunal d'instance, le tribunal de grande instance est composé de trois juges. Les avocats ne savent pas encore devant qui ils défendront leur affaire, ils ne le sauront que le vendredi précédant l'audience. Une décision d'appel peut être attendue dans les 3 à 6 mois suivant l'audience.
15. Qu'espèrent gagner les avocats des plaignants (vietnamiens et anciens combattants américains) le 18 juin ?
Si les plaignants vietnamiens gagnent en appel, cela ne veut pas forcément dire qu'ils auront gagné leur procès. Cela voudra simplement dire que le cas est réintégré, que la cour jugeant l'appel le renverra vers un tribunal d'instance et qu'elle ordonnera au Juge Weinstein d'autoriser que l'affaire soit présentée en audience, plus vraisemblablement avec jury.
16. Que pourront-ils perdre ?
Si les vietnamiens perdent en appel, il auront alors perdu le droit à obtenir "un jour au tribunal", le droit de faire entendre leur plainte devant un tribunal constitué et public.
Préparé par le War Legacies Projets. Pour plus d'information, contacter Susan Hammond à l'adresse électronique suivante : [email protected] ou au numéro de téléphone suivant : 00 1 917 991 48 50