Vietnam - L’économie fait naufrage, engloutissant les citoyens
Ruinés, les Vietnamiens montrent du doigt les communistes
14 février 2013 |
Agence France-Presse |
Photo : Agence France-Presse Hoang Dinh Nam Une vendeuse de rue passe devant une affiche marquant le 83e anniversaire de création du Parti communiste vietnamien. Les communistes célèbrent cet anniversaire pendant que leurs concitoyens tentent de survivre à la crise économique dont ils tiennent leurs dirigeants pour responsables.
Familles ruinées en Bourse, dépressions qui se multiplient ou bonus de fin d’année payés en chaussettes, de plus en plus de Vietnamiens sont touchés par une crise économique dont ils tiennent le gouvernement communiste pour responsable.
Après avoir lancé en 1986 la transition vers l’économie de marché, le Vietnam était vite devenu un modèle pour les pays de la région, grâce à une forte croissance, un afflux d’investissements étrangers et l’émergence d’une classe moyenne.
Mais le pays est désormais en plein marasme économique, à cause de décennies de mauvaise gestion, selon les experts. Et les Vietnamiens ont perdu leurs économies et leur confiance envers le gouvernement. « Ma famille n’a jamais été dans pire situation […]. Tous nos actifs ont disparu », commente Nguyen Thi Huong, 37 ans, qui travaille dans l’immobilier.
Ses revenus se sont raréfiés avec la stagnation du secteur, et elle a perdu tout son argent dans des investissements immobiliers et en Bourse. Alors elle a dû vendre son luxueux appartement de Hanoï et retourner vivre, avec sa famille, chez sa mère, dans un tout petit logement décrépi.
« Nos dirigeants doivent être tenus pour responsables de la situation désespérée du marché immobilier et de la crise économique actuelle », insiste-t-elle, au diapason de beaucoup de ses compatriotes. Loin de l’euphorie des années de forte croissance, jusqu’à un pic de 8,4 % en 2005. « Pendant cette période, tout le monde était surexcité, rêvant que le Vietnam devienne riche du jour au lendemain », se rappelle un analyste qui préfère garder l’anonymat. « Mais le gouvernement a fait des erreurs en matière de politiques macroéconomiques et les conséquences émergent maintenant. Elles touchent tout le monde de plein fouet ».
La crise du crédit, la hausse des faillites et la stagnation des marchés immobilier et boursier ont frappé la classe moyenne, et pas seulement au portefeuille. De plus en plus de Vietnamiens se font ainsi soigner pour dépression ou stress, selon les médias d’État. « Je n’ai jamais vu autant de patients qu’en 2012 venir pour des problèmes psychologiques » liés à la perte d’un travail ou à une faillite, souligne le Dr Le Hieu, d’un hôpital psychiatrique d’Ho Chi Minh-Ville, sur le site VietnamNet. Mais pour Tran Thanh Hung, propriétaire d’un magasin de meubles à Hanoï, ce n’est pas une surprise. « L’argent et la confiance de la population sont épuisés », relève-t-il.
La croissance a atteint son plus bas niveau en treize ans en 2012, à 5 %. Soit la « pire crise économique » du pays qui jusqu’alors souffrait d’une « longue maladie cachée », estime l’économiste Nguyen Quang A. « C’est comme une tumeur qui vient de surgir. Et cela force le parti communiste à y faire face », insiste-t-il.
Les problèmes sont légion, d’un secteur public mal géré qui cumule des dettes vertigineuses à un marché boursier qui a perdu la moitié de sa valeur depuis un pic en 2007, en passant par la crise d’un secteur bancaire plombé par les créances douteuses. Et le parti communiste qui exerce un pouvoir sans partage ne semble pas prêt à s’attaquer aux groupes d’intérêts puissants qui ont paralysé l’économie, note les experts.
Alors plus de 55 000 petites et moyennes entreprises ont mis la clé sous la porte l’an dernier selon les chiffres officiels, entraînant une hausse du chômage. Des conséquences qui se font d’autant plus sentir en cette période de Nouvel An lunaire vietnamien, dont les célébrations ont commencé dimanche et qui est traditionnellement accompagné des bonus de fin d’année.
Mais beaucoup d’entreprises ont dû faire des économies. Ainsi Tran Thi Hai, ouvrière du textile, a reçu 70 paires de chaussettes au lieu d’un 13e mois de salaire, selon la presse d’État. « Je vais les vendre dans les rues pour avoir un peu d’argent. C’est mieux que rien ».