La journée du 20 Novembre destinée à honorer les enseignants fut certainement une journée pas comme les autres pour le maître Tâm .
Un maître au milieu de ses élèves handicapés - 24/11/2008
"Le maître Tâm est présent là où se trouvent des élèves malvoyants de l'école Nguyên Dinh Chiêu", - c'est ce qui se dit dans le milieu des gens qui travaillent dans l'enseignement à Hô Chi Minh-Ville.
Depuis près de 20 ans le maître Tâm s'attache à l'éducation des élèves handicapés. Il ne se dévoue pas seulement dans le rôle du maître mais aussi dans celui de parent d'élève.
Diplômé de l'École normale supérieure de Hô Chi Minh-Ville, Faculté des lettres, Nguyên Thanh Tâm s'est vu assigner un poste d'enseignant dans une école du 3e arrondissement, en plein centre-ville, le "rêve" pour tous les normaliens. Mais Tâm, avec sa jeunesse et son désir de "tester" ses aptitudes, s'est porté volontaire pour partir à Duyên Hai (actuellement appelé Cân Gio).
Un an après, le jeune maître a été nommé vice-recteur chargé des affaires pédagogiques de l'École de rattrapage scolaire du distric de Duyên Hai. Il n'enseignait pas seulement la littérature mais aussi l'histoire, la chimie, la géographie… Bref, il était disposé à pallier toute absence ou tout manque. Selon la réglementation, l'enseignant volontaire, pour travailler dans une région reculée, a droit à retourner enseigner en ville au bout de 4 ans ; mais faute de remplaçant, il n'a pu le faire qu'après 5 années. Lors de son retour en ville, il a été affecté à l'École spéciale Nguyên Dinh Chiêu. Ses collègues en étaient consternés, seule sa mère l'encourageait : "Enseigner ici ou ailleurs, c'est toujours enseigner, fiston."
Repartir à zéro
C'est avec la volonté d'un enseignant volontaire revenu de la région de Duyên Hai que Tâm s'est lancé dans ce nouveau défi. Bien qu'il n'ait jamais enseigné aux élèves malvoyants et n'ait jamais reçu de formation spécifique si brève soit-elle, il a été contraint de suite de prendre en charge sa classe, car l'école manquait d'enseignant. Alors, le maître a dû effectuer un parcours en sens inverse : il a appris de ses élèves. Pendant la journée, Tâm donnait des cours et la nuit, il se plongeait dans l'apprentissage de l'écriture braille, comme un élève de CP.
Deux ans après, Tâm a été nommé vice-recteur chargé de la gestion du service de soins des élèves dont la plupart habitaient dans l'internat de l'école. Un jeune homme de moins de 30 ans, célibataire, qui assumait la responsabilité de prendre soin des élèves handicapés. Cela n'avait pourtant rien d'étonnant, car il comprend, mieux que quiconque, les élèves ainsi que leurs habitudes et leurs situations familiales. "Chaque jour, il passe seulement 2 heures à la maison, juste pour faire sa toilette et prendre ses repas ; le reste du temps, il est à l'école ; même la nuit il dort à l'école", confie sa mère.
S'inquiéter de "ses enfants"
Ce n'est qu'en vivant auprès des élèves malvoyants et qu'après les avoir compris que l'on se rend compte de leur volonté ardente d'apprendre. Dans les autres pays, les malvoyants peuvent faire des études universitaires et par la suite assumer de nombreuses fonctions importantes dans la société ; alors pourquoi au Vietnam, ces élèves doivent-il toujours être orientés vers les centres de formation de métiers après l'école primaire ?
Ces interrogations ont poussé la Direction de l'école Nguyên Dinh Chiêu à rédiger le projet d'intégration scolaire qui permettrait aux élèves malvoyants de suivre les mêmes écoles que les élèves normaux avec pour responsable principal dans la période d'essai le maître Tâm. Si l'intégration scolaire marchait assez bien dans les écoles primaires et dans les collèges, il fallait ensuite surmonter de grands obstacles : tout d'abord les lycées qui n'avaient jamais accueilli d'élèves malvoyants ; ensuite les écoles supérieures dont aucune n'acceptait des malvoyants comme candidats aux concours d'entrée ; enfin les frais et dépenses que nécessiteraient ces études. C'était le maître Tâm, et toujours lui, qui s'affairait d'un établissement à l'autre pour plaider, expliquer, persuader, négocier et s'engager même personnellement pour que "ses enfants" puissent poursuivre leurs études. Le projet d'intégration n'a débuté qu'avec 2 élèves : Nguyên Van Long et Trân Thi Minh Tuyêt ; et leurs résultats scolaires se sont avérés ensuite très bons et ont même dépassé ceux de beaucoup de "bien voyants".
Avec un sourire éclatant, le maître Tâm, maintenant recteur de l'école spéciale Nguyên Dinh Chiêu, raconte : "Long a obtenu 2 diplômes universitaires et aura bientôt son master. Il vient d'être embauché à l'école Nguyên Dinh Chiêu. Quant à Tuyêt, elle travaille maintenant pour une société française de consultance. À ce jour, parmi environ 200 élèves malvoyants ayant bénéficié ou bénéficiant de l'intégration scolaire, on en compte une vingtaine qui sont titulaires d'un diplôme universitaire et qui ont déjà un travail stable grâce au programme d'intégration scolaire ; certains d'entre eux ont même décroché des bourses pour aller étudier au Japon".
À l'âge de 46 ans, Tâm reste toujours un "soldat sans foyer". À la question de savoir pourquoi il ne pense pas à fonder une famille ?", il sourit avec spontanéité : "Bien sûr que j'y pense ! Mais comme je suis constamment absorbé par mon travail, qui me comprendrait et compatirait ?" "Tout au long de cette vie d'enseignant, même si je ne me suis guère enrichi matériellement, j'ai gagné beaucoup d'autres choses. Surtout, j'ai vu réaliser mon souhait : les malvoyants ont pu affirmer leurs compétences dans les études et dans le travail, ce qui leur a permis une bonne intégration dans la société. Les élèves, les étudiants malvoyants vietnamiens sont désormais en mesure de marcher côte à côte avec ceux du monde entier", confie Tâm.
Minh Phuong/CVN
(23/11/2008)