Poèmes printaniers
11/02/2013 08:13
Des poèmes printaniers de Anh Tho (1919-2005) et de Dang Quang Khang.
L’après-midi printanier
Anh Tho (1919-2005)
Le crachin suinte ses brumes sur le quai désert,
En dépit du courant le bac se livre à la paresse ;
L’auberge au toit de chaume se tient debout en silence
Près des margousiers dont les fleurs tombent en abondance.
Les herbes verdoient à ravir sur la digue ondulée,
Une bande de martinets noirs s’y abat pour picorer ;
Quelques phalènes aux ailes de verre flottent au vent,
Buffles et bœufs ensemble dégustent la pluie en paissant.
De cette rizière d’une verdure humide de fraîcheur
S’élance par instants une cigogne, faisant sursauter
La demoiselle à la camisole(1) rouge en train de ratisser
Les mauvaises herbes dans une plantation bientôt en fleurs.
La veillée printanière
Anh Tho (1919-2005)
Le ciel s’éclaircit et, pour cette veillée, cesse de pleuvoir,
De l’arroyo l’eau ruisselle, baignant les étoiles du soir.
Une feuille de bananier cache la lune au pudique sourire,
Au bord de l’étang le vieux bambou attend le zéphyr.
Sortis par groupes des ruelles, ils poursuivent leurs marches,
Les hommes à la guérite où ils joueront aux cartes,
Les filles vers la rive pour leurs chants en commun,
Les mamies chez des voisins avec sur le dos leur bambin.
Tiens, un couple se glisse vers le champ de mûriers,
Mais portent-ils des chapeaux bien que la nuit soit tombée ?
Encore, avec eux deux lucioles s’envolent côte à côte,
Comme si elles cherchaient à se séduire l’une et l’autre.
La journée printanière
Anh Tho (1919-2005)
Il fait frisquet et le soleil darde sa lumière légère,
Les rizières en vert ondulent jusqu’aux pieds des nuages ;
Quelques hirondelles tournoient au-dessus du village,
Des cigognes aux ailes blanches s’abattent puis s’élèvent.
Ils partent ensemble au pèlerinage en longeant la rivière :
Les aïeules égrènent leur chapelet murmurant des prières,
Les jeunes filles causent et rient bruyamment,
Montrant leurs dents d’ébène, leurs yeux envoûtants.
Des garçons aux habits de soie neufs s’initient aux souliers
Comme de jeunes enfants qui apprennent à marcher,
La brise s’amuse à faire voleter en tous sens
Les cordons des camisoles* et les pans des turbans.
Traduit par Minh Phuong
(1) La camisole vietnamienne ou áo yếm était une tenue traditionnelle des femmes du pays. En forme de carré, dont un coin était coupé pour s’ajuster sous la gorge de la femme, l’habit couvrait gracieusement sa poitrine et se nouait avec des cordons dans le dos et au niveau du cou.