Halal, Casher, l’impact sanitaire de l’abattage
[13 mars 2012 - 17h01]
Le sujet de l’abattage rituel, amplement politisé depuis maintenant des semaines, n’en finit pas de faire couler de l’encre. Ici ou là depuis quelques jours, certaines voix évoquent cependant les enjeux non-politiques de la question ainsi soulevée. Ses enjeux sanitaires notamment. La santé n’ayant pas de frontières, l’agence de presse Destination Santé s’est attachée à rassembler les informations les plus à jour, auprès des sources les plus autorisées en la matière.
Rappel des faits
Un reportage diffusé le 16 février dernier dans l’émission Envoyé spécial sur France 2, a lancé un débat quasi-national à partir des pratiques observées dans « les abattoirs en Ile-de-France ». Il y était affirmé que « 100% de la viande qui en sortait était halal. » Peu de temps après, un rapport confidentiel du Conseil général de l’Alimentation de l’Agriculture et des Espaces ruraux (CGAAER) mis en lumière par nos confrères du Point, abordait « la question particulière de l’abattage rituel ». On peut y lire que « le volume d’abattage rituel était de 40% pour les bovins et de 60% pour les ovins, alors que la demande correspond à 10% des abattages totaux ». Ces propos depuis, ont été contredits par Bruno le Maire, ministre en charge de l’Agriculture et de l’Alimentation. Lors d’une conférence de Presse, celui-ci a en effet avancé un chiffre proche des « 14% » pour l’abattage rituel, ovins et bovins confondus.
Les chiffres donc, font eux-mêmes débat. En revanche, il y a consensus dans la communauté scientifique pour considérer que l’abattage rituel pourrait constituer un risque sanitaire.
L’abattage rituel, qu’est-ce-que c’est ?
La réglementation européenne d’application en France, fait obligation d’étourdir les animaux destinés à la consommation humaine, avant leur abattage. Ce même droit européen toutefois, prévoit qu’il puisse y être dérogé lorsque l’étourdissement n’est pas compatible avec la liberté de culte en matière d’abattage d’animaux. Or sur ce point il n’y a pas consensus.
Le rituel d’abattage qu’il soit de rite halal pour les musulmans ou casher pour les juifs, est un préalable pour rendre l’animal propre à la consommation. Il est généralement admis que la bête doit pour cela, être consciente de son sort. Généralement mais… pas unanimement. Jean-Luc Angot, Directeur-général adjoint de l’Alimentation (DGAL) au ministère de l’Agriculture et de la Pêche, souligne « qu’en Autriche l’étourdissement est autorisé ». L’adéquation de cette exigence avec les Livres est d’ailleurs confirmée par certains courants musulmans, et notamment les Salafis de l’Est.
Par ailleurs la trachée, l’œsophage et les principales artères et veines de la région du cou doivent être tranchées, de sorte que l’animal se vide de son sang. Ce type d’abattage est-il susceptible d’induire des risques sanitaires, comme une contamination par des colibacilles et notamment Escherichia coli 0157 H7, responsable de redoutables flambées de syndrome hémolytique et urémique ?
Quels risques pour la santé ?
En 2008 déjà le Chef du bureau des établissements d’abattage et de découpe au Ministère de l’agriculture et de la pêche, Pascale Dunoyer, faisait savoir que « des pratiques liées à la mise en œuvre du rituel d’abattage peuvent avoir des conséquences en termes de salubrité et de sécurité des carcasses. Nous pouvons citer à ce titre le tranchage de la trachée et de l’œsophage, qui peut provoquer le déversement du contenu gastrique (voire pulmonaire) sur les viandes de têtes, de gorge et de poitrine. » En clair, le fait que l’œsophage ne soit pas ligaturé ouvre la porte à des bactéries présentes dans l’appareil digestif de l’animal, et pathogènes pour l’homme.
La réaction des autorités
Le risque est donc réel. Il peut être aggravé en cas de dérives dans les pratiques, ou de formation insuffisante des sacrificateurs. Le fait de sacrifier l’animal allongé sur le flanc par exemple, et non pendu tête en bas, peut aggraver l’inondation d’une partie de la carcasse par les sécrétions digestives ou pulmonaires. Pour cet ensemble de raisons, les pouvoirs publics ont décidé de mettre en œuvre des mesures destinées à améliorer la traçabilité des viandes de boucherie. Initialement prévue pour le 1er juillet 2012, l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions a été fixée au 8 mars 2012.
« Afin d’assurer une bonne information du consommateur, nous avons fait le choix par décret (…) de veiller à ce qu’il y ait une adéquation entre les commandes (les demandes) et le recours à l’abattage rituel » explique ainsi Paul Mennecier, chef de service à la DGAL. « Ce document impose également la mise en conformité de tous les abattoirs en matière d’hygiène, de fonctionnement des équipements ou de formation des sacrificateurs. »
La DGAL continue bien sûr sa mission de contrôle de l’animal vivant, puis du processus d’abattage. Jean-Luc Angot, nous a d’ailleurs confié que « dans la note de service du 8 mars dernier, nous avons ajouté la nécessité dans le cas d’un abattage rituel, de procéder à une ligature de l’œsophage juste après la jugulation (dans le cas d’un abattage classique, elle est effectuée avant – ndlr). Nous avons demandé que ce moyen de maîtrise du risque soit intégré dans le ‘Guide de bonne pratique d’abattage des ruminants’ et nos méthodes d’inspection intégreront ce point de contrôle. Cela représente une vraie nouveauté ».
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