Eva Joly va s’intéresser à cette affaire alors qu’elle travaillait, depuis août 1994 sur le renflouement du groupe Bidermann par Elf9. Le 7 novembre 1997, Christine Deviers-Joncour, est mise en examen pour « abus de biens sociaux, recel et complicité » par les juges Eva Joly et Laurence Vichnievsky. Les deux magistrates la soupçonnent d’avoir bénéficié d’un emploi de complaisance au sein du groupe. Elles s’interrogent aussi sur les conditions d’acquisition, en 1992, pour 17 millions de francs, d’un appartement qu’elle occupe, rue de Lille, à Paris10.
Le 2 décembre 1997, Eva Joly découvre la commission de 45 millions de francs versée par Alfred Sirven depuis les fonds d’Elf. Puis grâce à une dénonciation anonyme elle comprend que celle-ci est revenue à Christine Deviers-Joncour3. On dira plus tard que cette lettre anonyme avait pour but de détourner les juges du volet principal de l’affaire11. Après la découverte d’importants mouvements bancaires sur son compte en 1991 et 1992 et une perquisition à son domicile, Roland Dumas est également mis en examen le 29 avril 199810. Christine Deviers-Joncour, qui dans un premier temps avait accusé le groupe Elf de l’avoir recruté en raison de sa situation de maîtresse de ministre, accuse pour la première fois le 3 mars 1999 Roland Dumas. Celui-ci se met alors en congé de la présidence du Conseil constitutionnel10.
Le 22 novembre 1999, les juges Joly et Vichnievsky achèvent leur instruction et transmettent le dossier au parquet de Paris. Ce dernier requiert le renvoi en correctionnelle de Roland Dumas, Christine Deviers-Joncour, André Tarallo, Loïk le Floch-Prigent, Alfred Sirven, ainsi que Gilbert Miara et Jean-Claude Vauchez. Les juges Joly et Vichnievsky signent l’ordonnance de renvoi de M. Dumas et des autres mis en examen devant la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris le 18 février 2000. Roland Dumas démissionne de son poste de président du Conseil constitutionnel puis est hospitalisé pour une opération de la hanche. Lorsque le procès s’ouvre le 9 juin, il est aussitôt reporté à 2001 en raison de l’état de santé de l’ancien ministre10.
Un autre dossier, concernent l’achat par Roland Dumas de statuettes d’une valeur de 260 000 francs qui seront offertes à Christine Deviers-Joncour, est joint le 15 juillet 2000 au dossier principal10.
Lors de cette instruction les commissions et rétro-commissions de la vente des frégates de Taiwan ne sont pas examinés par les juges et les deux volets sont séparés12.
Un marchant de biens, Gilbert Miara est mis en examen le 28 novembre 1997, Il a joué les intermédiaires dans l’acquisition de l’appartement de la rue de Lille13.
Quant à Alfred Sirven, parti de Genève dès 1997, il est localisé en 2000 aux Philippines où il sera finalement arrêté le 2 février 2001 pour être extradé vers la France14. Éva Joly débouche alors le champagne pour récompenser les policiers chargés du dossier15.