On croise tous des poseurs et des attitudes. Une de celles qui me gènent le plus est de changer de nom.
Non pas pour fuir un contexte, comme quand on a été la cible d'exactions, ou quand on porte un nom importable ou un nom juif en Allemagne en 33, ou arabe en Israël, comme je connais le cas. Dans ce cas, on change de nom de famille pour (re)trouver une vie normale.
Je ne veux pas non plus parler des prénoms occidentalisés, qui sont nécessaires quand on travaille avec des étrangers bien à la rue quand il faut appeler Phượng ou Ngọc; et quand Dung s'écrit Zoom, c'est bien sur tout-à-fait légitime, avis aux anglophones. Bien sur, ce ne sont que des surnoms, chacun a gardé son nom.
Non, je veux parler de ceux qui se donnent un nom (prénom et patronyme, souvent officiel) comme on se fait poser des faux seins: pour accéder à un autre cercle où attirerait l'attention. Et tant qu'à faire qu'il soit faux, autant qu'il soit "dans ta face". Le nom.
Qui a jamais entendu parler d'un francophone nommé Warren Hogan(*)? C'est pas un nom de personne, ça, c'est un personnage de cinéma.
(*) Par acquit de conscience, toutes mes excuses pour cet étrillage si c'est ton nom de naissance, on ne sait jamais. M'est avis qu'on n'entendra quand-même plus parler de toi, tu ne dois pas beaucoup lire des posts aussi longs, surtout entre les lignes.
La signature nette d'un nom acquis plutôt qu'inné, comme, et je cite des cas véridiques, "Philip Seddon", francophone qui grenouillait en 92-95 dans le marché de la mécanique à Saigon, et, le meilleur que j'aie vu à ce jour, il y a quelques jours, un "John M. John" qui nous écrit en nous prenant de haut que sa boîte de luxe nous inspecte depuis 5 ans et que le temps est venu d'établir une relation mure avec nous. Mais vite, il a des clients tout de suite. Haha, le faux nez.
L'un comme l'autre ne résiste pas une minute à un coup de téléphone, où SON seul atout est un accent américain peu sur.
Autant, pour les faux seins, parfois je veux bien croire que le savoir-faire du chirurgien soit en cause, autant à changer de nom, on peut se les essayer et se regarder dans le miroir, on a la version finale dès l'essai, pas de risque de couture ou de besoin de retouche. Se faire un nom qui sonne si faux, c'est bien une marque de mauvais goût, c'est-à-dire vu la nature du goût, une marque d'inadaptation sociale.
Je comprends que dans le monde du business, des Vietnamiens puissent souffrir de ne pas être accueillis par défaut parmi les étrangers comme ceux-ci accueillent une autre tête blanche, c'est un racisme très courant face à la différence. Mais changer de nom pour un nom qui sonne trop faux, c'est très naïf, comme si ils mettaient en faux nez avec un élastique: non seulement ils sont différents, mais en plus ils exposent leur besoin d'être adopté. Ça dit très fort: je suis des vôtres.
Après une période de grâce, où on est embobiné par son propre nom et où on le joue à tout un chacun, vient la déconfiture de se voir regardé comme un arriviste évident, et puis la prétension affectée d'un John M. John, qui ne sait plus où aller chercher sa crédibilité. Il cherche SES atouts, et bientôt il cherchera SES Amis.
Ce que ça dit aux Vietnamiens, c'est le contraire. C'est "appelez-moi monsieur", et ça crie à tous toute la détresse de ne pas se sentir à sa place entre Vietnamiens et de ne pas se savoir surement accueilli par les étrangers. Grave erreur.
Avec cette volonté apparente de se fondre, on se met de facto encore plus à l'écart. On rejette ses origines, on rejette son patro-nyme pour un pseudo-nyme, sans pour autant avoir accédé à un monde qui a pour détecter et surement rejeter l'arriviste mille sophistications qu'on ne maîtrise pas (bien évidemment, vu le grotesque du nom qu'on a pris).
On ne change pas de peau. C'est la grande erreur de beaucoup que d'espérer pouvoir redistribuer les cartes après la donne. Comme beaucoup qui sont venus au Vietnam, j'ai espéré me fondre, devenir vietnamien. C'est un leurre. Je peux essayer toutes les palanches sur mon dos. Vous me retrouvez d'ailleurs là, avec vous, sur un forum essentiellement francophone.
On peut changer, on peut évoluer, mais on ne change pas de peau. Avis à tous les vilains petits canards. Le cygne est déjà là, en chacun.
Houlà, Youps, j'ai mélangé des noms, dans ce message. Flûte.