«Petite Yue Yue est morte à 0h32», a annoncé vendredi à l'AFP un porte-parole
de l'hôpital général militaire de Canton (sud) où elle avait été admise,
sans grand espoir vu son état désespéré. Photo: AFP
Sébastien Blanc de l'Agence France-Presse – Pékin
Écrasée successivement par deux véhicules puis abandonnée sur lachaussée dans l'indifférence des passants, la petite Yue Yue, deux ans, estmorte vendredi, son sort tragique révulsant des Chinois de plus en plusconvaincus que leur société dérive vers l'égoïsme.
Le 13 octobre, la fillette avait été d'abord percutée par unefourgonnette puis écrasée par un camion, devant le magasin de sa famille dansla ville de Foshan (sud du pays).
La scène a été enregistrée par des caméras de surveillance et la vidéo-difficilement soutenable- a été diffusée par une télévision locale ainsi quesur l'internet.
Sur les images on voit une quinzaine d'habitants et de véhicules quipassent à côté de l'enfant, baignant dans son sang. Certains regardent le petitcorps disloqué, mais aucun ne daigne s'arrêter.
Une chiffonnière tire finalement la fillette sur le bord de lachaussée, mais ses appels au secours sont ignorés par divers commerçantsriverains. Elle parvient ensuite, seule, à prévenir la mère de la petite fille.
«Petite Yue Yue est morte à 0h32», a annoncé vendredi à l'AFP un porte-parole de l'hôpital général militaire de Canton (sud) où elle avait étéadmise, sans grand espoir vu son état désespéré.
Toute la semaine, le sort de Wang Yue (sa vraie identité, Yue Yue étantson surnom) a suscité des réactions indignées, qui ont redoublé avec son décès.
Les puissants réseaux sociaux chinois, caisse de résonance de l'opinionpublique, se sont emparés de cette tragique histoire, mais aussi la pressed'État.
«Cette société est gravement malade. Même les chiens et les chats ne devraientpas être traités de façon aussi inhumaine», a ainsi estimé un internaute surSina Weibo, l'équivalent chinois de Twitter.
Le drame a été vu comme l'illustration d'une dérive de la sociétéchinoise: beaucoup sont convaincus que le rapide développement économique dupays et l'enrichissement général de la population s'accompagnent d'une montéede l'égoïsme et d'une perte des valeurs collectives de solidarité mises enavant dans la Chine communiste de Mao Zedong.
«Il y a cette idée qui se développe en Chine qu'il y avait auparavantun âge d'or» de l'entraide, a confirmé à l'AFP Jean-Louis Rocca, sociologuespécialiste de la Chine.
Mais «c'est difficile de dire si c'est pire qu'ailleurs», a-t-ilrelevé, en insistant sur les solidarités «qui existent toujours, par exempledans la famille ou entre collègues de travail».
Ce fait divers vient s'ajouter à d'autres récents, mêlant violences gratuites et sentiments d'impunité.
Il y a eu ce fils de général, conduisant un luxueux coupé, qui atabassé un couple pour une broutille ou cet étudiant qui a renversé unepaysanne, qu'il a achevée à coups de couteau plutôt que d'avoir à lui verserdes dommages et intérêts.
La mort de Yue Yue restait vendredi l'un des principaux sujets dedébats sur les sites de microblogues chinois.
«Adieu petite Yue Yue. Il n'y a pas de voitures au paradis», a écrit uninternaute.
«Adieu, je te souhaite de ne pas renaître en Chine dans une autre vie»,a écrit un autre.
L'affaire Yue Yue «a sans aucun doute exposé un côté sombre de notre société, a estimé de son côté vendredi le journal Global Times.
Aujourd'hui la Chine ne dispose pas de loi pénalisant la non-assistanceà personne en danger, a souligné le quotidien, et le pays est loin d'unconsensus sur les bienfaits d'une telle loi.
«Il serait plus approprié d'établir un système récompensant ceux quiaident plutôt que de punir ceux qui ne le font pas», a-t-il jugé dans unéditorial.
******************
Prions pour son âme