Bonjour tout le monde,
Jn, comme tu ne m'as répondu lors de mon précédent post, je me suis senti ignoré.
Peut-être mon intervention n'était-elle pas assez pertinente ?
Ou alors suis-je un citoyen de " 3ème classe"
J'ai donc décidé de fouiller un peu pour trouver les origines de cette fameuse expression " français de souche ".
Finalement très peu d'informations mais je vous livre ci-après quelques clefs...
Français(e) de souche: expression associant « Français » désignant une personne de nationalité française et « souche » nom féminin dont le sens figuré « origine » apparaît dès le XIIIème siècle. Au XIème siècle elle ne désignait que la partie restante d’un arbre coupé : tronc et racines. Le sens forestier étant plus utilisé que le sens figuré, l’expression « Français de souche » n’est pas forcément heureuse, en forêt une souche n’est qu’un résidu alors que l’arbre entier, lui, est formidable.
A partir du XIVème siècle « souche » désigne la personne à l’origine d’une suite de descendants, des expressions en dérivent au XIXème et XXème siècles comme « bonne souche », « vieille souche », dont le sens est plus « noble » que l’expression « vieille branche ».
L’expression est de plus en plus utilisée, au quotidien comme par certains chercheurs. Mais qui est dit Français de souche ? Cette question n’est simple qu’en apparence. Jusqu’où est-on sensé remonter dans la généalogie? Que se passe-t-il si une branche de la famille est rattachée à la nationalité française depuis un temps certain (du moins depuis que la notion de nationalité française a pris de l’importance !) et une autre branche est étrangère ? La personne concernée est-elle une moitié de souche ? Au début du XIXème siècle « de souche » qualifie des Français nés en France de parents nés en France. Puis son sens a évolué sous l’influence, en particulier, de l’extrême droite, pour qualifier un Français dont toute (ou presque) l’ascendance est française.
Aujourd’hui d’aucuns considèrent ce terme comme opérationnel, mais sa définition, si elle est toujours créée en négatif, par rapport aux descendants de migrants, change selon les auteurs, ou entre les ouvrages d’un même auteur. Par exemple, une étude, mise en ligne en 2009 sur le site eduscol, proposée par Robert Ballion, Directeur de recherche au CNRS, au centre d’analyse et d’intervention sociologiques, distingue les « élèves étrangers ou d’origine étrangère » puisqu’« enfant de père étranger » des « élèves français de " souche " ». Un chercheur de l’INED (Institut National des Etudes Démographiques) Michèle Tribalat définit en 1995, dans Faire France. Une enquête sur les immigrés et leurs enfants, le Français de souche comme l’individu né en France de deux parents nés en France. En 1991, sous la direction du même auteur, Cent ans d'immigration: étrangers d'hier, Français d'aujourd'hui considère Français de souche le Français qui ne compte aucun étranger parmi les quatre premières générations de ses ancêtres. Imprécise, cette « notion » est au cœur d’un virulent débat entre les chercheurs démographes. Dans Le Démon des origines, démographie et extrême droite, Hervé Le Bras fustige le travail de ses collègues du point de vue de la méthode et de ses implications idéologiques: ces derniers utilisent l’année 1900 comme date butoir car remonter au-delà est difficile, ils prennent uniquement en compte les mères étrangères et non pas les pères, car les données manquent sur la fécondité des hommes, et optent pour la domination de l’ascendance étrangère sur l’ascendance française. Le Français de souche, qui n’appartient à aucune génération de migration après 1900, n’est que le résidu de population issu de ces calculs. Pour Hervé Le Bras ce travail est une caution scientifique aux idées d’extrême droite, qui nourrit le fantasme biologique de l’assimilation par dilution des gènes, conforte les opinions xénophobes en accroissant les chiffres de la population ressentie comme étrangère et rejoint la définition du peuple français selon le Front National comme une communauté de race. H. Le Bras écrit : « Ultimement, l’opération (…) transformait la population française en un groupe ethnique et pour ainsi dire en une race avec à ses côtés des sous-races plus ou moins stigmatisées pour leur dangerosité ou leur assimilation imparfaite », alors même que les généticiens des populations montrent que les races n’existent pas.
L’expression a été forgée dans le but de créer une distinction entre les Français, si certains sont « de souche » d’autres ne le sont pas mais sont français… quand même. Utiliser cette expression est un choix idéologique: la nation n’est plus une, elle se compose de deux populations : la génération de souche et la génération de migration. Désigner une génération de Français issue de migration, les assimiler à leur origine, revient à les dénaturaliser dans les mots alors même que la législation rend égaux tous les Français entre eux, quel que soit l’historique du mode d’accession à la nationalité.
Sur la carte nationale d’identité le mode d’accession à la nationalité n’est pas indiqué. Introduire une distinction est-il bien raisonnable ? Remettre en cause la valeur républicaine de l’unité de la nation permettrait-il plus de justice ? Rappelons que durant la seconde guerre mondiale 15 154 Français, naturalisés entre 1927 et 1940 ont vu leur nationalité française supprimée par Vichy, parmi eux une majorité de juifs livrés alors à la déportation, tandis que un million de Français ont vécu pendant la guerre sous la menace d’une dénaturalisation. Cette époque dramatique est certes bien particulière mais l’exemple montre le danger de ne pas considérer comme Français « véritable » les Français récents.
L’utilisation de l’expression est le reflet des tensions de la société et de la construction individuelle des identités aujourd’hui. Force est de constater qu’il existe un besoin de distinguer, de se distinguer, autant pour des individus dont la famille est française depuis de nombreuses générations que pour des individus issus d’une immigration récente. Elle s’apparente à l’expression voisine, « être d’origine… ». Ce besoin ressenti par une part de la population est alimenté, voire créé, par la mise sous les projecteurs politiques et médiatiques de la question migratoire, depuis près de quarante ans, alors même que les flux migratoires sont stables. Au Québec, terre d’immigration française, des universitaires parlent facilement de souche, considérant la parenté de 80 pour cent de la population avec quelques 4000 ancêtres venus de France. Y aurait-il derrière l’usage grandissant du terme la recherche d’un couple mythique, le premier couple préhistorique français ? Une « envie de mythe » tiraille-t-elle la population française? Population française dont il est intéressant de noter qu’elle est définie dans des livres de géographie comme étant, simplement, l’ensemble des habitants de la France.
L’expression « français de souche » n’est pas nécessaire à la compréhension et ne clarifie rien, d’autant plus qu’elle fait fi du code de la nationalité. Elle est malsaine dans le discours politique et se charge d’un fort contenu idéologique quand le contexte est à la poussée de l’extrême droite. Son utilisation participe à une montée en puissance de la conception ethnique de la nation, pour laquelle l’hérédité l’emporte sur l’attachement volontaire à une nation. Il participe également à la montée en puissance du communautarisme. Utiliser ou non ce terme révèle la conception que chacun se fait de l’identité nationale.
Par Yaëlle Lavallée, professeur agrégé d'Histoire-Géographie
Voir aussi : Reepro/immig souche 1/98
Ma théorie est que nous sommes des citoyens de 3e classe.
Là-dessus, je suis d'accord avec toi
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