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En Chine, la révolte de ses maîtresses envoie en prison le maire de Baoji ,
par Brice Pedroletti
LE MONDE | 13.09.07 | 16h52 •
(Shanghaï, correspondant)
Ville industrielle à l'urbanisme ingrat située à l'est de Xian, dans le Shanxi, Baoji a acquis une notoriété inattendue grâce aux frasques de son plus haut dirigeant, Pang Jiayu, 63 ans : l'affaire est de celles dont la presse chinoise et les blogs raffolent. Ses onze maîtresses ont eu raison de son règne en dénonçant, preuves à l'appui, les malversations de celui qui s'était attribué un droit de cuissage sur les épouses de ses subalternes.
Tout commence en 1994, quand Pang Jiayu devient maire de Baoji. Il a une dent contre l'un de ses collaborateurs, désigné sous le pseudonyme de Li Simin, qui a été autrefois son supérieur. Pour les fêtes du nouvel an chinois, Pang Jiayu propose à ses employés une escapade dans un site touristique des environs et leur enjoint d'inviter leurs femmes. Le soir, Li Simin est rappelé à Baoji pour régler un problème urgent. Pang Jiayu se rend dans la chambre de sa femme, Zeng Qian (autre pseudonyme), à qui il montre des photos de son mari au bras de prostituées. Il aurait alors glissé une drogue dans son thé. La belle se serait réveillée le lendemain, avec le maire, nu, à ses côtés.
A Baoji, Pang Jiayu acquiert rapidement le sobriquet de "maire-la-braguette", et les fonctionnaires en mal de promotion doivent envoyer leur femme "en bavarder" avec leur chef.
FAVEURS ET PRÉBENDES
En 1998, M. Pang est nommé secrétaire général du Parti de Baoji, et détient donc tous les pouvoirs. Il distribue de plus en plus largement faveurs et prébendes à son entourage, notamment à travers l'attribution de contrats municipaux. Li Simin est placé à la tête d'une société semi-publique d'investissement, secondé par deux autres fonctionnaires dont les femmes doivent également satisfaire l'appétit sexuel de Pang Jiayu. Un gros projet d'infrastructure, dans le domaine de l'eau, se révèle deux fois plus coûteux que prévu. L'ouvrage est mal fait.
Entre-temps, Pang Jiayu est encore monté en grade. Il est désormais vice-président de l'Assemblée consultative du peuple de la province du Shanxi. Mais la société d'investissement de Li Simin est criblée de dettes. Une enquête est diligentée. Pang Jiayu fait comprendre à ses protégés qu'ils doivent endosser toute la responsabilité de l'affaire, et qu'il intercédera en leur faveur pour réduire leurs peines. Mais Li Simin est condamné à mort et ses deux adjoints à de longues peines de prison.
Désespérée, Zeng Qian, l'épouse de Li Simin, rallie les onze maîtresses de Pang Jiayu pour faire éclater la vérité. L'ancien maire a rejoint une liste qui, en ces temps de zèle anticorruption (le XVIIe congrès du Parti communiste approche), ne cesse de s'allonger : celle des hauts fonctionnaires épinglés pour corruption grave. Selon la presse chinoise, 90 % d'entre eux sont aussi accusés d'entretenir des "ernai" (seconde femme), une tradition qui a la vie dure en Chine.
Brice Pedroletti
Article paru dans l'édition du 14.09.07