Pour revenir sur Pierre Rabhi, du coup j'ai regardé le film proposé par Virgin.
Je suis très exactement en phase avec ce qu'il dit à partir du troisième quart de l'interview, qui se termine par "je crois profondément au bonheur dans la sobriété". (Pauvre Rabhi, il a visiblement été attaqué par une caméra, et par un interviewer engagé--il commence à devenir efficace et juste quand on le laisse parler).
Par contre, le début (orienté par l'interviewer) lui fait mettre les pieds plusieurs fois sur le terrain miné de l'écologie politique, à comparer des termes qui n'importent qu'aux spécialistes, et à mettre le point sur le fait qu'une agriculture biologique peut subvenir avec une certaine opulence aux besoins de l'humanité.
C'est vrai, sans doute, mais là n'est pas le problème fondamental. On a besoin, immensément besoin, de nombreux Rabhis pour ganger du temps de vie de l'humanité, mais ce serait vain si c'était pour poursuivre sur la même voie de croissance à tout crin de la population comme de la consommation.
La sobriété, qui peut donc être heureuse, est impérative.
Mais elle ne suffit pas. Il y a 300 millions de tonnes de chair humaine vivante sur terre (et ca met la moyenne à 40kg), et même en limitant la consommation, c'est bien trop.
L'homme détourne vers sa propre consommation une part de plus en plus importante de l'activité biologique terrestre, et ce n'est évidemment pas tenable si cette croissance se maintient. Or avec l'épuisement des ressources minières, on va évidemment se retourner vers les ressources biologiques: bruler du bois et des plantes pleines de carbone. Ca va porter un coup extrème à la nature.
Non, je crois que l'intelligence si intelligence il y a doit nous porter au respect quasi-mystique des ressources naturelles. Respecter un arbre parce que c'est un arbre.
Quand les colons américains ont commencé à écrire des titres de propriété de la terre (!), les Indiens du moment demandaient "possédez-vous votre mère?" et quand ils l'ont brulée pour la cultiver, en tuant les animaux qui y vivaient "comment peut-on faire ca à sa famille?" (ou qqch dans la même veine). Quand on cultive à outrance, on pourrait dire "réduire en esclavage".
Ca n'est pas du romantisme. C'est une intelligence très claire du rapport entre la terre et ceux qui y vivent. Aujourd'hui, Agent Smith de Matrix a tout-à-fait raison: l'humanité est un cancer: elle grandit et se reproduit, annexant toute la vie qu'elle touche jusqu'à ce que la mort de son porteur --la Terre-- s'ensuive.
Dans ce sens, le message de Rhabi, qui est bienvenu, reste une solution de transition: oui il faut réduire la consommation des ressources, pour nous donner le temps de changer radicalement. L'un sans l'autre serait vain.