Je ne pense pas que s'écarter de la société consommatrice dans son mode de pensée et pour ses enjeux quotidiens puisse mettre la bête à genoux: il y a bien trop de gens qui rêvent d'y accéder à ta place.
C'est surtout une attitude qui peut t'aider à franchir le pas quand les choses iront mal. Tant de gens sont prisonniers du système, à travailler pour manger et à louer pour habiter, avec l'espoir d'être un jour chez soi; tant d'autres surfent le marché, volant de crise en boom; et tous à travailler de facon stérile --je veux dire d'une facon qui ne les nourrirait pas hors du contexte économique qui a créé leur job ou leurs opportunités.
Si tout ce dont tu vis est le trading en immobilier, tu n'auras à la rigueur que le couvert le jour òu ca s'effondre. Si ton copain a des actions, il pourra les employer pour tapisser tes murs contre le froid et vous vous serrerez à deux.
Si par contre tu as construit un petit marché de village ou une petite activité pour laquelle tu ne dépends de personne spécifiquement, ni idéalement d'un marché (tourisme, construction...), tu survivras aux chocs.
C'est la bénédiction des paysans: ils ne vivent pas le "oai", le glamour de la vie en ville, mais le jour òu il fait faim ils surmontent. Or aujourd'hui même l'agriculture est engrenée sur le pétrole, sur l'azote, sur l'atome en France (intensification de la consommation d'énergie, de l'emploi des engrais...) Même les agriculteurs risquent gros quand le marché tombe.
Il ne s'agit donc pas de tuer la bête, mais de vivre avec. Je ne pense vraiment pas qu'il soit nécessaire de la tuer. Si elle survit un temps, grand bien lui fasse, je ne veux de mal à personne. Mais mes enfants seront prêts, avec des valeurs qui leur permettront de surmonter le choc, quand la fin arrivera.
C'est comme ca que le sentiment d'appartenance à un groupe interdépendant qui partage des valeurs et des enjeux, et typiquement un mode de vie (une tribu, donc), est un facteur de solidité.
Le consommateur est en voie d'extinction par faute de consommables: on sait depuis 30 ans qu'on mange des ressources irremplacables à un rythme insoutenable mais on continue parce que c'est ce qui fait élire les présidents; on sait que depuis 2000 on n'avait plus que 90 ans de pétrole au rythme de consommation de l'époque, mais la consommation mondiale augmente de 3-4% par an quand-même, parce que c'est le shoot, on et accros. On sait que la croissance réelle (hors inflation)* implique l'épuisement des ressources, mais on la prône et on ouvre le champagne quand on gagne 1% en plus.
Non, l'homo consumeris n'est pas plus malin que la levure de bière (on en a déjà parlé à la fin d'un message ancien). Quand viendra la fin du pétrole pas cher, et la désintégration de tous les compromis fragiles et sophistiqués issus du XXème siècle, quand la faim et la peur feront dépasser les bonnes manières, ca sera une surprise pour tout le monde, parce qu'on l'a déjà dit ici, avec le lac aux joncs, on ne sait pas quand ca arrivera, mais quand ca se passera, ca arrivera très vite.
* Je souriais hier à la lecture d'un sujet sur le bilan de la première année du Vietnam à l'OMC: un texte piqué d'un canard de propagande, òu tout le monde se congratule, mais si on fait la différence entre la croissance réelle et la croissance apparente, et si on fait la différence entre niveau de vie ($ par habitant) et qualité de vie (non mesurable), on voit bien que c'est une catastrophe, qu'ils le savent et qu'ils prennent toutes les précautions de langage pour enduire d'erreur le journaliste ignare. Le sujet est tellement vaste que je n'ai pas osé plonger de peur d'y passer la nuit.
(enfin... dans le même sujet on annoncait quelque part que l'indice de Gini du Vietnam restait stable! qui croire?)
Quant aux effets irréversibles, on y reviendra.