Gare aux crimes de lèse-majesté sur les réseaux sociaux en Thaïlande
Bangkok, le 5 décembre 2013. Le roi thaïlandais est vénéré, tel un demi-dieu, par le peuple thaïlandais. REUTERS/Dylan Martinez
Par Arnaud Dubus
La crise politique en Thaïlande est surtout visible dans les rues. Depuis un mois, des dizaines de milliers de manifestants antigouvernementaux occupent des quartiers de Bangkok, investissent des ministères ou défilent dans la rue. De leurs côtés, les « chemises rouges », qui soutiennent le gouvernement se sont rassemblées pendant une dizaine de jours dans un stade sportif de la capitale. Mais cette guerre politique se déroule aussi dans la dimension digitale, notamment sur les réseaux sociaux de l'internet.
De notre correspodant à Bangkok,
Facebook est bien évidemment un lieu privilégié d'expression pour les divers groupements politiques. Ainsi les « chemises jaunes », c'est à dire schématiquement les gens issus des milieux urbains qui s'opposent au clan politique de l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, interagissent sur le réseau Facebook en postant articles, commentaires et caricatures qui dénigrent ce clan.
Mais les « chemises rouges », dont la majorité viennent des provinces rurales, ne sont pas en reste. Il y a notamment une frange d'intellectuels « chemises rouges » qui se montrent extrêmement active sur le réseau Facebook, critiquant le mouvement antigouvernemental et notamment son rejet des élections. Un troisième groupe est composé des Occidentaux qui s'intéressent de près à la politique thaïlandaise. Ceux-ci adoptent une approche plus analytique. Ils postent des articles universitaires, de la presse internationale ou encore leur propre vision du conflit. Certaines pages d'experts étrangers sont très suivies. Mais la confrontation des points de vue des groupes opposés se déroule rarement sur Facebook, car les « rouges » acceptent rarement les « jaunes » parmi leurs amis, et vice versa. C'est surtout sur le réseau Twitter que la véritable guerre de l'Internet se déroule, c'est là où les partisans du gouvernement et les opposants s'apostrophent et se contredisent.
Patrouille sur les réseaux sociaux
Globalement, l'expression politique est extrêmement libre sur les réseaux sociaux. A une exception près toutefois, la question de la monarchie. Les lois punissant le crime de lèse-majesté sont extrêmement sévères en Thaïlande : la moindre critique contre la famille royale peut être punie d'une peine entre trois et quinze ans de prison. Et cela vaut aussi pour les réseaux sociaux. Certains membres du gouvernement ont même indiqué qu'appuyer sur la touche « j'aime » pour dire qu'on apprécie un commentaire négatif sur le roi ou la reine pouvait tomber sur le coup de la loi.
La police dispose d'une section spéciale d'informaticiens qui passent leur journée à patrouiller sur les réseaux sociaux pour repérer ce genre de commentaires. Cela n'est pas à prendre à la légère car certaines personnes ont été condamnées à plusieurs années de prison pour des faits de ce genre même si ces personnes ne se trouvaient pas sur le sol thaïlandais au moment où ils ont posté le commentaire. C'est pour cette même raison que des dizaines de milliers de sites Internet sont inaccessibles en Thaïlande, notamment un grand nombre de sites d'informations spécialisés sur l'Asie, basés hors de Thaïlande.
Gare aux crimes de lèse-majesté sur les réseaux sociaux en Thaïlande - Thaïlande - RFI
A comparer avec un article précédent sur le dernier décret vietnamien sur l'usage d'internet.
Et pourquoi pas un débat sur l'usage de la démocratie par le Parti Démocrate Thai qui veut renverser le gouvernement actuel ?