Le maoïsme a la peau dure.
Source : ICIAffaire d'esclavage à Londres : une mort mystérieuse en 1997
De nouveaux détails ont émergé sur le couple qui a exploité pendant trente ans trois femmes. Maoïstes extrêmes, ils avaient fondé une communauté quasi sectaire. Un de ses membres est tombé d'une fenêtre dans des conditions floues.
C'est une énigme supplémentaire dans le puzzle que doivent résoudre les policiers britanniques qui enquêtent sur l'affaire des trois femmes séquestrées de Londres. On sait désormais qu' Aravindan et Chanda Balakrishnan, le couple qui les aurait exploitées durant trente ans, avait instauré un collectif maoïste au fonctionnement proche de la secte. La presse anglaise a aussi révélé lundi qu'une des membres de ce groupe est morte dans des conditions mystérieuses en 1997.
Originaire du Pays de Galles, Sian Davies avait rejoint la mouvance des Balakrishnan en 1973, à son arrivée à Londres, où elle s'était installée pour poursuivre ses études de droit. Elle avait rapidement cessé de donner des nouvelles régulières à sa famille. En 1997, à la veille de Noël, cette femme de 44 ans s'était grièvement blessée en tombant d'une fenêtre de la maison où habitaient les Balakrishnan. Elle était morte de ses blessures sept mois plus tard, à l'hôpital.
Lorsque la mère de Sian Davies avait cherché à la joindre après les fêtes, les Balakrishnan et leurs «disciples» avaient expliqué que Sian était en Inde. Cette dissimulation avait profondément choqué la famille de la quadragénaire, tout comme l'enquêteur qui travaillait sur les circonstances de la défenestration. Des membres du culte avaient affirmé pour se défendre que c'était Sian elle-même qui aurait demandé à ce qu'on cache la vérité à sa famille, après ce qu'elle qualifiait «d'accident». Sian serait tombée de la fenêtre de la salle de bains. Mais à la lumière des révélations de ces derniers jours, l'entourage de Sian se demande si celle-ci n'essayait pas de fuir la maison. La police est en train d'examiner les rapports de l'époque.
«Activités conspiratrices et séparatistes»
Aravindan Balakrishnan, aujourd'hui âgé de 73 ans, est arrivé de Singapour au Royaume-Uni dans les années 60. Il rejoint le parti communiste anglais où il devient membre du comité exécutif national. Dans le même temps, il épouse une militante marxiste tanzanienne Chanda Pattni, 67 ans. Mais en 1974, Aravindan Balakrishnan est suspendu du parti communiste en 1974 à cause des «activités conspiratrices et séparatistes» de sa «clique».
Le couple Balakrishnan fonde alors le Mao Tsé-toung Memorial Centre qui regroupe une vingtaine de personnes. En 1978, la police britannique qui surveille leur squat fait une descente. Le motif n'a pas été révélé mais 14 personnes sont arrêtées, dont Aravindan Balakrishnan et sa femme Chanda, surnommés les camarades Bala et Chanda. L'organisation d'Aravindan Balakrishnan était connue pour son radicalisme. Plusieurs chercheurs spécialistes de l'extrême gauche se sont même penchés dessus. Steve Rayner, interrogé par le Guardian, décrit Aravindan Balakrishnan comme un homme charismatique et particulièrement manipulateur qui a instauré un mode de vie sectaire. Il avait convaincu ses «disciples» de renoncer à tout débat et à lui verser leurs revenus. Il visait particulièrement les étrangers ou les étudiants qui arrivaient à Londres de province et avait peu d'attaches. Aravindan Balakrishnan et ses «fidèles» portaient toute la journée des badges de Mao et étaient convaincus que l'armée rouge allait libérer leur quartier.
«Je suis comme une mouche piégée dans une toile d'araignée».
La police a juste confirmé pour le moment que deux des trois victimes, une Malaisienne de 69 ans et une Irlandaise de 57 ans, avaient connu le suspect masculin par le biais d'une «idéologie politique commune» et vécu avec lui au sein d'une «communauté». En plus de 30 ans, le couple Balakrishnan a déménagé une douzaine de fois. Les liens du couple avec la troisième captive, une Britannique de 30 ans, nommée Rosie, sont plus flous. La jeune femme pourrait être la fille d' Aravindan Balakrishnan et de Sian Davies ou de la femme irlandaise. A un voisin dont elle s'était épris, Rosie avait expliqué avoir été adoptée par Aravindan Balakrishnan après la mort de ses parents. Pouvant sortir pour faire les courses, Rosie a transmis plus de 500 lettres à ce jeune voisin. Dans une de ces missives, Rosie écrivait: «Ces monstres ici sont fous, mauvais et racistes (…) Ils ont bouclé toutes les fenêtres et portes, et gardent les clés sur eux pour s'assurer que je ne puisse pas venir te voir (ou te laisser entrer). Ils sont dangereux». Et de poursuivre: «Je suis comme une mouche piégée dans une toile d'araignée».
Le sort de Rosie soulève aussi la question de savoir si les autorités ont été négligentes et laissé passer des occasions de délivrer les captives. En 1998, les autorités locales n'ont pas réagi quand un témoignage anonyme s'est étonné que Rosie, alors âgée de 15 ans, ne soit pas scolarisée. La petite amie du voisin, objet des attentions de Rosie, aurait également pu avertir la police pour harcèlement mais elle explique n'avoir jamais osé se plaindre de la jeune femme, qu'elle pensait atteinte de troubles psychologiques.