Attention, festival!
[mode troll on] On entend souvent tout et n'importe quoi sur la festivité de Hanoi ou de l'ASE en général. D'abord il faut arrêter de dire que les établissement ferment tôt. Au Vietnam, minuit, c'est déjà tard, tout simplement parce qu'on se réveille plus tôt. Tout est relatif, il suffit donc de se mettre à l'heure. Certains expats peuvent passer des années à faire la grasse mat sans jamais comprendre cette évidence. C'est triste pour eux, inutile de chercher à les imiter. Il faut aussi arrêter de croire qu'en France il y a une vie nocturne démentielle. Il n'y en a une que pour ceux que ça intéresse, et qui se donnent la peine de la trouver (eh oui, il ne faut pas se leurrer, même à Paris ville-lumière, presque tout est fermé après minuit).
Je remarque surtout que le niveau d'attente en terme de "festivités" est extrêmement élevé chez certains Français qui débarquent dans ce pays où la vie n'est pas chère, avec tous les avantages que ça procure. Même chez ceux qui n'y ont pas encore mis les pieds, car ils ne manquent pas de s'informer des bons plans à l'avance. Au niveau des représentations ça donne à peu près ça : un bled un peu arriéré plein de gens simples avec qui on ne peut pas avoir de rapport évolué (cf Whitman qui a bien appris la leçon des expats éclairés : "bonjour combien de membre avez-vous dans votre famille aurevoire") un bled où on peut se goinfrer sans se ruiner, aller au bar tous les soirs (soi-disant car il n'y aurait que ça à faire), unique endroit où on peut rencontrer des gens cool qui connaissent le vrai Vietnam, le roots du roots, et où en prime il n'est pas difficile de trouver quelques minettes indigènes curieuses en quête d'exotique et prêtes à s'encanailler avec des mecs qui connaissent le vrai sens de la vie (yeah! we are the men!). Une image de débauche parfaitement tolérée dans le milieu expat, alors que dans un contexte métropolitain on y verrait un hédonisme un tantinet excessif (euphémisme).
Je dirais donc que Hanoi est justement un environnement idéal pour un Whitman de la jeunesse festive. D'ailleurs il n'y est même pas encore qu'il a déjà l'adresse des bars festifs et underground, où il faut toquer aux portes pour entrer (chouette un truc cool à raconter sur facebook!). Allez, reconnaissons que ça vaut le détour, les bars à expat. Ils ont tous leur lot de kékés qui "ont fait le Vietnam", et qui viennent se la jouer repos du guerrier après une dure journée de travail à la sueur de leur clim, ainsi que les kékés novices (expats étudiants et touristes) tout excités de découvrir les nouvelles perspectives de festivités qui s'offrent à eux, pour trois fois rien. Chacun sa vision de "l'étincelle de vie". Les mêmes qui semblent lutter contre l'ennui mortel de Hanoi et prétendent pouvoir définir ce qu'est une ville où on s'amuse vraiment, oublient vite qu'en France (même à Paris) ils ne sortent pas faire la "teuf" tous les soirs, car chez nous sortir et boire ça douille sévère, ou parce qu'ils ne peuvent pas se permettre d'arriver au boulot tous les matins avec la gueule de bois. Mais au Vietnam, en tant que représentants d'un pays développé, on peut se permettre certaines négligences. Ben oui quoi, on a l'étincelle de vie.
On a vite fait de se prendre pour les dieux de la party, les sommités de la french attitude, et prétendre pouvoir enseigner aux Vietnamiens ce que veut dire "s'amuser". Tous les soirs, chez les jeunes festifs à l'ego surdimensionné, les dialogues métaphysiques grivois vont bon train entre deux bières à 0,5 euros. On ne se lasse pas de conter sa débrouillardise en régime hostile-communiste-corrompu, s'échanger de faux bons tuyaux de pseudo-vétérans roublards, et se présenter les petites nouvelles. "Ben quoi? C'est pas notre faute si elles nous préfèrent, ici les mecs draguent comme des pieds et ils savent pas satisfaire une femme, etc."... bref, c'est le paradis du fêtard, le Loft des histoires sans lendemain, un festival de "casual gaming", un peu comme les Pokemons (attrapez-les toutes!) qu'il est possible de cumuler, collectionner et s'échanger, sans oublier de s'en vanter bien sûr, même devant de parfais inconnus, voire parfois devant les principales intéressées. "Les cons, ça ose tout. C'est même à ça qu'on les reconnaît" (Michel Audiard) [mode troll off]
Bref, Whitman, je pense que Hanoi n'a pas à rougir en terme de "festivité". Maintenant il y a festivité et festivité. Je te souhaite vivement d'être capable de dépasser le stade de l'expat borné, bien que manifestement tu aies envie de sauter dedans à pieds joints. Pour peu qu'une étincelle de vie éveille ton ouverture d'esprit, tu te rendras compte à quel point l'univers des expats bornés est petit et fermé. Les expats qui s'en sortent (c'est à dire ceux qui sont capable d'aimer le Vietnam pour ce qu'il est) sont ceux qui ont fait l'effort de coutoyer et comprendre les habitants (dans leur langue, c'est encore mieux), et surtout de regarder les choses avec leurs yeux à eux.
Il est ridicule de dire que les Vietnamiens ont une mentalité "droite", on trouve tout type de gens au Vietnam. Tu peux trouver des Viets festifs qui ont un sens de la festivité qui n'a rien à envier à tes standards les plus délurés. Certains, même, te feraient peur je pense. Le problème c'est que pour les connaitre, il ne faut pas se limiter aux jeunes étudiants Vietnamiens anglophones en quête d'échanges culturels, qui s'intéressent à l'occident (comme tu t'intéresse à l'Asie) mais ne savent pas trop comment dealer avec les barbares que nous sommes. Tu n'es pas obligé de passer ton temps avec les étudiants BCBG, tu peux même viser au dessus de ton âge, si tu juges qu'il y a un décalage de maturité. Mais il y a foule d'étudiants vietnamiens qui savent très bien s'amuser, à leur manière, sans compter sur les expats qui ne savent rester qu'entre eux et dans leurs bars, à parler leur langue, en buvant leurs alcools. Si tu veux jouer avec des Vietnamiens "débridés" (ok, facile ), c'est peut-être à toi d'apprendre à dealer avec eux. Je sais pas si tu as déjà essayé d'être drôle ou profond quand tu parles anglais, mais même si t'es doué en langue tu reconnaitras que c'est moins facile qu'en français. Ben c'est pareil pour les Vietnamiens. Ils sont vraiment eux-même et bien plus à l'aise quand ils sont dans leur environnement. Si t'as envie d'avoir des relations authentique en Asie, c'est à toi de faire l'effort. C'est pas comme en Afrique où la colonisation t'a mâchée le travail en imposant le français comme langue nationale dans plein de pays. Ce que font les expats aujourd'hui au Vietnam n'est pas si éloigné de ce qui se passait en Indochine : on se regroupe pour former une haute société qui choisit ses codes, et on y accepte les indigènes qui ont le niveau interculturel requis pour comprendre ces codes et surtout qui trouvent un intérêt personnel à les accepter. Ce qui veut dire : exit les Vietnamiens non bilingues, de même que ceux qui ne s'intéressent pas plus que ça aux étrangers, soit la majorité de la population, qui se retrouvent rayés de la carte. Les expats bénéficient ainsi d'un cocon protecteur dans lequel ils ont l'impression de tout maitriser, et peuvent nourrir l'illusion qu'ils font partie d'une élite avant-gardiste éclairée, les "rois de l'univers" comme dirait Léonardo Di Caprio.
Demande-toi combien de temps il va durer, ton "premier temps". Tu n'as que 4 mois... et en plus tu mets la charrue avant les bœufs : en général les expats commencent avec de bonnes intentions, en arrivant au Vietnam ils nourrissent un idéal d'enrichissement culturel, se disent qu'ils ne veulent surtout pas faire les touristes-moutons, beaucoup s'inscrivent à des cours de langue, essaient discuter avec les locaux, font plein de découvertes tout seuls comme des grands... et ce n'est qu'après que les expats leur tombent dessus, les font rentrer dans le cercle, et qu'ils finissent par choisir la facilité de la vie communautaire, qui rassure et repose le cerveau. Passé ce stade, la plupart n'arrivent jamais à faire marche arrière et se condamnent à rester entre eux ad vitam aeternam.
[mode troll off (pour de bon cette fois)]